Les représentants de Corsica Libera, du PNC et de Femu a Corsica lors du débat consacré à la majorité territoriale. Photo Michel Luccioni.
Viendra ? Viendra pas ? C’est la première question qui se posait dimanche après-midi avant le débat des Ghjurnate internaziunale de Corti réunissant la coalition Pè a Corsica sur le thème : « Pè a Corsica, an IV, quelles perspectives pour le processus d’émancipation nationale ? ». Après le boycott de l’année dernière et les crispations qui s’enveniment entre partenaires de la majorité, personne ne l’attendait vraiment. Au final, sans grande surprise, le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse et leader des Nationalistes modérés, Gilles Simeoni, ne s’est pas déplacé, mais a envoyé une petite délégation de son parti, Femu a Corsica, dont le secrétaire national et député Jean-Félix Acquaviva, et le conseiller exécutif Jean Biancucci pour le représenter. A la tribune, ce dernier tente d’expliquer diplomatiquement l’absence du patron : « Il est indisponible. Il a d’autres obligations ».
Le poids d’une absence
Une absence que les partenaires s’attachent vainement à rendre anodine. « J’ai eu Gilles Simeoni au téléphone. Il m’a dit qu’il y aurait une délégation importante de Femu. Nous allons l’accueillir avec plaisir », botte benoitement en touche avant le débat, le leader de Corsica Libera et président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni. Mais le malaise est patent. Par son absence, Gilles Simeoni réaffirme son refus de céder aux pressions électorales. Tout en rappelant subrepticement que « le président de l’Exécutif a fait l’objet de critiques au sein de la majorité », Jean-Félix Acquaviva confirme en coulisses : « Nous sommes là pour dire franchement ce que nous sommes en tant que composante importante de la majorité. Il n’y a pas lieu, ni de dramatiser les absences, ni de considérer que la présence est forcément l’élément, ou de divergence pour les municipales à creuser, ou d’une absolue union ». Le ton est donné, et le service minimum. Guère plus de monde du côté du PNC, qui a repris depuis décembre dernier son indépendance, mais la présence de son leader, le conseiller exécutif, Jean-Christophe Angelini, et du conseiller territorial, candidat à la mairie d’Ajaccio, Jean François Casalta.
La discorde électorale
Dans cette atmosphère un peu contrainte, chacun fait comme si de rien n’était et s’évertue à éviter d’aborder frontalement le sujet qui fâche et qui divise le mouvement national depuis deux mois : les élections municipales de mars 2020 et le choix d’une liste unique ou des listes séparées au 1er tour. Cette question récurrente avait déjà focalisé le débat deux ans auparavant, lors des Ghjurnate d’août 2017, et concernait, alors, le scrutin des territoriales. Après des semaines d’atermoiements, les Modérés avaient accepté l’union dès le premier tour et raflé la mise. Aujourd’hui comme hier, il n’y a pour les Indépendantistes, rejoints pour l’occasion par le PNC, qu’une stratégie possible : une seule liste Pè a Corsica au 1er tour dans les deux grandes villes, Bastia et Aiacciu, et les communes importantes. Une configuration gagnante aux Législatives et Territoriales que Femu a Corsica juge totalement inappropriée au scrutin très particulier des municipales.
