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Jean-Felix Acquaviva : « Femu a Corsica est né ! C’est un pari réussi dans le rassemblement »


Nicole Mari le Lundi 3 Décembre 2018 à 22:50

Le député de la 2ème circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, a été élu, dimanche après-midi à Corti, Secrétaire national du nouveau parti des Nationalistes modérés, Femu a Corsica, par plus de 1200 militants réunis pour l’occasion. Ce parti enfin créé, après des mois, voire des années de tergiversation, vient de se doter d’une première Commission de 25 membres et d’un bureau, premiers éléments d’une structuration qui débute. Jean-Félix Acquaviva détaille, pour Corse Net Infos, les étapes de cette structuration, les enjeux des trois années à-venir, et revient sur le divorce avec le PNC.



Jean-Félix Acquaviva, nouveau Secrétaire national de Femu a Corsica, député de la 2ème circonscription de Haute-Corse, président du Comité de massif de Corse et conseiller municipal de Lozzi.
Jean-Félix Acquaviva, nouveau Secrétaire national de Femu a Corsica, député de la 2ème circonscription de Haute-Corse, président du Comité de massif de Corse et conseiller municipal de Lozzi.
- Vous venez d’être élu à la tête du premier parti Femu a Corsica. Quel est votre sentiment ?
- C’est une grande fierté. C’est surtout un sentiment de devoir qui m'anime, la conscience de la charge et de l’enjeu. J’ai été élu Secrétaire national avec des objectifs précis et des obligations de résultats. Ma première mission est la structuration de Femu pour en faire un mouvement démocratique que se réapproprieront des centaines de personnes qui ont besoin de s’exprimer et de participer à la vie du pays, aux mobilisations, revendications et propositions. Il fallait rendre cet outil aux militants, à ceux qui veulent s’y investir et ceux qui veulent nous rejoindre demain. Il faut donc construire cet espace, le rendre fluide, transparent au niveau de l’information, démocratique pour que toutes les tendances et les sensibilités puissent s’y exprimer, le mettre en état de fonctionner et d’être efficace dans son administration.
 
- Quelle est votre seconde mission ?
- Ma deuxième mission, en relation avec le président du Conseil exécutif, est d’en faire un lieu de mobilisation. Nous allons commencer par nous mobiliser pour la venue d’Edouard Philippe qui intervient dans un contexte négatif, issu des décisions du gouvernement qui impactent avec acuité l’ensemble des classes sociales corses. Nous nous devons d’être aux côtés de ceux qui souffrent et de créer les conditions de la mobilisation avec d’autres partenaires pour en faire en sorte que la réforme institutionnelle prenne en compte la dimension corse sous tous ses aspects : économique, social, culturel et politique.
 
- Avez-vous d’autres objectifs ?
- Oui ! Le troisième objectif est de renforcer les liens avec la société corse, notamment les liens organiques avec les chefs d’entreprise et les sphères sociales pour trouver de nouveaux experts et compétences, mais aussi de développer les liens extérieurs. Le fait d’avoir un groupe à l’Assemblée nationale donne une nouvelle dimension. Nous avons des relations plus fortes avec l’Alsace, la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et le Pays Basque. Femu a Corsica peut s’insérer dans cette dynamique à travers également R&PS (Régions & Peuples solidaires) et l’ALE (Alliance libre européenne) pour une meilleure efficacité de résultats.
 
- Quel est le calendrier ?
- Un cunsigliu naziunale se réunira fin janvier après que les deux autres Commissions, des élus et des territoires, auront été désignées. Nous débutons immédiatement les réunions de territoire qui permettront ces désignations. Nous proposerons, à ce moment-là, un programme de travail s’étalant sur trois ans, notamment la définition de thématiques et de logiques de projets. Nous ferons en sorte que les huit grands territoires corses vivent. Nous voulons, aussi, créer les conditions d’une grande mobilisation en prenant langue, dès demain, avec les partenaires de Pè a Corsica et l’ensemble des forces économiques et sociales. Nous comptons développer la capacité de Femu à être moteur et partenaires de mobilisations larges. C’est ce qu’attend le peuple corse.

