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Journée mondiale contre le cancer : "Nos habitudes et notre société favorisent la maladie"


le Mardi 4 Février 2025 à 19:18

Depuis quelques mois, les études internationales ne cessent de mettre en évidence une multiplication des cancers chez les jeunes adultes. Une dynamique alarmante, également constatée en Corse. Alors que la journée mondiale de lutte contre le cancer se tient ce mardi, le président de la Ligue contre le cancer de Corse-du-Sud rappelle que les causes de la maladie trouvent avant tout leurs racines dans notre environnement et nos modes de vie actuels.



(Photo d'illustration)
(Photo d'illustration)
C’est un chiffre qui fait froid dans le dos. Dans une récente étude, le British Medical Journal Oncology mettait en exergue qu’entre 1990 et 2019, le taux de cancers chez les moins de 50 ans a augmenté de 79,1% dans le monde. Dans la même ligne, début décembre, la prestigieuse revue médicale The Lancet envisageait pour sa part une augmentation de 12% des cancers chez les 15-39 ans d’ici 2050. Une inquiétude partagée par de nombreux oncologues français, à commencer par le Dr Fabrice Barlesi, directeur général de l’Institut Gustave Roussy, qui, invité au micro de RTL à l’occasion de la journée mondiale contre le cancer qui se tient ce mardi, a averti à son tour sur le risque d’un développement exponentiel des cancers, notamment digestifs, chez les 20-40 ans et a appelé à anticiper une « épidémie » qui pourrait bien se transformer demain en « tsunami ». 
 
Une dynamique inquiétante également constatée en Corse. Si parmi les près de 2000 nouveaux cas recensés par an sur l'île, la moyenne d'âge tourne aujourd'hui autour des 70 ans, celle-ci pourrait bien être abaissée à l'avenir. « Actuellement, on constate que le cancer rajeunit parce que les mesures préventives ne sont pas observées chez les jeunes qui consomment n’importe quoi », déplore le Dr Sauveur Merlenghi, le président du comité départemental de la Ligue contre le cancer de Corse-du-Sud. « Les gens consomment tout et n’importe quoi, mais il faut dire aussi qu’on leur propose une nourriture qui n’est pas de bonne qualité avec beaucoup de produits transformés qui contiennent des composés nocifs. Il y a également une évolution de l’alimentation qui n’est plus basée sur le besoin mais sur le goût : on mange non pas parce que c’est bon pour le corps, mais parce que c’est bon au goût. En manipulant le goût, on peut faire manger n’importe quoi », insiste-t-il en reprenant : « Et puis, alors qu’on recommande de manger 5 fruits et légumes par jour, on voit que la plupart de temps ils sont bourrés de pesticides. Et de surcroit leur prix est sans commune mesure avec les ressources de la population. Surtout dans une région comme la nôtre où le taux de précarité est très important. Lorsque l’on a 1200 euros par mois pour vivre, il est difficile d’acheter des légumes car ils sont très chers ».

Le Dr Sauveur Merlenghi est le président du comité départemental de la Ligue contre le cancer de Corse-du-Sud
Le Dr Sauveur Merlenghi est le président du comité départemental de la Ligue contre le cancer de Corse-du-Sud
Par ailleurs, le médecin généraliste pointe aussi comme responsables de cette hausse des cancers chez les jeunes adultes les conduites addictives auxquelles ils sont nombreux à se livrer, que ce soit en matière d’alcool, de tabac, mais aussi d’autres drogues. Il relève d’ailleurs que le taux élevé de tabagisme en Corse, avec des fumeurs qui commence souvent très jeunes, cause une surincidence des cancers du poumon. « Chez les femmes jeunes on a 40% de cas en plus qu’ailleurs », s’alarme-t-il.
 
« Et puis, il y a aussi une inconscience politique que ce soit au niveau national ou au niveau local, parce qu’on sait que 1/5ème des cancers est dû à la pollution et qu’on ne fait rien pour lutter contre cela », tonne-t-il par dans un autre registre. « À Ajaccio, notamment, on a localement toutes les raisons d’être un peu plus inquiets qu’ailleurs : nous sommes soumis aux particules fines émises en quantité industrielle par la centrale du Vazzio, à la pollution émise par les voitures, à celle du tabac, de l’alimentation, mais aussi aux fumées des bateaux », énumère-t-il en fustigeant l’inaction des pouvoirs locaux « pour stopper certaines pollutions qui ne sont pas utiles en particulier celle des bateaux de croisière ». « On pourrait exiger qu’ils arrivent avec des moteurs propres ou même pas du tout. Or on se heurte à des intérêts commerciaux de quelques personnes et on soumet la population ajaccienne à une pollution qu’on pourrait éviter », siffle encore le Dr Merlenghi en résumant : « Ce sont tous ces éléments qui favorisent les cancers et amènent à des cancers plus précoces. On est vraiment dans une situation qui est désastreuse et qui est le prototype même d’une maladie qui est créée et entretenue, car le cancer est une maladie entretenue par notre mode de vie et notre civilisation ». 
 
Afin d’éviter la catastrophe sanitaire, le président du comité départemental de la Ligue contre le cancer de Corse-du-Sud appelle de facto à la mise en place d’une meilleure politique de prévention de la maladie, aussi bien au niveau national que local, mais aussi à des efforts en matière de dépistage, alors que la Corse reste très à la traîne en la matière. « Il n’est pas normal qu’on mette en place un dépistage qui coûte très cher et qu’en Corse on ait 70% de la population qui ne fasse pas ces examens. Cela me sidère de voir le nombre de gens qui ne se sentent pas concernés et qui pensent qu’un cancer ne peut pas leur arriver », s’inquiète-t-il en rappelant qu’un dépistage précoce permet le cas échéant de traiter plus rapidement un cancer, d’augmenter l’espérance de survie des malades, mais aussi d’avoir un coût moindre en matière de souffrance humaine. « Et puis soigner un cancer coute cher ! On a de plus en plus de cancers, donc de plus en plus de prises en charge, ce qui a un coût exorbitant. Quand on regarde le déficit de la Sécurité Sociale, on se rend compte que bientôt on ne pourra plus soigner les gens », pose-t-il encore avant de conclure : « Économiquement parlant on va vers une catastrophe dans les 10 années à venir. On va avoir des gens qui vont rester au bord du chemin et qui ne pourront plus se soigner. Déjà on voit qu’avec les restes à charge, cela devient compliqué ».