Le temps long
Ce foyer bien acide de discorde, Petr'Anto Tomasi se garde bien de l’attiser. Si le président du groupe Corsica Libera à l'Assemblée de Corse évoque la nécessité de l’union, c’est dans le cadre du processus d’émancipation nationale. Il replace la perspective sur « le temps long » qui a permis aux Nationalistes d'accéder aux responsabilités. « Il peut y avoir dans la vie d'une majorité au pouvoir des blocages, notamment de l'Etat. Il y aussi un refus de reconnaître les avancées politiques qui ont fait l’objet de votes majoritaires et un recul avec la volonté de revenir en arrière et de remettre en cause y compris le simple statut particulier de la Corse. Mais il y aussi un mouvement de fond qui nous fait mesurer, en une décennie, le chemin parcouru par le peuple corse et le mouvement national corse,… qui nous place, nous aussi, dans une perspective historique... ». Pour autant, il prévient que si le vote de 2015 et les victoires électorales ont créé une donne nouvelle, « cela ne signifie pas que le conflit est terminé, que la relation avec l’Etat français est apaisée et que les choses peuvent véritablement se régler en quelques semaines ou en quelques mois ». Il définit trois enjeux : « renforcer la cohésion de la majorité pour être en ordre de marche et maintenir le rapport de force face à Paris, miser sur le temps long et travailler avec les outils que nous avons déjà pour changer la société corse. Il nous reste 18 mois avant les prochaines Territoriales. Nous devons faire une liste de huit ou dix grands projets qui vont changer la vie des Corses. Nous ne pourrons pas tous les réussir en 18 mois, mais nous en mènerons quelques uns à terme ».
L’impatience et la guerre
La conseillère exécutive et membre de Corsica Libera, Josepha Giacometti, reconnaît néanmoins que « Ce temps long conduit à l'impatience. Nous pensons aussi que les choses ne vont pas assez vite, qu'elles ne nous satisfont pas… mais nous avons 50 ans de combat et 4 ans seulement d’exercice des responsabilités. Quatre ans, c’est peu ! ». Elle porte le fer contre l’Etat qui mène « une guerre contre la Corse » et « crée cette impatience qui nous saisit, mais nous devons garder la lucidité, le pragmatisme et ne pas nous laisser désillusionner. Nous n'avons jamais perdu de vue que nous n'avons pas été élus seulement pour gérer la Corse. Nous devons nous réformer en profondeur et avoir face à Paris un discours uni et unitaire, nous devons aussi alimenter un rapport de forces politique. L'Etat joue la montre et le pourrissement de la situation, il espère que le découragement va nous gagner ». Pour le contrecarrer, elle exhorte tous les partenaires de la majorité « à renforcer nos mouvements respectifs et nos actions militantes sur le terrain. L'union est le seul moyen de nous faire entendre et d'avoir une stratégie commune ».
Des dossiers jamais traités
Jean Biancucci rappelle dans quel état les Nationalistes ont trouvé les institutions à leur arrivée au pouvoir et que rien n'a été simple. « En 2015, nous nous sommes retrouvés avec tout à dos. Notre ambition n'est pas la gestion d'une région, mais une ambition nationale et notre volonté qu'il existe un jour en Corse une économie forte et une solidarité sociale. Personne ne peut dire que nous n'avons pas travaillé dans ce sens ! Ça n'a pas été facile. Il a fallu aussi mettre en place une équipe de gestion et de la transparence ». Il revient sur les dossiers laissés en souffrance, que les Nationalistes ont du prendre à bras le corps : « un dossier qui n'a jamais été traité par aucune mandature, ni aucune intercommunalité, et qui nous est tombé dessus : celui des déchets. Il y en a d'autres qui n'ont jamais été traités comme ils auraient dû l'être : celui de l'énergie, des routes… Rendez-vous compte du casse tête en termes d'ingénierie et d'imagination pour une région montagneuse comme la Corse. Nous avons eu raison de lutter, nous continuerons ». S’il ne dit mot sur la controverse des municipales, le conseiller exécutif tente de déminer le terrain pour une assistance que l’on sent inquiète : « Le débat entre nous, entre nos diverses sensibilités, est permanent. De temps en temps, nous avons des réglages politiques à faire, et nous les faisons. Nous sommes à la hauteur de la situation et des enjeux, à la hauteur de ce pourquoi les Corses nous ont accordé leur confiance. Il n'y a aucun doute à cela. On travaille ensemble, on continue et on va gagner ».
