Le centre culturel Una Volta à Bastia accueille jusqu’au 21 décembre une exposition poignante d’Antoine Agoudjian, photographe français d’origine arménienne, intitulée Traces d’une mémoire arménienne. À travers 28 photographies en noir et blanc et en couleur, l’artiste livre un témoignage visuel sur les blessures du peuple arménien, marquées par le génocide et les conflits successifs qui ont défiguré son histoire.
Produite par le Centre Méditerranéen de la Photographie, l’exposition plonge les visiteurs dans une réflexion profonde sur la mémoire collective. « J’ai rencontré Antoine Agoudjian voilà 25 ans par un ami photographe », explique Marcel Fortini, directeur du CMP. « Ce travail, réalisé sur 30 ans, associe éthique et esthétique. On y décèle la sincérité de l’auteur, son entière liberté. » L’œuvre d'Agoudjian, qui mêle habilement couleur et noir et blanc, invite les spectateurs à s’impliquer émotionnellement dans le destin d'un peuple toujours hanté par son passé. « A travers cette exposition, le spectateur participe à ce sujet qui est très fort et toujours d’actualité. Cela lui permet, sans voyeurisme, de se forger une opinion », ajoute Fortini.
Antoine Agoudjian, à l’origine danseur, se tourne vers la photographie après un séjour en Arménie en 1988, où il intervient lors du terrible tremblement de terre. « Je fais partie de la troisième génération des rescapés du génocide des Arméniens », confie-t-il. Son parcours photographique débute sur cette terre meurtrie et se nourrit de son héritage familial. « La photo est un média parfait pour évoquer cet héritage mémoriel. Je photographie sur les lieux mêmes de mes grands-parents, rescapés du génocide », précise-t-il.
En 2015, il fait le choix de la couleur pour renouer avec l’histoire et l’actualité du peuple arménien, notamment en Irak et en Artsakh, territoires meurtris par les guerres. Cette démarche lui vaut plusieurs récompenses prestigieuses, comme le Prix du public à Bayeux-Calvados en 2017 et le premier prix Visa d’or CICR en 2021. « Aujourd’hui, la nation arménienne est à nouveau menacée de disparition », souligne-t-il, mettant en lumière l’impunité et le déni qui nourrissent le cycle de la violence.
Le travail d’Agoudjian dépasse les frontières de la photographie, avec deux publications: Le cri du silence. Traces d’une mémoire arménienne (Éditions Flammarion, 2015) et Les yeux brûlants. Mémoire des Arméniens (Éditions Actes Sud, 2006). Ces ouvrages complètent son œuvre visuelle en offrant un récit intime et une réflexion sur l'identité arménienne, entre mémoire et histoire.
Cette exposition s’inscrit également dans le cadre des Rencontres Musicales de Calenzana et du festival Terra di Conti, dont le point d’orgue sera un concert exceptionnel du Naghash Ensemble of Armenia à la cathédrale Santa Maria Assunta de Bastia, le 9 décembre à 20h30. Le concert, alliant chants traditionnels arméniens et musique contemporaine, est une nouvelle occasion de célébrer la culture arménienne et son inaltérable résilience.
L’exposition est à découvrir du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 20h, mercredi de 9h à 20h, et samedi de 15h à 19h. Entrée libre