- Vous parlez d’exemplarité en termes de cumul des mandats. Pourtant vous en cumulez quatre !
- La présidence du Comité de massif n’est pas un mandat, mais une délégation que m’a donnée le président de l’Exécutif. Je n’ai qu’un mandat de député. Je ne suis plus maire de Lozzi, mais conseiller municipal. Je n’ai pas vocation à faire plus d’un mandat au sein de Femu. J’ai d’ailleurs dit que je présenterai un amendement aux statuts pour éviter qu’un Secrétaire national fasse deux mandats consécutifs. Ce sera voté l’année prochaine dès le prochain congrès. L’idée, dans ce contexte de combat face à l’Etat, était de donner une visibilité politique au parti, aussi le président Simeoni et d’autres ont-ils voulu que je conduise cette structuration étant donné que je suis, à la fois, en Corse et à Paris. Notre vocation est de transmettre, former, encadrer pour, dans les trois à six ans à-venir, faire émerger une soixantaine de cadres capables de diriger Femu a Corsica et, au-delà, de diriger le pays. Dans trois ans, je ne serai pas candidat au poste de secrétaire national, ce sera quelqu’un – je l’espère – issu de la nouvelle génération de Femu.

- Faire une assemblée générale sans le PNC, c’était un pari risqué. Est-ce un pari réussi ?
- Oui ! Femu a Corsica est né ! C’est un pari réussi au regard de la forte mobilisation. Autant de monde aujourd’hui qu’en octobre 2017 ! La diversité des parcours présents avec l’ensemble des générations du nationalisme corse des années 70 à 2000. Des gens nombreux issus d’Inseme et du PNC, d’autres qui n’étaient affiliés nul part et qui sont venus nous rejoindre, comme Paul-Jo Caïtucoli (maire d' Arghjusta è Muricciu), des nouveaux arrivants… des gens venus de tous les territoires de l’île. Il est clair que ce n’est pas un Inseme Plus, mais un rassemblement fort, important, une réussite quantitative et qualitative. Ce parti est aussi l’expression d’une volonté et d’un besoin. Certains disaient que ce n’était pas nécessaire, que ce n’était pas une priorité… Vu le nombre de présents, il est évident que c’est une priorité pour les militants qui ont besoin d’un outil pour s’exprimer. C’est une réussite dans le rassemblement et la volonté de continuer sur cette dynamique.
 
- On impute le divorce et l’absence du PNC à une bataille d’ego entre vous et Jean-Christophe Angelini. Est-ce le cas ?
- Personnellement, je n’ai absolument rien contre Jean-Christophe Angelini ! Je dirais même qu’on s’apprécie et qu’on s’aime bien. Il n’y a pas de problèmes personnels, il y a, je crois, une différence politique de l’instant. Jean-Christophe Angelini et le président du groupe PNC à l’Assemblée de Corse ont, d’ailleurs, tempéré leur positionnement en réaffirmant leur solidarité avec la majorité territoriale, Pè a Corsica, et avec le président de l’Exécutif. Aujourd’hui, ce qui compte, c’est de finaliser ce que nous avons fait ensemble. Nous respectons le choix démocratique d’octobre 2017, nous voulons l’enraciner, le déployer et faire en sorte que les Corses soient toujours à nos côtés pour transformer ce pays. La voie de la structuration et du rassemblement est ouverte. Il y a beaucoup de travail en perspective. Jean-Christophe Angelini et le PNC ont toute leur place dans cette aventure.
 
- Néanmoins, l’absence du PNC, le divorce des groupes à l’Assemblée, des amertumes larvées… N’êtes-vous pas inquiet pour l’avenir ?
- Non ! Je ne suis pas inquiet ! Nous sommes bien loin des contextes des années 80, 90 ou 2000 quand il y avait des divergences entre mouvements. Nous sommes dans le contexte de l’après-victoire historique de 2015 avec, de part et d’autre, beaucoup de maturité et de responsabilité. Nous – tous ceux qui étaient présents dimanche à Corti – n’avons pas été convaincus par les arguments du PNC pour ne pas respecter l’engagement d’octobre 2017. Mais c’est le choix du PNC, nous le respectons.
 