Des moyens plus larges
Dans son sillage, Jean-Felix Acquaviva s’attache également à banaliser les différends : « Nous sommes tous déterminés à continuer le fil de l'histoire et à le renforcer pour que nous soyons, demain, encore plus maître de notre demain. En dehors des cheminements divers qui sont gérés de manière mûre, les divergences, qui s'étalent, sont normales dans la vie politique ». Il insiste, lui aussi, sur le chemin parcouru : « En 2015, il y a eu un basculement qui a provoqué une onde de choc. Le gouvernement français a une vision assez courte du pouvoir, mais le rapport de forces est en train de changer à un rythme historique. Jamais, on n'aurait pu penser que nous réussirions à constituer un groupe de députés. Jamais, on n'aurait pu penser que nous aurions la majorité absolue. Dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, l'autonomie de la Corse est, aujourd’hui, une notion très vulgarisée, bien loin de ce qui agitait le débat politique il y a 15 ou 20 ans sur le statut particulier. Aujourd'hui, nous avons des moyens plus larges d’émancipation. C’est pour cela qu'il faut avoir confiance ». Le député de Corte-Balagne assène qu’en politique, « il ne suffit pas d'avoir raison, mais qu’il faut tisser et renforcer des solidarités entre des peuples frères, et aussi au sein de cette société française qui ne sait pas très bien où elle va. Notre volonté est d'arracher des lambeaux de pouvoir ». Face à l’impatience exprimée, il réplique : « La situation en Corse est-elle meilleure qu'avant notre arrivée ? Oui ! Est-elle satisfaisante ? Non ! Notre gestion est de transformer la société. Il faut le faire pour et avec le peuple corse. Pè à corsica doit prendre en main le destin de ce pays ». Ce sera sa seule allusion à la coalition électorale.
La bonne solution
C’est finalement Jean Christophe Angelini qui se résout à mettre les pieds dans le plat des Municipales. Le leader du PNC, qui a multiplié les appels à une liste unique et est candidat à la mairie de Porti Vecchju, n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, il ne faut pas rompre l’union du 1er tour quelque soit l’échéance : « Nous devons rester unis comme nous l’avons été en 2015 et en 2017. Les Municipales, c’est la dernière élection avant les Territoriales de 2021. Nous devons l’appréhender avec le même prisme que les Territoriales ou les Législatives. Personne ne nous a obligés en 2017 à faire l’union des trois composantes au 1er tour, nous l’avons faite et nous avons obtenu plus de 45 % au 1er tour et plus de 55 % au 2ème tour. Nous avons aux Législatives également choisi l’union dès le 1er tour : trois députés sur quatre. L’union est la règle et la bonne solution. Les Corses attendent de nous, notamment dans les grandes villes, que nous soyons unis ». Il affirme avec force que : « L’absence d’union nous fragiliserait considérablement à l’endroit de l’Etat d’abord, mais également des Corses qui ont cru en nous et qui ne comprendraient pas pourquoi nous aurions des attitudes différentes à des échéances aussi importantes que celles que nous avons affrontées dans l’union… Il en va de l’avenir du mouvement national et, enfin, de l’avenir de notre peuple. Je veux croire qu’à la rentrée, nous retrouverons les chemins d’un débat serein et d’une démarche unitaire ». L’assistance applaudit. A la tribune, Jean-Félix Acquaviva ne cille pas. Le secrétaire national de Femu a Corsica reste tout aussi impassible face à Jean-Guy Talamoni qui martèle le même discours lors du meeting de clôture.
