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Iviu Pasquali, président de l'Associu di a Guardia corsa papale : "La venue du Pape est une reconnaissance de notre passé historique"


le Samedi 16 Novembre 2024 à 08:17

Iviu Pasquali préside l'Associu di a Guardia corsa papale, et à ce titre, il travaille depuis des années à faire connaître et reconnaître l'histoire de la Garde corse qui a servi le Pape au Vatican, du VIIe siècle au XIXe siècle. A un mois de la venue quasi certaine du Pape François à Ajaccio, il explique ce qu'il en attend, pour son associu, mais aussi pour la Corse.



Iviu Pasquali préside l'Associu di a Guardia corsa papale
Iviu Pasquali préside l'Associu di a Guardia corsa papale
Le pape n’est jamais venu en Corse, mais là il n’a jamais été si proche de le faire. Comment l’expliquez-vous ?
Je pense que c’est grâce à notre cardinal (François Bustillo), qui a dû faire un grand travail. Comme il est assez proche du pape François... Je pense aussi que le cardinal a vu que nous étions quand même très proches de Rome ! Sans oublier qu’on est une terre vaticane depuis Pépin le Bref.  

Pour la société corse, qu’est-ce que ça représente ce déplacement du Saint-Père ?
Déjà, c’est la reconnaissance de la société corse et de tous ses habitants. François, c’est un pape que j’aime beaucoup, c’est quelqu’un de très ouvert. Il vient marquer son affection pour un territoire qui mérite de l’être par rapport au Saint-Siège.

Et pour vous qui présidez l’associu di a Guardia corsa papale, cette visite revêt forcément une signification particulière…
Ca me touche, oui. Ca fait maintenant plus de onze qu’on s’est engagé à faire des travaux énormes. On a découvert des choses qu’on n’aurait même pas pensé découvrir…

C’est-à-dire ?
On s’est retrouvé face à une Histoire qui est très importante et qu’on ne connaissait pas en Corse, mis à part quelques érudits. On a découvert des choses complètement improbables. 

Lesquelles par exemple ?
On s’est aperçu qu’on avait un rapport avec le Saint-Siège depuis le VIIe siècle jusqu’à sous Napoléon III. Des milliers de Corses ont servi le Saint-Siège, ils ont participé à l’évolution du Vatican et même de la ville de Rome. Quand on parle des gardes du Pape, les gens les comparent généralement aux Suisses, alors que ça n’avait rien à voir, ils n’avaient pas les mêmes missions. Les gardes corses qui étaient là-bas assumaient le travail de flic, le travail de douanier… A un moment donné, il y avait même trois casernes de gardes corses. En plus, ils avaient une église : San Crisogono, a chjesa naziunale di i Corsi, qui est une grande basilique romaine. Il se trouve qu’à un moment donné, les gardes corses ont eu l’autorisation par un Pape d’être enterrés à leur mort dans cette basilique. Giovan Paolo de Leca a été enterré dans cette basilique. Giovan Paolo de Leca (un comte corse en lutte contre les Gênois), c’était le Pasquale Paoli de son époque ! N’oublions pas non plus que l’arciconfraternita del Carmine et la gendarmeria vaticana ont été créées par les gardes corses. On a des liens énormes avec le Vatican. Et au sein de notre association, nous nous battons pour la reconnaissance de cette Histoire.

Toutes ces découvertes, comment avez-vous pu les faire ?
Eh bien il y a le hasard ! Avec la passion. On a fait tout ce travail sans aucune aide, ni du côté de l’évêché, ni du côté de la Collectivité de Corse. Évidemment, il y avait des livres. On a retrouvé pas mal de documentation à la bibliothèque de Bastia. Mais on a aussi mis la main sur de nombreux livres italiens qui parlaient de toute cette Histoire. Et à Rome, on a des contacts, des gens avec lesquels on a lié amitié. Et ces gents nous ont aidés à découvrir ces choses merveilleuses.

Comment expliquez-vous que toute cette Histoire liant la Corse et le Vatican soit demeurée aussi méconnue ?
Parce qu’il fallait un peu l’étouffer !

Comment ça ?
La Garde corse a été dissoute à cause du roi de France, Louis XIV, suite à une grosse histoire entre les gardes corses et les gardes du duc de Créquy qui était ambassadeur. Il y a eu des morts. Et le roi de France a saisi le prétexte pour pouvoir rabaisser la puissance du Pape de l’époque et récupérer des territoires, comme Avignon. C’est donc le roi de France qui a fait en sorte d’éliminer la Garde corse. D’ailleurs, il avait fait construire une grande pyramide sur laquelle était écrit que le peuple corse était indigne ! Grâce à nos recherches, on a appris que le Pape était obligé, sous la pression après cette histoire, d’éliminer la Garde corse. Mais il ne l’avait éliminée que sur le papier. En vérité, il ne pouvait pas se passer des gardes corses, ils avaient tout en main là-bas. Donc ils sont restés quand même au service du Pape jusque sous Napoléon III. Entre Napoléon Ier et Napoléon III, il y avait un fort besoin en hommes pour aller faire la guerre, et ils ont réussi à en débaucher beaucoup. Je pense que, politiquement parlant, c’était pas une histoire à mettre en avant, car ça nous rapprochait trop de l’Italie. Donc il y a des gens qui ont peut-être fait en sorte de la mettre de côté.


