- Dans une tribune publiée mardi dans le journal Le Monde, 14 présidents d'universités françaises appellent à la mise en place d’une allocation d’études pour tous les étudiantes. Quelle est la position de l’Université de Corse à ce sujet ?
- L'Université de Corse y serait favorable pour la bonne et simple raison qu’aujourd'hui on se rend compte que la bourse sur critères sociaux, qui est accessible à un certain nombre d'étudiants, peut se cumuler avec tout un tas d'autres aides qui sont éclatés entre les opérateurs. À l'échelle locale, la Collectivité de Corse propose par exemple des aides pour les étudiants, dont beaucoup ne sont pas soumises à des conditions de revenus. Peut-être que de définir un système d'allocation qui fluctuerait en fonction du niveau de vie de l'étudiant serait plus approprié et éviterait le non-recours aux droits, parce que l’on constate que certaines aides ne sont pas activées par les étudiants, parce qu'elles sont noyées dans la masse. Je suis persuadé qu’au lieu du cumul de tous les financements publics qu'on met en œuvre pour aider les étudiants, un système universel où tous les étudiants auraient une allocation serait plus approprié. Après à définir si cette allocation devrait être la même pour tout le monde. Pour ma part, je ne pense pas parce qu'on créerait là encore des disparités. Il faudrait que dans ce système universel, il y ait un échelonnement, peut-être pas aussi important que sur les systèmes de bourses actuels sur critères sociaux.
- On sait que l’égalité des chances est loin d’aller de soi quand il s’agit d’accès aux études supérieures. Selon vous, la mise en place d’un tel système pourrait-elle contribuer à améliorer les choses ?
- Si effectivement tous les étudiants disposent à un moment donné de ce qu'on pourrait appeler un revenu universel, je pense qu’en termes d'égalité des chances on y gagnerait énormément. On se retrouverait effectivement à peut-être ne plus avoir à gérer autant de problèmes d'étudiants qui ont des difficultés à se loger ou à se nourrir.
- Dans cette ligne, dans leur récente tribune les 14 présidents d'université notent que dans une étude de 2020, l'Observatoire de la Vie étudiante relevait que 26 % des étudiants interrogés déclaraient vivre de manière précaire, tandis qu’il y a quelques jours une étude de l'IFOP a mis en exergue que près d'un étudiant sur deux a déjà supprimé un repas à cause du contexte d’inflation. Est-ce là des situations que vous constatez également à Corte ?
- Nous avons quand même beaucoup de spécificités locales. Déjà parce que durant l'année universitaire 2022-2023, un système de gratuité des repas avait été déployé au niveau des restaurants universitaires par le CROUS et la Collectivité de Corse. Ce système a permis, je pense, à beaucoup d'étudiants de répondre à cette problématique des repas. Aujourd’hui, nous n’avons donc pas assez de recul, 15 jours après la rentrée universitaire, pour voir ce qui se passe sur ce point-là. Par ailleurs, sur le logement, le flux majeur de problèmes que l’on observe est surtout marqué sur la période de rentrée, parce qu’il y a toujours une population touristique qui va occuper des logements qui du coup ne se retrouvent pas sur le marché et donc accessibles aux étudiants. Après, on voit qu’il y a aussi eu une flambée au niveau des loyers, mais comparativement à d'autres villes universitaires françaises, on n'est pas les plus les plus à plaindre. Et puis, sur la question de l’alimentation, on a la chance d'avoir une association étudiante, l’Aiutu Studientinu, qui, grâce à son épicerie solidaire, distribue gratuitement des produits de première nécessité sur le campus à environ 80 à 100 bénéficiaires. Et cette association bénéficie, il faut le souligner, de beaucoup de relais au niveau local, avec des partenaires comme certains commerçants de Corte qui viennent donner des invendus à l'association. Donc, à l’échelon local, je dirais que nous sommes dans un dans un écosystème où, malgré tout, on arrive quand même à assez bien juguler cette problématique de l'inflation, avec des dispositifs que l’on ne retrouve pas nécessairement ailleurs.
- Dans ce contexte de précarisation des étudiants, constatez-vous une hausse des abandons d’étude liés à des raisons économiques ?