Une ouverture hasardeuse
Pour le président de l’Assemblée de Corse, les choses sont simples, on ne change pas une méthode qui gagne : « En 2017 déjà, des discussions ont eu lieu sur la pertinence de cette méthode. Certains cadres de Femu a Corsica penchaient clairement pour des listes séparées au 1er tour et une jonction au 2nd. À Corsica Libera, nous pensions le contraire, même si les arguments de tactique électorale qui nous étaient opposés pouvaient, alors, être entendus. Ils avaient leur logique. Notre proposition a finalement été retenue et la victoire fut au rendez-vous pour les deux élections, et de quelle manière… ! Aussi, cette méthode validée par l’expérience devrait être reconduite ». Il en profite pour tacler au passage l’ouverture – façon Femu a Corsica - aux autres forces politiques et élus non nationalistes. « Nous sommes pour cette ouverture, mais nous estimons qu’elle doit se faire sur une base politique solide. Il nous paraitrait hasardeux d’écarter des militants nationalistes de toujours pour faire élire des personnalités qui ne se sont jamais spécialement signalées par leur sentiment national. Ni même de laisser en place des municipalités politiquement éloignées de nos idées quand nous pouvons confier les rênes d’une commune à un militant de notre mouvement. Il ne s’agit pas de faire preuve d’ostracisme à l’égard de quiconque, mais de faire progresser nos idées à travers des responsabilités électives. C’est simplement le jeu démocratique ».
Des élus solides
Pour le leader indépendantiste, pouvoir compter sur des maires nationalistes est primordial dans le bras de fer avec Paris : « Nous aurons besoin de maires déterminés à défendre la Corse et le projet porté par ses institutions. A carnavalata di Cuzzà a permis de constater que certains élus – dont nous ne contestons pas la bonne foi – sont loin d’avoir les idées claires à cet égard, ce qui les conduit parfois à cautionner l’attitude inique de l’administration d’Etat et de jouer – parfois sans le vouloir – contre la Corse... Nous aurons besoin d’élus solides, qui ne se laisseront pas circonvenir par la préfectorale, et qui agiront toujours au bénéfice non seulement de leurs administrés, mais aussi de la Corse et des Corses dans leur ensemble. Et qui, au besoin, sur des sujets essentiels comme la langue ou le foncier, seront capables d’aller jusqu’à la désobéissance civile sans se laisser intimider par la menace d’une procédure judiciaire ». Des arguments qui risquent d’être diversement appréciés par les élus locaux qui ont rejoint le sillage du président de l’Exécutif ou de son parti. Jean-Guy Talamoni prend soin de préciser prudemment : « Nous attendons à présent la réponse définitive de Femu a Corsica, que nous respecterons naturellement dans tous les cas ». La réponse ne devrait pas intervenir avant la fin de l’été et la réunion des commissions d’investiture prévue en septembre. Mais si la discussion reste ouverte, rien ne dit que la rentrée politique changera en profondeur la stratégie électorale confirmée par Gilles Simeoni fin juin à Lupinu. Et même si personne ne l’avoue, tout le monde est bien conscient que depuis la dernière victoire électorale, beaucoup d’eau a coulé sous le pont de l’union.
N.M.
Le poids d’une absence
Une absence que les partenaires s’attachent vainement à rendre anodine. « J’ai eu Gilles Simeoni au téléphone. Il m’a dit qu’il y aurait une délégation importante de Femu. Nous allons l’accueillir avec plaisir », botte benoitement en touche avant le débat, le leader de Corsica Libera et président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni. Mais le malaise est patent. Par son absence, Gilles Simeoni réaffirme son refus de céder aux pressions électorales. Tout en rappelant subrepticement que « le président de l’Exécutif a fait l’objet de critiques au sein de la majorité », Jean-Félix Acquaviva confirme en coulisses : « Nous sommes là pour dire franchement ce que nous sommes en tant que composante importante de la majorité. Il n’y a pas lieu, ni de dramatiser les absences, ni de considérer que la présence est forcément l’élément, ou de divergence pour les municipales à creuser, ou d’une absolue union ». Le ton est donné, et le service minimum. Guère plus de monde du côté du PNC, qui a repris depuis décembre dernier son indépendance, mais la présence de son leader, le conseiller exécutif, Jean-Christophe Angelini, et du conseiller territorial, candidat à la mairie d’Ajaccio, Jean François Casalta.
