L’entretien préalable à la formulation d’observations prévu par les articles L.243-1 et R.2418 du code des juridictions financières s’est déroulé le 25 novembre 2011 avec Mme Vanina Pieri, actuelle présidente de l’ATC et avec M. Antoine Giorgi, ancien ordonnateur, le 28 novembre 2011.
La chambre, lors de sa séance du 11 janvier 2012, a arrêté ses observations provisoires qui ont été transmises dans leur intégralité aux deux ordonnateurs. Après avoir examiné la réponse écrite de Mme Vanina Pieri, la chambre, lors de sa séance du 24 mai 2012, a arrêté ses observations définitives, développées dans le présent rapport.
Ce dernier a été adressé le 1er juin 2012 à Mme Vanina Pieri, présidente de l’ATC ainsi qu’à M. Antoine Giorgi ancien président, qui en ont accusé réception le 5 juin 2012, et n’ont pas souhaité y apporter de réponse dans le délai d’un mois après sa notification.
Voici les observations définitives de la chambre régionale des comptes sur les exercices 2005 et suivants.
L’ATC, qui œuvre dans le cadre d’une politique du tourisme mal définie, doit améliorer sa capacité évaluative
Disposant d’une capacité d’accueil d’environ 413 000 lits, près de six fois la moyenne nationale rapportée au nombre d’habitants, la Corse cumule 3,2 millions de séjours par an, dont 2,5 millions entre avril et octobre, avec des pointes hebdomadaires à 340 000 visiteurs en été, soit l’équivalent de la population résidente.
Le tourisme est un secteur clé de l’économie insulaire. Il est à l’origine de 18 % des emplois salariés de Corse, certes essentiellement saisonniers, et génère environ 10 % de la valeur ajoutée totale.
Cependant, le tourisme est caractérisé par une forte saisonnalité (avril-septembre), aidé en cela par les aides versées aux transporteurs en période de pointe estivale dans le cadre de la continuité territoriale. Le tourisme insulaire est également concentré dans l’espace (bassins de Balagne et du Grand Sud notamment). Par ailleurs, la dépense unitaire par visiteur est faible, comparée à la Sardaigne, et les retombées économiques globales stagnent, en dépit de l’accroissement du nombre de visiteurs.
Créée en 1992, l’ATC est un établissement public industriel et commercial (EPIC) de la Collectivité territoriale de Corse (CTC) chargé de la mise en œuvre et de la coordination de la politique du tourisme dont les orientations stratégiques sont définies par la CTC. Ces dernières ont été adoptées, pour la période examinée, par l’Assemblée de Corse le 14 novembre 2003 sans se situer, comme les textes le prévoyaient, dans le cadre plus général d’un plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
Malgré les initiatives prises depuis lors pour atteindre les objectifs fixés par l’Assemblée territoriale, aucun bilan de la politique n’a été dressé, faute d’indicateurs.
Cette évaluation aurait été grandement utile à l’occasion de l’adoption récente (octobre 2011) d’une « feuille de route » adressée à l’ATC et relative aux grandes orientations du tourisme en Corse à l’horizon 2014. Elle devrait préluder à la définition de la stratégie touristique de la Corse, qui figurera dans le PADDUC en cours d’élaboration. Dans ce cadre, un large débat sur le tourisme s’avère nécessaire, appuyé sur des données que l’ATC devrait davantage s’efforcer de collecter, après définition d’indicateurs encore absents de la nouvelle politique adoptée.
La gouvernance de l’ATC doit être renforcée
L’absentéisme récurrent de certains membres du conseil d’administration (CA) est élevé. Le quorum n’est pas atteint à de très nombreuses reprises, certaines décisions importantes ayant dû être prises par un nombre réduit d’administrateurs. Sur la forme, la tenue des comptes-rendus des CA ainsi que les arrêtés de désignation des administrateurs sont imprécis, voire présentent des anomalies.
Par ailleurs, la gestion des aides par le bureau ne donne pas lieu à une restitution satisfaisante, auprès du CA, comme le prévoient les statuts.
La tutelle que devrait exercer la CTC sur l’agence est quasi-inexistante en l’absence de désignation d’un délégué.
De même, l’information donnée à l’Assemblée de Corse sur l’activité de l’agence n’est pas assurée, l’instance n’étant pas saisie du compte-rendu annuel d’activité de l’établissement public. Par ailleurs, la charte précisant les conditions concrètes de réalisation des actions de communication n’est pas conclue à ce jour entre le président du conseil exécutif et la présidente de l’ATC.
La fiabilité des comptes est affectée d’irrégularités alors que les aides versées par l’ATC ont très sensiblement baissé pendant la période examinée, les frais de structure prenant en conséquence de plus en plus d’importance dans le budget de l’agence
La fiabilité des comptes de l’agence souffre de quelques anomalies qui affectent son bilan d’une part, artificiellement majoré par défaut de passation de certaines écritures, et ses résultats d’autre part, en raison de l’absence de transfert en fonctionnement des subventions reçues, d’amortissement des subventions versées et de rattachement des charges et produits à l’exercice.