- Dans le système universitaire il y a toujours des abandons, mais ils ne sont pas forcément liés à cela. Très honnêtement, je pense que de notre côté nous mettons en place tout un tas de mesures qui permettent de minimiser l'impact que pourrait avoir la précarité de l'étudiant sur ses études, aussi bien au niveau de l'Université, que du CROUS ou de la Collectivité de Corse. Les agents de l'Université qui travaillent dans le champ de la vie étudiante connaissent ces éventails d'aides. Quand nous avons un étudiant qui vient nous dire qu’il a du mal à joindre les deux bouts, nous activons tous ces leviers et je pense que nous arrivons à répondre au problème. Comme nous avons la chance d'être une petite université, les services essayent de travailler de façon étroite, y compris avec les responsables pédagogiques, pour justement éviter d'arriver à ce genre de situation. Nous essayons de dire aux étudiants qu’il existe des personnes relais qui peuvent les aider et leur apporter des solutions très concrètes face à toutes les formes possibles de précarité. Cependant, nous savons aussi que certains étudiants en difficulté vont avoir une forme de retenue et ne vont pas venir franchir la porte des services dédiés qui seraient pourtant là pour leur apporter une aide.
- Justement, quelles sont les mesures développées par l'Université de Corse pour accompagner ces étudiants en situation de précarité ?
- Nous travaillons sur différents volets. Tout d’abord, nous avons un partenariat fort avec le CROUS, et les assistantes sociales de nos deux organismes travaillent en tandem. Sur le volet financier, nous avons un système d'aide ponctuelle qui peut être activé si un étudiant vient par exemple nous dire qu’il ne peut pas payer sa facture d'électricité. Depuis la crise Covid, nous avons également mis en place un système de tickets services, distribués par l'assistante sociale, qui sont des bons d'achat qui peuvent être utilisés dans toutes les grandes surfaces et permettent à l'étudiant de pouvoir subvenir à ses besoins de première nécessité. Après, il y a aussi toutes les mesures que nous ne gérons pas directement, mais qui sont déployées dans le cadre du schéma d'aide à la réussite et à la vie étudiante de la Collectivité de Corse, qui sont très concrètes et qui permettent de lutter directement ou indirectement contre la précarité. Nous savons donc que la précarité existe et de plus en plus prégnante, mais à notre niveau, quand nous identifions des étudiants dans cette situation, nous les accompagnons, je pense de façon optimale. Nous avons la chance de pouvoir le faire, car nous sommes dans une petite structure, et qu’un des axes forts de notre politique c’est l’accompagnement. Maintenant, je pense que la difficulté c'est d'arriver à communiquer et à faire connaître aux étudiants et à leurs familles toutes les possibilités d’aides qui leur sont offertes et à leur dire qu’il ne faut pas hésiter à activer ces leviers.
- L'Université de Corse y serait favorable pour la bonne et simple raison qu’aujourd'hui on se rend compte que la bourse sur critères sociaux, qui est accessible à un certain nombre d'étudiants, peut se cumuler avec tout un tas d'autres aides qui sont éclatés entre les opérateurs. À l'échelle locale, la Collectivité de Corse propose par exemple des aides pour les étudiants, dont beaucoup ne sont pas soumises à des conditions de revenus. Peut-être que de définir un système d'allocation qui fluctuerait en fonction du niveau de vie de l'étudiant serait plus approprié et éviterait le non-recours aux droits, parce que l’on constate que certaines aides ne sont pas activées par les étudiants, parce qu'elles sont noyées dans la masse. Je suis persuadé qu’au lieu du cumul de tous les financements publics qu'on met en œuvre pour aider les étudiants, un système universel où tous les étudiants auraient une allocation serait plus approprié. Après à définir si cette allocation devrait être la même pour tout le monde. Pour ma part, je ne pense pas parce qu'on créerait là encore des disparités. Il faudrait que dans ce système universel, il y ait un échelonnement, peut-être pas aussi important que sur les systèmes de bourses actuels sur critères sociaux.
- On sait que l’égalité des chances est loin d’aller de soi quand il s’agit d’accès aux études supérieures. Selon vous, la mise en place d’un tel système pourrait-elle contribuer à améliorer les choses ?
- Si effectivement tous les étudiants disposent à un moment donné de ce qu'on pourrait appeler un revenu universel, je pense qu’en termes d'égalité des chances on y gagnerait énormément. On se retrouverait effectivement à peut-être ne plus avoir à gérer autant de problèmes d'étudiants qui ont des difficultés à se loger ou à se nourrir.
- Dans cette ligne, dans leur récente tribune les 14 présidents d'université notent que dans une étude de 2020, l'Observatoire de la Vie étudiante relevait que 26 % des étudiants interrogés déclaraient vivre de manière précaire, tandis qu’il y a quelques jours une étude de l'IFOP a mis en exergue que près d'un étudiant sur deux a déjà supprimé un repas à cause du contexte d’inflation. Est-ce là des situations que vous constatez également à Corte ?