La discorde électorale
Dans cette atmosphère un peu contrainte, chacun fait comme si de rien n’était et s’évertue à éviter d’aborder frontalement le sujet qui fâche et qui divise le mouvement national depuis deux mois : les élections municipales de mars 2020 et le choix d’une liste unique ou des listes séparées au 1er tour. Cette question récurrente avait déjà focalisé le débat deux ans auparavant, lors des Ghjurnate d’août 2017, et concernait, alors, le scrutin des territoriales. Après des semaines d’atermoiements, les Modérés avaient accepté l’union dès le premier tour et raflé la mise. Aujourd’hui comme hier, il n’y a pour les Indépendantistes, rejoints pour l’occasion par le PNC, qu’une stratégie possible : une seule liste Pè a Corsica au 1er tour dans les deux grandes villes, Bastia et Aiacciu, et les communes importantes. Une configuration gagnante aux Législatives et Territoriales que Femu a Corsica juge totalement inappropriée au scrutin très particulier des municipales.
Le temps long
Ce foyer bien acide de discorde, Petr'Anto Tomasi se garde bien de l’attiser. Si le président du groupe Corsica Libera à l'Assemblée de Corse évoque la nécessité de l’union, c’est dans le cadre du processus d’émancipation nationale. Il replace la perspective sur « le temps long » qui a permis aux Nationalistes d'accéder aux responsabilités. « Il peut y avoir dans la vie d'une majorité au pouvoir des blocages, notamment de l'Etat. Il y aussi un refus de reconnaître les avancées politiques qui ont fait l’objet de votes majoritaires et un recul avec la volonté de revenir en arrière et de remettre en cause y compris le simple statut particulier de la Corse. Mais il y aussi un mouvement de fond qui nous fait mesurer, en une décennie, le chemin parcouru par le peuple corse et le mouvement national corse,… qui nous place, nous aussi, dans une perspective historique... ». Pour autant, il prévient que si le vote de 2015 et les victoires électorales ont créé une donne nouvelle, « cela ne signifie pas que le conflit est terminé, que la relation avec l’Etat français est apaisée et que les choses peuvent véritablement se régler en quelques semaines ou en quelques mois ». Il définit trois enjeux : « renforcer la cohésion de la majorité pour être en ordre de marche et maintenir le rapport de force face à Paris, miser sur le temps long et travailler avec les outils que nous avons déjà pour changer la société corse. Il nous reste 18 mois avant les prochaines Territoriales. Nous devons faire une liste de huit ou dix grands projets qui vont changer la vie des Corses. Nous ne pourrons pas tous les réussir en 18 mois, mais nous en mènerons quelques uns à terme ».
L’impatience et la guerre
La conseillère exécutive et membre de Corsica Libera, Josepha Giacometti, reconnaît néanmoins que « Ce temps long conduit à l'impatience. Nous pensons aussi que les choses ne vont pas assez vite, qu'elles ne nous satisfont pas… mais nous avons 50 ans de combat et 4 ans seulement d’exercice des responsabilités. Quatre ans, c’est peu ! ». Elle porte le fer contre l’Etat qui mène « une guerre contre la Corse » et « crée cette impatience qui nous saisit, mais nous devons garder la lucidité, le pragmatisme et ne pas nous laisser désillusionner. Nous n'avons jamais perdu de vue que nous n'avons pas été élus seulement pour gérer la Corse. Nous devons nous réformer en profondeur et avoir face à Paris un discours uni et unitaire, nous devons aussi alimenter un rapport de forces politique. L'Etat joue la montre et le pourrissement de la situation, il espère que le découragement va nous gagner ». Pour le contrecarrer, elle exhorte tous les partenaires de la majorité « à renforcer nos mouvements respectifs et nos actions militantes sur le terrain. L'union est le seul moyen de nous faire entendre et d'avoir une stratégie commune ».