D’une manière générale, les crédits à disposition de l’agence ont été fortement réduits, puisqu’ils sont passés de 19,1 M€ en 2005 à 10,7 M€ en 2010, soit une réduction de 44 % qui s’est poursuivie en 2011. Cette baisse a touché les aides versées par l’agence. D’un niveau voisin de 9 M€ en 2005 et en 2006, leur montant est passé à 2,5 M€ en 2010 (hors avances remboursables créées cette année-là). Plus globalement, la « fonction budgétaire productive » de l’agence dite d’action économique, qui inclut les aides, a très nettement décru.
Les dépenses des services généraux, majoritairement composées des frais de personnel, quant à elles, se sont maintenues à plus de 4 M€ par an.
Ainsi, entre 2007 et 2011, leur poids relatif est passé de 30 à 43 % du total des dépenses. En conséquence, alors qu’en 2005, pour 1 € dépensé pour ses missions d’intervention, l’ATC devait supporter 0,42 € de frais de structure, en 2011, pour chaque euro dépensé pour ses missions d’intervention, l’agence, selon ses propres estimations, supporte 0,75 € de frais de structure.
Des effectifs à forte proportion de cadres dont les missions ne sont pas suffisamment précisées et sujets à un absentéisme très élevé
Le nombre des personnels de l’agence est resté stable autour d’une cinquantaine d’agents, et apparaît bien plus élevé que celui de structures comparables sur le territoire national. Les agents étaient répartis jusqu’en 2011 selon un organigramme comptant une vingtaine de services. Cette organisation « en râteau », qui favorisait la dispersion des missions et la dilution des compétences, a été récemment modifiée.
Si l’effectif global n’a pas varié, le nombre de cadres s’est accru de 16 à 21 depuis 2005, ce qui paraît d’évidence très élevé au vu des attributions confiées à certains d’entre eux. Dans bien des cas, ces dernières souffrent d’imprécisions qui ne sont pas levées par l’évaluation individuelle, dénuée de fixation d’objectifs précis. L’évolution statutaire des agents ainsi que les mesures de revalorisation salariale décidées en 2009 et 2010 expliquent la hausse prononcée des frais de personnel.
En dépit d’un régime de congés plutôt favorable, l’absentéisme s’avère particulièrement élevé. Il atteint en moyenne 30 jours par agent en 2010 et représente l’équivalent du temps de travail de 7,4 agents exerçant à temps plein.
La commande publique doit être plus rigoureuse
Afin de sécuriser les procédures d’accès à la commande publique, l’agence va réviser son règlement interne afin notamment de préciser les délégations de pouvoir et de signature du pouvoir adjudicateur pour les marchés publics inférieurs à 4 000 € HT, de mieux coordonner les étapes de passation et d’exécution des marchés publics et d’améliorer l’évaluation des besoins des marchés publics.
Des observations sont formulées sur les marchés de conception des stands pour foires et expositions, dont les prestations prévisibles et répétées ont donné lieu à des marchés annuels de 0,2 M€, passés sans appel d’offres formalisé et dévolus au même prestataire après une courte période d’appel à concurrence, ainsi que sur le marché de communication pour un coût élevé de 3M€ pour 3 ans, dont la passation n’a pas été entièrement maîtrisée.
De nombreuses anomalies dans l’attribution et le suivi des aides
Par délibération du 10 juillet 2008, l’Assemblée de Corse a adopté un guide des aides au tourisme pour la période couvrant les années 2008 à 2013. Ce guide définit les différents types d’aides susceptibles d’être accordées ainsi que les conditions et les modalités d’attribution de cellesci, quelles soient cofinancées par l’Union Européenne, par l’Etat et par l’ATC ou financées uniquement par cette dernière.
L’examen d’un large échantillon d’aides financées par l’ATC a révélé de nombreuses anomalies. Plusieurs d’entre elles ont été attribuées en dehors des conditions d’éligibilité soumises à la nature des équipements financés, aux conditions d’autofinancement et à la conformité de l’assiette de dépenses éligibles. Des opérations n’ont pas été soldées dans les dix-huit mois suivant la date de l’arrêté attributif de subvention, comme le prévoit le règlement. Des dépenses ont été faites alors que leur montant était sans rapport avec le devis initialement établi. L’obligation de production de pièces n’a pas été systématiquement respectée. Enfin, la plupart des dossiers examinés se sont avérés incomplets.
Ces carences démontrent la nécessité de mettre en place un contrôle interne de gestion. Par ailleurs, l’évaluation qualitative des aides n’est pas réalisée.
La mesure des actions et la mise en œuvre d’une culture de l’évaluation sont à rechercher
L’agence ne dispose pas d’indicateurs quantitatifs et/ou qualitatifs internes de mesure d’efficacité et d’efficience, ni de critères d’auto-évaluation ou de mesure de l’impact des actions qui lui permettraient de suivre régulièrement ses activités. Or, on ne pilote bien que ce que l’on mesure.
La mise en œuvre rapide d’une culture de l’évaluation est d’autant plus importante que, sans résultats consolidés, il est difficile de connaître l’impact de telle ou telle aide dans l’élaboration et la conduite des politiques de développement touristique pour l’ensemble du monde socio-économique, qui est partie prenante à ce développement.