Corse Net Infos - Pure player corse

"La fille verticale" de Félicia Viti : un premier roman intense entre passion et violence


MV le Mardi 15 Octobre 2024 à 15:22

Avec "La fille verticale", publié aux éditions Gallimard, Félicia Viti signe un premier roman renversant qui explore la passion amoureuse entre deux femmes, dans un Paris nocturne. Scénariste de formation, la Sartenaise explique avoir choisi la littérature pour pénétrer au cœur des pensées de ses personnages, un espace que le cinéma ne lui permettait pas d’explorer pleinement. Entre désir, emprise et violence, elle livre une histoire d’amour où l’intensité des émotions se mêle à une écriture quasi cinématographique. Un récit viscéral, né de son envie de révéler l'intimité des relations humaines sans passer par le filtre de l’écran.
Rencontre



Photo Paule Santoni
Photo Paule Santoni
Votre roman débute de manière frontale, avec une représentation très réaliste du désir féminin. Pourquoi ce choix ?
Ce début était aussi un choix éditorial. Mon éditrice et moi voulions tout de suite entrer dans la matière de la passion, casser les représentations idéalisées de l'amour lesbien. Trop souvent, on réduit les relations entre femmes à quelque chose de doux, d'éthéré. Je voulais montrer des personnages avec des désirs bruts, des pulsions, des émotions fortes. Il s’agissait de sortir des clichés, de montrer l'amour et le désir comme des forces universelles, indépendantes du genre.

L’amour, dans votre roman, semble insaisissable, en constante évolution. Comment votre propre vision de l’amour a-t-elle évolué à travers l’écriture de ce livre ?
​L'amour est complexe, et La fille verticale n’essaie pas de le définir. Ce roman parle d’une forme d'amour, mais il en existe plusieurs. Il y a l’amour passionnel, destructeur, mais aussi des formes plus calmes, plus apaisées. Ici, je voulais interroger la nature même de la passion : est-ce vraiment de l'amour ? Peut-être que ce qu’on appelle "amour fou" est en réalité quelque chose d’inatteignable, de mouvant. C’est cette ambiguïté que j’ai voulu explorer.

Votre parcours en tant que scénariste vous a-t-il naturellement conduit à écrire La fille verticale ?
Écrire ce roman a été une évolution naturelle de mon parcours. En tant que scénariste, j’étais souvent frustrée de ne pas pouvoir plonger dans la profondeur des pensées et des émotions des personnages. Le scénario a ses contraintes : on ne peut pas explorer l’intériorité avec la même précision qu’en littérature. Le roman m’a permis de donner accès à cette intimité, de montrer l’impact de la passion sur l’esprit de la narratrice. Cela dit, mon écriture reste marquée par mon passé de scénariste, car La fille verticale garde un rythme visuel, cinématographique. Chaque scène est vécue comme une séquence filmique, mais avec la richesse de la narration littéraire.

Dans La fille verticale, vous décrivez une passion intense, presque destructrice. La littérature vous permet-elle de raconter cet amour avec une profondeur que le scénario ne peut offrir ?
Absolument. En scénariste, il m’est souvent arrivé de voir mes mots disparaître dans des tiroirs, ou d’être réduite à la surface de l’émotion à l’écran. Avec le roman, je voulais que mes mots persistent, qu’ils existent indépendamment du film. La littérature est l’unique média qui permet d’explorer, avec autant de précision, les méandres du sentiment amoureux. C’est particulièrement important pour raconter une histoire d’amour comme celle-ci, où tout se joue à l’intérieur des personnages : leurs pensées, leurs contradictions, leurs déchirements.

Votre série Back to Corsica abordait déjà l'amour entre femmes, mais dans un contexte plus social. Pourquoi avoir choisi de traiter des émotions plus sombres dans La fille verticale ?
Je pense que c’est l’envie de travailler sur quelque chose de plus mature et intime. J’avais besoin d’explorer des sujets plus complexes, comme la violence au sein des couples, notamment entre femmes. Il était essentiel pour moi de décortiquer les mécanismes de l’emprise et de la destruction d’une relation amoureuse. La fille verticale est une tentative de comprendre comment une relation peut basculer vers la tragédie, tout en explorant les dynamiques de pouvoir, de passion et de perte.

La Corse semble occuper une place centrale dans votre œuvre. Que représente cet endroit pour vous, et comment l'avez-vous intégré à votre roman ?
La Corse est ma terre natale, et elle occupe une place très importante dans mon imaginaire. C’est un décor puissant, un lieu où je me reconnecte à mes racines, à mes émotions. Dans La fille verticale, la narratrice trouve refuge en Corse après une rupture. Ce retour aux origines lui permet de se ressourcer, de retrouver un équilibre. La Corse, avec sa nature sauvage et ses paysages bruts, représente un ancrage nécessaire, à la fois pour elle et pour moi.