Des dossiers jamais traités
Jean Biancucci rappelle dans quel état les Nationalistes ont trouvé les institutions à leur arrivée au pouvoir et que rien n'a été simple. « En 2015, nous nous sommes retrouvés avec tout à dos. Notre ambition n'est pas la gestion d'une région, mais une ambition nationale et notre volonté qu'il existe un jour en Corse une économie forte et une solidarité sociale. Personne ne peut dire que nous n'avons pas travaillé dans ce sens ! Ça n'a pas été facile. Il a fallu aussi mettre en place une équipe de gestion et de la transparence ». Il revient sur les dossiers laissés en souffrance, que les Nationalistes ont du prendre à bras le corps : « un dossier qui n'a jamais été traité par aucune mandature, ni aucune intercommunalité, et qui nous est tombé dessus : celui des déchets. Il y en a d'autres qui n'ont jamais été traités comme ils auraient dû l'être : celui de l'énergie, des routes… Rendez-vous compte du casse tête en termes d'ingénierie et d'imagination pour une région montagneuse comme la Corse. Nous avons eu raison de lutter, nous continuerons ». S’il ne dit mot sur la controverse des municipales, le conseiller exécutif tente de déminer le terrain pour une assistance que l’on sent inquiète : « Le débat entre nous, entre nos diverses sensibilités, est permanent. De temps en temps, nous avons des réglages politiques à faire, et nous les faisons. Nous sommes à la hauteur de la situation et des enjeux, à la hauteur de ce pourquoi les Corses nous ont accordé leur confiance. Il n'y a aucun doute à cela. On travaille ensemble, on continue et on va gagner ».
Des moyens plus larges
Dans son sillage, Jean-Felix Acquaviva s’attache également à banaliser les différends : « Nous sommes tous déterminés à continuer le fil de l'histoire et à le renforcer pour que nous soyons, demain, encore plus maître de notre demain. En dehors des cheminements divers qui sont gérés de manière mûre, les divergences, qui s'étalent, sont normales dans la vie politique ». Il insiste, lui aussi, sur le chemin parcouru : « En 2015, il y a eu un basculement qui a provoqué une onde de choc. Le gouvernement français a une vision assez courte du pouvoir, mais le rapport de forces est en train de changer à un rythme historique. Jamais, on n'aurait pu penser que nous réussirions à constituer un groupe de députés. Jamais, on n'aurait pu penser que nous aurions la majorité absolue. Dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, l'autonomie de la Corse est, aujourd’hui, une notion très vulgarisée, bien loin de ce qui agitait le débat politique il y a 15 ou 20 ans sur le statut particulier. Aujourd'hui, nous avons des moyens plus larges d’émancipation. C’est pour cela qu'il faut avoir confiance ». Le député de Corte-Balagne assène qu’en politique, « il ne suffit pas d'avoir raison, mais qu’il faut tisser et renforcer des solidarités entre des peuples frères, et aussi au sein de cette société française qui ne sait pas très bien où elle va. Notre volonté est d'arracher des lambeaux de pouvoir ». Face à l’impatience exprimée, il réplique : « La situation en Corse est-elle meilleure qu'avant notre arrivée ? Oui ! Est-elle satisfaisante ? Non ! Notre gestion est de transformer la société. Il faut le faire pour et avec le peuple corse. Pè à corsica doit prendre en main le destin de ce pays ». Ce sera sa seule allusion à la coalition électorale.
La bonne solution
C’est finalement Jean Christophe Angelini qui se résout à mettre les pieds dans le plat des Municipales. Le leader du PNC, qui a multiplié les appels à une liste unique et est candidat à la mairie de Porti Vecchju, n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, il ne faut pas rompre l’union du 1er tour quelque soit l’échéance : « Nous devons rester unis comme nous l’avons été en 2015 et en 2017. Les Municipales, c’est la dernière élection avant les Territoriales de 2021. Nous devons l’appréhender avec le même prisme que les Territoriales ou les Législatives. Personne ne nous a obligés en 2017 à faire l’union des trois composantes au 1er tour, nous l’avons faite et nous avons obtenu plus de 45 % au 1er tour et plus de 55 % au 2ème tour. Nous avons aux Législatives également choisi l’union dès le 1er tour : trois députés sur quatre. L’union est la règle et la bonne solution. Les Corses attendent de nous, notamment dans les grandes villes, que nous soyons unis ». Il affirme avec force que : « L’absence d’union nous fragiliserait considérablement à l’endroit de l’Etat d’abord, mais également des Corses qui ont cru en nous et qui ne comprendraient pas pourquoi nous aurions des attitudes différentes à des échéances aussi importantes que celles que nous avons affrontées dans l’union… Il en va de l’avenir du mouvement national et, enfin, de l’avenir de notre peuple. Je veux croire qu’à la rentrée, nous retrouverons les chemins d’un débat serein et d’une démarche unitaire ». L’assistance applaudit. A la tribune, Jean-Félix Acquaviva ne cille pas. Le secrétaire national de Femu a Corsica reste tout aussi impassible face à Jean-Guy Talamoni qui martèle le même discours lors du meeting de clôture.