- Vous appelez néanmoins au rassemblement ?
-  Oui ! Nous nous étions engagés en octobre 2017 à sortir de la coalition électorale pour construire un parti structuré qui a vocation à transmettre, à s’ouvrir et à attirer la jeunesse. C’est bien cet engagement que nous respectons aujourd’hui. Nous appelons encore au rassemblement. Nous pensons que le PNC a vocation à trouver sa place dans le parti Femu a Corsica dans la mesure où les tendances, les sensibilités sont reconnues de manière organique d’un point de vue statutaire, à l’échelle de l’Exécutif, du Conseil des territoires, du Parlement national, de la visibilité externe et de l’organisation interne. Nous ne voyons aucun élément qui permet de remettre en cause la pluralité voulue par le PNC dans l’union. Bien au contraire !

- Jean-Christophe Angelini pointe des divergences sur la ligne politique, critique la gouvernance… Qu’est-ce qui vous sépare aujourd’hui ?
- Ce sont des propos qui engagent Jean-Christophe Angelini ! Il faudra qu’il s’en explique ! Son argumentaire nous paraît flou et pas suffisamment détaillé. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, par rapport à l’enjeu historique et à la période charnière que nous vivons, c’est de réussir le rassemblement. Je rappelle que les questions idéologiques et d’autodétermination ne sont pas d’actualité. Nous avons ratifié, avec Femu et Corsica Libera dans le cadre de Pè a Corsica, un contrat de mandature et un objectif institutionnel très clair, validés par 56% des Corses : l’obtention d’un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice. Nous sommes tous liés par ce contrat, moralement, politiquement, démocratiquement. Cet objectif ne peut être remis en cause par personne ! L’autodétermination n’est pas un objectif politique, mais une pratique, un principe de vie pour un peuple, admis dans la charte d’autonomie locale, un moyen d’expression. S’autodéterminer, c’est s’auto-organiser. Un jour, le peuple corse, qu’il soit pour l’autonomie ou pas, qu’il soit pour d’autres évolutions ou pas, aura à se prononcer sur son avenir. Nous ne voyons pas bien où sont les divergences politiques, si elles existent.
 
- Femu, plateforme électorale, devient un parti sans l’une de ses composantes. Concrètement, comment aborderez-vous les prochains scrutins ?
- Femu a Corsica existe pleinement avec des instances, des commissions d’investiture, des commissions thématiques, électorales… Les prochaines élections sont : les municipales en 2020, les territoriales en 2021, et les législatives en 2022. Notre vocation de parti est, évidemment, de préparer ces élections, humainement par la transmission, le renouvellement, la formation, l’encadrement et le renforcement des équipes censées gérer des communes avec un objectif de résultats. Nous allons consolider le contrat Pè a Corsica qui nous lie avec nos partenaires de Corsica Libera en faisant des propositions pour une meilleure coordination. Nous ferons aussi en sorte d’avoir des réunions et des échanges avec le PNC parce que la demande des militants est de se rassembler au sein de Femu.
 
- Sous quelle étiquette vous présenterez-vous ? Femu a Corsica ou Pè a Corsica ?
- Il n’y a, pour l’instant, aucune remise en cause de Pè a Corsica en tant que tel ! Pè a Corsica est un contrat qui continue et qui continue bien. Nous discuterons des élections avec nos partenaires. Il peut, pour les municipales, y avoir des endroits où se forgent, comme à Bastia, d’autres partenariats de gestion locale. Notre vocation de grand parti est d’avoir une légitimité d’instance qui nous permet de nous déployer et de préparer par anticipation, et non plus dans la précipitation, ces grandes échéances. Il s’agit par ces élections d’enraciner le changement démocratique de 2015 et d’obtenir les strates politiques, à la fois communales, intercommunales et territoriales, qui nous permettront d’agir plus vite au service du peuple corse, de prendre plus vite des décisions et de mieux coordonner nos politiques. C’est un enjeu majeur !
 
- Qu’en est-il des Européennes de mai 2019 ? Y participerez-vous ?
- Nous essayons d’y participer. En tant que député, je suis déjà engagé dans des négociations à travers R&PS et l’ALE avec nos partenaires. Je le serai, de surcroit, en tant que Secrétaire national de Femu a Corsica avec toute la légitimité nécessaire, aux côtés du président du Conseil exécutif, pour faire en sorte que nous ayons des élus sur une liste, que j’espère, de rassemblement. Il est évident que, dans ce cadre-là, nous discuterons avec Jean-Christophe Angelini et Corsica Libera.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.