Et de nos jours, qu’est-ce qui témoigne de ces liens passés entre la Corse et le Saint-Siège ?
Déjà, normalement, l’Église de Corse devrait être reliée directement à Rome. Or ce n’est pas le cas puisque l’Église de Corse, c’est l’Église de France. On n’a plus ce lien direct. Sinon, dans l’église de San Crisogono, on trouve des plaques de Corses enterrés de partout ! Du soldat au colonel. Ensuite, il y a l’église qui se situe à côté de San Crisogono, où se trouve la Madonna di Fiumarola qui avait été découverte par les Corses. La Madonna di Fiumarola, pour les Romains, c’est la plus grande fête qu’ils ont à Rome. Et elle découle de la découverte de cette statue par les Corses et de la création de l’arciconfraternita del Carmine,  que j’ai réussi à faire jumeler avec celle de Saint-Joseph à Bastia.

Comptez-vous vous rapprocher du cardinal Bustillo, pour voir quel rôle vous pourriez jouer lors de la venue du Pape ?
Le cardinal, je l’ai invité à Rome, bon il est pas venu… Ils savent ce qu’on fait, le rôle qui a été le nôtre dans toutes ces découvertes… Si on me demande d’être présent, j’irais volontiers et je serais le plus heureux. Maintenant, je ne veux prendre la place de personne. Et je ne vais pas pousser les gens pour aller près du Pape… D’ailleurs, je l’ai déjà vu de près à Rome. Ce que j’aurais aimé, c’est pouvoir lui serrer la main et lui présenter mes respects. Et qu’il sache à qui il serre la main ! Au président de l’Associu di a Guardia corsa papale, qui a une histoire terrible avec Rome. Ce serait une reconnaissance qu’on n’a pas eue depuis l’élimination de la Garde.

Vous pensez que le Pape la connaît, cette histoire de la Garde corse ?
Tous les ans, on organise à Rome une messe en langue corse dans l’église San Crisogono. Et cette messe, on la fait à l’occasion de la festa de Noantri, la fête durant laquelle ils font sortir la Madonna di Fiumarola. Ca fait onze ans qu’on fait ça tous les ans fin juillet. Et quand ils préparent la statue de la Vierge à Rome, il y a toutes les grandes autorités qui sont présentes, comme le maire de Rome et les représentants du Vatican. Et cette année, il y avait le cardinal Parolin, qui est le numéro deux de la papauté au Vatican. Je lui ai serré la main et quand il a vu qui j’étais, il m’a dit (en italien) : « vous êtes ceux qui viennent tous les ans pour la Fiumarola ! » Donc, ils savent en haut lieu. Et puis il y a aussi un cardinal d’origine corse au Vatican, le cardinal Mamberti.

Qu’est-ce que la venue probable du Pape porte comme espoirs pour la Corse et les Corses ?
Déjà, qu’il y ait une prise de conscience qu’il s’est perdu dans les couloirs du temps. On est très proches de Rome et du Vatican et il y a des tas de choses à faire. Au-delà du fait religieux, j’ai fait jumeler la squadra du Calcio Trastevere – c’était l’équipe de Francesco Totti – avec l’AS Casinca. Ils sont venus jouer ici les Romains déjà ! Et dans le cadre d’Erasmus, on a fait en sorte que des jeunes d’ici puissent aller faire des études à Rome. Il pourrait donc y avoir toutes sortes d’échanges avec Rome. Encore faut-il en avoir conscience.

En France, le président de la République Emmanuel Macron serait parait-il furieux que le Pape se rende en Corse, et non à Paris pour la réouverture de Notre-Dame. Qu’est-ce que ça vous inspire ?
Ca me fait rigoler ! Je dois dire que je suis fier que le Pape aille se faire un tour à Ajaccio plutôt qu’à Paris. A Paris, des papes ils en ont eu pendant des siècles et des siècles ! Le Pape se déplacera en Corse comme s’il s’agissait d’un territoire du Vatican. Ainsi, il reconnaîtra la chrétienté de la Corse. Quant à Emmanuel Macron, je ne sais pas s’il va faire fouiller le Pape cette année ! (taquin, Iviu Pasquali fait allusion à une visite du chef de l’État, en février 2018 à Bastia, quand les élus nationalistes avaient dû se plier à une fouille avant un discours d’Emmanuel Macron au centre culturel de l’Alb’Oru). Le Pape, c’est le chef de l’Église catholique, mais c’est aussi le chef de l’État du Vatican donc, quand il se déplace, il est normal que les chefs d’État se déplacent pour sa venue. (Il ajoute en riant) Maintenant, c’est dommage qu’on ne puisse pas dire que notre chef d’État c’est Gilles Simeoni ! Sinon on créé une guerre et moi, je suis pour la paix !