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La Corse se dote de son premier centre de fertilité : "la fin du calvaire des allers-retours sur le continent"


Christophe Di Caro le Mercredi 11 Septembre 2024 à 08:27

Pendant des années, les couples corses confrontés à l’infertilité ont dû se rendre sur le continent pour bénéficier de la procréation médicalement assistée (PMA). Un périple éprouvant, tant physiquement qu'émotionnellement, que beaucoup décrivent comme une véritable épreuve. Avec l’ouverture du premier Centre de Fertilité à Bastia, une page se tourne enfin.
Témoignage



Photo d'illustration Pixabay
Photo d'illustration Pixabay
« C’était un véritable parcours du combattant, parfois proche de la déshumanisation », témoigne Vanessa, une enseignante bastiaise qui a donné naissance à son fils après un long combat contre l’infertilité. Elle se souvient avec émotion de cette période de sa vie où elle et son mari ont lutté pour avoir un enfant. « J’ai dû faire trois cycles de fécondation alors que j’avais 33 ans et mon mari 38. Après analyse au laboratoire Vialle, notre médecin nous a dit que l’infertilité était très avancée, et il a recommandé une ICSI. »  

Le couple s’engage alors dans un long processus médical, avec des déplacements fréquents à Marseille, à la Clinique Bouchard. « Le premier rendez-vous s’est bien passé, mais ensuite, tout est devenu très compliqué. » Vanessa raconte qu’à partir du premier jour de son cycle menstruel, elle devait suivre un protocole strict : prises de sang régulières, échographies, injections d’hormones dans le ventre ou la jambe. « Je faisais les injections moi-même à heure fixe, avec du Gonal F et de l’Ovitrelle. Je devais aussi prendre des ovules de Progestan pour faciliter la nidification. » Les analyses étaient envoyées à Marseille, et dès que la clinique donnait son feu vert, le couple avait moins de 48 heures pour tout organiser. « Une fois que la clinique nous donnait le feu vert, nous devions trouver un avion, réserver une chambre, et prendre un congé sans délai. Si on ratait cette fenêtre, on devait tout recommencer. »

Entre pression sociale et solitude
À cette course contre le temps s’ajoutait la pression de devoir cacher leurs démarches à leur entourage. « Nous avions beaucoup de mal à justifier nos départs soudains à nos proches, nos collègues. Nous devions mentir, et c’était vraiment pénible. Nous n’étions pas à l’aise avec cette duplicité »,
se souvient-elle. L’insularité rendait cette situation encore plus difficile à vivre : « En Corse, tout se sait rapidement, et nous voulions garder ça privé. »
Une fois à Marseille, le sentiment de solitude s’intensifiait. « Là-bas, je me sentais comme une mère célibataire. Mon mari devait aller à un laboratoire pour donner son sperme pendant que j’étais à la clinique pour mes prélèvements. Ensuite, il devait ramener mes ovocytes au laboratoire à pied, dans une petite valisette. »

Vanessa se souvient avec douleur du manque d’humanité dans le traitement qu’elle a reçu : « À la clinique, je me suis réveillée après l’opération entourée d’autres femmes dans la même situation. L’infirmière écoutait de la musique, et je me sentais terriblement seule. Cette chanson me hante encore. » 

Le centre de Bastia, une bouffée d’air pour les couples corses
Avec l’ouverture du Centre de Fertilité de Bastia, Vanessa voit une véritable révolution pour les couples insulaires. « Si ce centre avait existé à l’époque, tout aurait été tellement plus simple. Nous n’aurions pas eu à mentir, à courir après des avions, à tout cacher. » Elle estime que cela va permettre à de nombreux couples de vivre cette expérience avec beaucoup moins de stress et de douleur. « Ce centre est une bénédiction pour la Corse. Les couples qui veulent un enfant n’auront plus à traverser ce que nous avons vécu. »

Durant son parcours, Vanessa a dû faire face à deux fausses couches, dont une à cinq mois de grossesse. « En plus de la douleur de ne pas pouvoir avoir d’enfant, j’ai dû supporter le jugement des autres. On me traitait de capricieuse. » Mais leur persévérance a payé, et en 2011, après un troisième cycle d’ICSI, leur fils est né. Quelques mois plus tard, à leur grande surprise, Vanessa est tombée enceinte naturellement et a donné naissance à une fille.

Aujourd’hui, elle ne peut que saluer cette avancée médicale en Corse. « Nous avons tellement souffert. Ce centre va éviter à d’autres couples de passer par les mêmes épreuves. La Corse est plus forte aujourd’hui, avec ce centre qui permettra de donner la vie à ceux qui en ont besoin. »


Le prénom a été modifié afin de respecter l'anonymat de la personne témoignant