Noël Le Graet est le président quasi inamovible de la Fédération française de football. Lorsqu'on lui demanda de soutenir la candidature de Paris pour les Jeux Olympiques de 2024, il répondit : « J'en ai rien à foutre. » Ces mots, il a dû les employer en recevant la motion de l'assemblée de Corse qui sollicitait l'adhésion de l'île à la Fifa, pour pouvoir participer aux matches de qualification pour la Coupe du Monde.
Raisons invoquées par Femu a Corsica, à l'origine de cette motion : le statut particulier de la collectivité insulaire, l'amour du football qui anime les Corses et l'existence de la mythique Squadra Corsa, forte, dit le texte, « de nombreux matches internationaux auxquels elle a participé. » Pour Le Graet, breton qui connaît bien l'organisation administrative de son pays, « la Corse est un département français comme les autres (sic). »Point. Il n'ira pas au-delà de ce que l'Etat tolère en termes d'autonomie d'une part, il n'ira pas au-delà des limites de sa délégation de pouvoir d'autre part. Il l'explique, tout est question de statut juridique. La Guadeloupe et la Martinique ont eu le droit d'adhérer à la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et Caraïbes (Concacaf), dont l'équivalent Coupe du Monde en modèle réduit est la Gold Cup. Tahiti a pu adhérer à la Fifa, comme la Nouvelle-Calédonie, mais ces départements sont des COM (collectivités d'Outre-mer) à statut juridique aussi particulier. La Corse n'entre dans aucun de ces créneau constitutionnels.
Une blague du 1er avril
Voilà donc nos élus chassés de la symbolique qu'ils affectionnent vers des dossiers concrets qui réclament sans doute une attention plus urgente. Cette affaire, mineure en soi, a provoqué, on s'en doute, un écho considérable sur les messageries des médias spécialisés dans le ballon rond et dans les réseaux sociaux, dont beaucoup d'intervenants ont cru à une blague du 1er avril hors calendrier. Noël Le Graet, détesté parce qu'il a soutenu Sepp Blatter, président corrompu de la Fifa, et qu'il a pour amis des agents de joueurs plutôt troubles, trouve là des soutiens inattendus.
Sur des colonnes entières, on approuve son refus, non par rapport au surréalisme de la demande, mais en raison de la nature du football corse et des Corses en général, sans parler des arrière-pensées politiques que d'aucuns croient y déceler.
Quand on ouvre le robinet, gare à l'inondation !
Au hasard : « Pourquoi réclamer une adhésion à la Fifa alors qu’ils s’en feraient immédiatement virer pour violence?... Il fallait dire oui, ensuite l'indépendance et dans 2 ans, ils reviennent en rampant !... Si c'est pour voir les mêmes débordements (L1,L2) avant ou pendant des matchs internationaux c'est inutile.... Moi je dis oui, si ça peut nous débarrasser des clubs et supporters corses qui polluent nos différents championnats... Oui, qu'ils adhèrent à la Fifa, ils font leur championnat entre eux et nous on pourra jouer au football le 05 mai. En espérant que la Fifa ne leur colle pas un match le 05 mai, ils seraient obligés de déclarer forfait...Très bien, allez-y. Ne venez pas vous plaindre de l'arbitrage ou n'envahissez pas le terrain si vous n'êtes pas d'accord avec le score en fin de match. Espagne vs Corse, j'ai hâte de voir ça... ».
En 1967, la Squadra Corsa battait l'équipe de France 2-0. Un demi-siècle a passé depuis. Il faudra autre chose qu'une motion pour retrouver une telle configuration, en compétition officielle de surcroît.
Mais qui sait ?
Avec de bons dossiers et de la patience, on peut se dire que tout est possible.