- Nous avons quand même beaucoup de spécificités locales. Déjà parce que durant l'année universitaire 2022-2023, un système de gratuité des repas avait été déployé au niveau des restaurants universitaires par le CROUS et la Collectivité de Corse. Ce système a permis, je pense, à beaucoup d'étudiants de répondre à cette problématique des repas. Aujourd’hui, nous n’avons donc pas assez de recul, 15 jours après la rentrée universitaire, pour voir ce qui se passe sur ce point-là. Par ailleurs, sur le logement, le flux majeur de problèmes que l’on observe est surtout marqué sur la période de rentrée, parce qu’il y a toujours une population touristique qui va occuper des logements qui du coup ne se retrouvent pas sur le marché et donc accessibles aux étudiants. Après, on voit qu’il y a aussi eu une flambée au niveau des loyers, mais comparativement à d'autres villes universitaires françaises, on n'est pas les plus les plus à plaindre. Et puis, sur la question de l’alimentation, on a la chance d'avoir une association étudiante, l’Aiutu Studientinu, qui, grâce à son épicerie solidaire, distribue gratuitement des produits de première nécessité sur le campus à environ 80 à 100 bénéficiaires. Et cette association bénéficie, il faut le souligner, de beaucoup de relais au niveau local, avec des partenaires comme certains commerçants de Corte qui viennent donner des invendus à l'association. Donc, à l’échelon local, je dirais que nous sommes dans un dans un écosystème où, malgré tout, on arrive quand même à assez bien juguler cette problématique de l'inflation, avec des dispositifs que l’on ne retrouve pas nécessairement ailleurs.
- Dans ce contexte de précarisation des étudiants, constatez-vous une hausse des abandons d’étude liés à des raisons économiques ?
- Dans le système universitaire il y a toujours des abandons, mais ils ne sont pas forcément liés à cela. Très honnêtement, je pense que de notre côté nous mettons en place tout un tas de mesures qui permettent de minimiser l'impact que pourrait avoir la précarité de l'étudiant sur ses études, aussi bien au niveau de l'Université, que du CROUS ou de la Collectivité de Corse. Les agents de l'Université qui travaillent dans le champ de la vie étudiante connaissent ces éventails d'aides. Quand nous avons un étudiant qui vient nous dire qu’il a du mal à joindre les deux bouts, nous activons tous ces leviers et je pense que nous arrivons à répondre au problème. Comme nous avons la chance d'être une petite université, les services essayent de travailler de façon étroite, y compris avec les responsables pédagogiques, pour justement éviter d'arriver à ce genre de situation. Nous essayons de dire aux étudiants qu’il existe des personnes relais qui peuvent les aider et leur apporter des solutions très concrètes face à toutes les formes possibles de précarité. Cependant, nous savons aussi que certains étudiants en difficulté vont avoir une forme de retenue et ne vont pas venir franchir la porte des services dédiés qui seraient pourtant là pour leur apporter une aide.
- Justement, quelles sont les mesures développées par l'Université de Corse pour accompagner ces étudiants en situation de précarité ?
- Nous travaillons sur différents volets. Tout d’abord, nous avons un partenariat fort avec le CROUS, et les assistantes sociales de nos deux organismes travaillent en tandem. Sur le volet financier, nous avons un système d'aide ponctuelle qui peut être activé si un étudiant vient par exemple nous dire qu’il ne peut pas payer sa facture d'électricité. Depuis la crise Covid, nous avons également mis en place un système de tickets services, distribués par l'assistante sociale, qui sont des bons d'achat qui peuvent être utilisés dans toutes les grandes surfaces et permettent à l'étudiant de pouvoir subvenir à ses besoins de première nécessité. Après, il y a aussi toutes les mesures que nous ne gérons pas directement, mais qui sont déployées dans le cadre du schéma d'aide à la réussite et à la vie étudiante de la Collectivité de Corse, qui sont très concrètes et qui permettent de lutter directement ou indirectement contre la précarité. Nous savons donc que la précarité existe et de plus en plus prégnante, mais à notre niveau, quand nous identifions des étudiants dans cette situation, nous les accompagnons, je pense de façon optimale. Nous avons la chance de pouvoir le faire, car nous sommes dans une petite structure, et qu’un des axes forts de notre politique c’est l’accompagnement. Maintenant, je pense que la difficulté c'est d'arriver à communiquer et à faire connaître aux étudiants et à leurs familles toutes les possibilités d’aides qui leur sont offertes et à leur dire qu’il ne faut pas hésiter à activer ces leviers.