Une ouverture hasardeuse
Pour le président de l’Assemblée de Corse, les choses sont simples, on ne change pas une méthode qui gagne : « En 2017 déjà, des discussions ont eu lieu sur la pertinence de cette méthode. Certains cadres de Femu a Corsica penchaient clairement pour des listes séparées au 1er tour et une jonction au 2nd. À Corsica Libera, nous pensions le contraire, même si les arguments de tactique électorale qui nous étaient opposés pouvaient, alors, être entendus. Ils avaient leur logique. Notre proposition a finalement été retenue et la victoire fut au rendez-vous pour les deux élections, et de quelle manière… ! Aussi, cette méthode validée par l’expérience devrait être reconduite ». Il en profite pour tacler au passage l’ouverture – façon Femu a Corsica - aux autres forces politiques et élus non nationalistes. « Nous sommes pour cette ouverture, mais nous estimons qu’elle doit se faire sur une base politique solide. Il nous paraitrait hasardeux d’écarter des militants nationalistes de toujours pour faire élire des personnalités qui ne se sont jamais spécialement signalées par leur sentiment national. Ni même de laisser en place des municipalités politiquement éloignées de nos idées quand nous pouvons confier les rênes d’une commune à un militant de notre mouvement. Il ne s’agit pas de faire preuve d’ostracisme à l’égard de quiconque, mais de faire progresser nos idées à travers des responsabilités électives. C’est simplement le jeu démocratique ».
Des élus solides
Pour le leader indépendantiste, pouvoir compter sur des maires nationalistes est primordial dans le bras de fer avec Paris : « Nous aurons besoin de maires déterminés à défendre la Corse et le projet porté par ses institutions. A carnavalata di Cuzzà a permis de constater que certains élus – dont nous ne contestons pas la bonne foi – sont loin d’avoir les idées claires à cet égard, ce qui les conduit parfois à cautionner l’attitude inique de l’administration d’Etat et de jouer – parfois sans le vouloir – contre la Corse... Nous aurons besoin d’élus solides, qui ne se laisseront pas circonvenir par la préfectorale, et qui agiront toujours au bénéfice non seulement de leurs administrés, mais aussi de la Corse et des Corses dans leur ensemble. Et qui, au besoin, sur des sujets essentiels comme la langue ou le foncier, seront capables d’aller jusqu’à la désobéissance civile sans se laisser intimider par la menace d’une procédure judiciaire ». Des arguments qui risquent d’être diversement appréciés par les élus locaux qui ont rejoint le sillage du président de l’Exécutif ou de son parti. Jean-Guy Talamoni prend soin de préciser prudemment : « Nous attendons à présent la réponse définitive de Femu a Corsica, que nous respecterons naturellement dans tous les cas ». La réponse ne devrait pas intervenir avant la fin de l’été et la réunion des commissions d’investiture prévue en septembre. Mais si la discussion reste ouverte, rien ne dit que la rentrée politique changera en profondeur la stratégie électorale confirmée par Gilles Simeoni fin juin à Lupinu. Et même si personne ne l’avoue, tout le monde est bien conscient que depuis la dernière victoire électorale, beaucoup d’eau a coulé sous le pont de l’union.
N.M.