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"J'ai fait tomber deux parrains !" : au procès Bastia-Poretta, les accusés piégés par leurs textos pas si cryptés


CNi avec AFP le Mardi 11 Juin 2024 à 19:56

Le procès du double homicide de Poretta se poursuit. Ce mardi 11 juin, les enquêteurs chargés de décoder les 3000 messages échangés entre les accusés ont expliqué comment ils étaient parvenus à comprendre les ressorts d’une vengeance.



Photo archives CNI
Photo archives CNI
"J'ai fait tomber deux parrains !": croyant leurs téléphones inviolables, les accusés du double assassinat de Bastia-Poretta ont été piégés par leurs textos, 3.000 messages crus et sans filtre décryptés ce mardi 11 juin par les enquêteurs devant la cour d'assises d'Aix-en-Provence.

Résultat, pour les policiers en tous cas, leur culpabilité ne fait plus "l'ombre d'un doute" dans la mort de Jean-Luc Codaccioni et Antoine Quilichini, deux membres du grand banditisme corse abattus sur le parking de l'aéroport de Bastia, le 5 décembre 2017. Détenu à la prison de Borgo, le premier revenait d'une permission à Paris. Le second, surnommé Tony le boucher, était sorti de prison 15 jours plus tôt.
En l'espace de sept jours, après ces meurtres, ce sont des centaines de messages que vont s'échanger les accusés, pour s'autocongratuler. "J'ai fait tomber deux parrains", "j'ai fait tomber deux monuments", revendique ainsi Christophe Guazzelli, l'un des deux frères Guazzelli, un des 14 accusés de ce procès, celui présenté par l'accusation comme le tueur. "Je vous remercie et je vous félicite, même si je meurs de peur", écrit Mme Guazzelli, s'adressant à ses fils. "Tu es mon idole, à ton âge dégun (NDLR: personne) savait faire ça", lance, admiratif, Jacques Mariani, au tueur présumé.

Quand ils arrêtent les frères Christophe et Richard Guazzelli et plusieurs autres accusés de ce procès, entamé le 6 mai devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, les enquêteurs étaient seulement sur un dossier de trafic de stupéfiants entre le continent et la Corse, ouvert depuis août 2014.

Mais, pour la première fois, les téléphones PGP saisis sur les gardés à vue vont être craqués. Et quand les enquêteurs reçoivent les messages échangés entre ces téléphones réputés inviolables, en avril 2018, une toute autre histoire émerge.

"Donne le poison..." 
 
Cela "a été déterminant pour la résolution de ce double homicide", a reconnu mardi à la barre un enquêteur de la brigade nationale de lutte contre la criminalité corse, expliquant comment, lors de leur interpellation, les accusés avaient tenté de se débarrasser de ces éléments gênants.
Richard Guazzelli était allé jusqu'à mâcher et avaler la puce de son téléphone et Ange-Marie-Michelosi, lors d'un passage dans les geôles du commissariat de Bastia, avait tenté de cacher le sien dans la chasse d'eau des toilettes.

Une certitude: ce sont ces conversations sans filtre qui allaient éclairer les policiers sur le fond de ce dossier, une vendetta entre héritiers de la Brise de Mer, un des principaux gangs criminels corses. "Je n'ai pas retrouvé mon père dans leurs flaques de sang", écrit par exemple Christophe Guazzelli.
Quelques mots qui ont permis d'accréditer la thèse de l'accusation d'une revanche filiale, pour venger leurs pères: Francis Guazzelli, le père de Christophe et Richard, assassiné en 2009, Francis Mariani, le père de Jacques, disparu dans l'explosion jamais expliquée d'un hangar en 2009, ou encore Ange-Marie Michelosi, père de Ange-Marie fils, tué en juillet 2008. Ces quatre fils font tous partie des 14 accusés jugés jusqu'à début juillet.

"Ce double homicide de Poretta devenait un acte fondateur, annonciateur de nouvelles actions violentes", a expliqué l'enquêteur mardi. Et ces messages décryptés exprimaient "une volonté d'asseoir le renouveau de la Brise de Mer, sa puissance financière". Parmi ces textos, l'un d'entre-eux va même leur "permettre d'apprendre l'existence d'un projet d'empoisonnement" d'un autre concurrent, dans sa cellule de Borgo, avec l'aide d'une gardienne de la prison. "Donne le poison et go, go go Luciani… mais pas de produits laitiers, on a prévu du café", explique le commanditaire de ce projet meurtrier à la gardienne, cette même Cathy Chatelain, ex-épouse Sénéchal, accusée d'avoir participé aux meurtres de Bastia-Poretta en venant embrasser l'une des futures victimes à son arrivée à l'aéroport. Un baiser de la mort qui était en fait le signal pour le tireur.
L'objectif de tous ces meurtres était l'éradication du clan adverse, dirigé par Jean-Luc Germani, a insisté l'enquêteur.