Après quatre années de travaux au sein de Stella Mare, laboratoire de l’Université de Corse et du CNRS, des chercheurs sont parvenus à maîtriser, en 2017, la reproduction de cette espèce. Ce succès scientifique résulte d’expérimentations de longue haleine, menées sur cette plate-forme dédiée à l’ingénierie écologique marine et littorale en Méditerranée, en collaboration étroite avec les ostréiculteurs corses.
Objectif de ce programme : mieux connaître l’huître plate, ses périodes de ponte, ses conditions de vie dans le milieu, ses techniques d’élevage et son cycle de reproduction.
Il faut dire que l’enjeu est de taille, tout d’abord d’un point de vue patrimonial et pour le maintien de la biodiversité. Fortement décimée par la surpêche et des parasites au siècle dernier, l’Ostrea edulis, seule espèce d’huître endémique d’Europe, connue et commercialisée en Corse depuis l’Antiquité romaine, a vu ses populations réduites à néant. Résultat : menacée de disparition, l’huître plate a été progressivement remplacée par l’huître creuse japonaise, au point de représenter seulement 5 % de la production ostréicole en France.
Les travaux conduits à Stella Mare ambitionnent de redonner vie à cette espèce présente notamment sur la côte Atlantique et en Corse. À ce titre, une introduction en milieu naturel de naissains d’huître plates produites par les équipes du laboratoire est en cours. Depuis les premières productions de naissains en 2014, plusieurs centaines de milliers de juvéniles d’huîtres, nés à Stella Mare dans des conditions idéales de température, de lumière et de qualité d’eau, ont été introduits dans l’étang de Diana à titre expérimental. La production réalisée entre les murs du laboratoire est de plus en plus conséquente, si bien qu’elle a franchi, en 2018, le seuil symbolique d’un million d’individus.
« La maîtrise du cycle de reproduction étant désormais actée, nos recherches consistent à présent à optimiser la production de naissains et à améliorer les pratiques culturales en étang, explique Jean- José Filippi, ingénieur de recherche à Stella Mare. Le taux de survie étant aujourd’hui de l’ordre de 30 %, les travaux se concentrent désormais sur l’étude du comportement des huîtres dans le milieu et sur l’amélioration de leur nourriture pour obtenir de meilleures conditions d’élevage »
« Il s’agit désormais de transférer notre technologie pour une production et une valorisation à plus grande échelle, fait savoir Sonia Ternengo, responsable de ce programme de recherche. L’intérêt de ces travaux est avant toute chose de protéger l’espèce mais aussi de préserver les activités économiques qui en dépendent ».
Le contexte rend d’ailleurs ces recherches scientifiques autour de l’Ostrea edulis d’autant plus impérieuses. Ces dernières années, les ostréiculteurs ont observé une mortalité importante de ’huître creuse en raison de l’herpès virus qui décime ces populations lorsque la température de l’eau augmente. Si sa capacité de reproduction reste moindre que l’huître creuse, l’huître plate présente en revanche une résistance beaucoup plus importante. D’après les recherches menées à l’Université de Corse / CNRS, cette espèce dispose de sérieux atouts : outre une qualité gustative qui lui a valu l’obtention de plusieurs médailles d’or au concours général agricole de Paris, l’Ostrea edulis revêt une fonction écosystémique de filtrage qui permet de diminuer les charges polluantes dans l’eau de mer.
Un atout de taille pour les ostréiculteurs, qui ont fait le pari de relancer l’huître plate et accordent à cette espèce endémique une attention quotidienne, bien qu’elle représente une part encore infime de leur production. Exploitant à l’étang de Diana depuis les années 1990, Bernard Pantalacci s’est impliqué dans ce projet dès le départ et voit désormais les premiers fruits de ce travail long et minutieux mené de concert avec les équipes de Stella Mare.
« Ces recherches ne nous ont pas seulement permis de relancer un produit identitaire qui est l’emblème historique de l’étang, explique l’ostréiculteur. Elles ont aussi été un outil fondamental pour diversifier notre production et faire en sorte d’atténuer le risque qui pèse sur l’huître creuse, sujette au virus. Dans un contexte de modification du milieu, qui impacte les conditions de reproduction, la diversification est aussi un impératif pour maintenir notre activité ».
À croire que les ostréiculteurs corses ont retrouvé la perle de l’étang de Diana !