Corse Net Infos - Pure player corse

"La finance peut-elle sauver le climat ?" : réponse dans le dernier ouvrage de Sébastien Ristori


La rédaction le Dimanche 3 Avril 2022 à 11:49

Sébastien Ristori est analyste financier, diplômé d’un master en administration des entreprises, d’un MBA finance, certifié en finance par HEC Paris. Directeur du groupe Barnes Corse, enseignant en finance d’entreprise à l’Université de Corse et auteur aux éditions Ellipses, il publie « les clés de la finance d’entreprise » aux Éditions Ellipses, le 4ème tome d’une collection de 6 ouvrages en gestion. Ce livre est un mode d’emploi pour les dirigeants d’entreprise et les directeurs financiers.



Sébastien Ristori
Sébastien Ristori


- Vous publiez votre 4ème ouvrage. Que peut-on découvrir dans ce dernier livre ?
- "Les clés de la finance d’entreprise" proposent un programme complet d’un niveau Master 1 de grande école de commerce dans cette discipline. Un prochain ouvrage suivra sur la thématique de la finance approfondie. Cet ouvrage de bon niveau traite des fondamentaux comptables à maîtriser pour comprendre les opérations financières. Une seconde partie propose une méthodologie complète et éprouvée pour mener un diagnostic financier. Une troisième partie est consacrée à l’évaluation de société et des investissements puis une dernière partie présentent les titres financiers, les financements et les opérations de politiques financières de l’entreprise. L’ouvrage est conçu comme un guide pratique à tous ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances en finance, pour sortir du champ des seuls montants comptables et déterminer des valeurs financières.
 
- Quelle est la particularité des fonctions finance dans les entreprises ?
- La fonction finance est au carrefour de toutes les autres disciplines de gestion, la comptabilité, les ressources humaines, le marketing, la négociation et le droit. Le financier d’entreprise doit détenir une forte vision d’ensemble de la stratégie de l’entreprise et est un co-pilote indispensable aux dirigeants d’entreprises. Il doit, à mon sens, n’avoir qu’une boussole : créer de la valeur pour l’entreprise.
 
- Comment crée-t-on de la valeur ?
- La valeur est le principe selon lequel une entreprise doit être valorisée à la hausse. Par construction, les actions détenues par les actionnaires voient leurs valeurs croître. C’est sur cette hausse de valeur qu’un actionnaire s’enrichit. Mais avant d’en arriver là, l’entreprise doit se concentrer sur d’autres types de valeur : tout d’abord, il faut créer de la valeur dans les produits et services que l’on propose, pour attirer et fidéliser un client. Ensuite, il faut créer de la valeur aux yeux de ses collaborateurs, pour continuer d’attirer des talents, pour assurer une productivité et une qualité des produits. Ensuite, si les résultats de l’entreprise sont supérieurs au taux de rendement généralement requis sur le secteur d’activité, l’entreprise délivrera de la valeur à ses actionnaires. Ce triptyque de la valeur est indissociable de la valeur globale de l’entreprise : le client, le collaborateur, l’actionnaire !
 
- La fonction finance a largement évolué, puisque désormais, on parle de finance verte ?
- La finance est sur le banc des accusés concernant le climat. Elle a été responsable, à cause de milliers de personnes à l’échelle mondiale, de dégâts considérables au cours des années 2008-2015 ou il était possible de gagner beaucoup sans se soucier de la capacité de remboursement des uns et des autres, et conduisant, lors de crises majeures, des millions d’individus sans emplois et dans la précarité. Au-delà de ça, le financement de lourds projets industriels polluants ne respectant aucune contrainte ni l’environnement, ni même parfois de règles ou principes éthiques sur l’ensemble de la chaine de valeur n’a pas redoré l’image de la discipline. Or, la finance est un outil au service des entreprises.
 
- Quelles sont les perspectives sur ce champ d’action ?
- Les mesures sur le champ de la finance verte ne datent pas d’hier. On parle enfin de durabilité depuis les épisodes de la crise sanitaire, des désastres climatiques récents comme le dôme de chaleur au Canada. Et bien que trop peu d’entreprises ont encore réagi, les banques centrales, les plus grandes entreprises et plusieurs pays, notamment sous l’impulsion des rapports du GIEC, dont le dernier est catastrophique, nous pousse à opter pour des mesures décisives en termes d’amélioration du climat. Cela fait un moment que plusieurs entreprises, à l’instar de Danone, comme société à mission, se sont donné pour objectif de drastiquement réduire leur empreinte carbone. Aujourd’hui, les entreprises cotées à plus de 20M€ de total bilan, 40Meuros de CA et plus de 500 salariés ou les sociétés non cotées de plus de 100M€ de total bilan, 100M€ de CA et 500 salariés ont l’obligation de réaliser une déclaration de performance extrafinancière. Cette déclaration est d’ailleurs extrêmement fournie d’information : Elle explique le modèle économique de l’entreprise et détaille les mesures prises par l’entreprise pour lutter contre les gaz à effet de serre, les moyens mis en œuvre à cet effet, les politiques RH adaptés au développement de son personnel et les axes correctifs pour lutter contre la corruption. Pour les plus grandes entreprises, des sociétés spécialisées en notation verte viennent scorer les entreprises à partir d’une grille de lecture adaptée pour donner une note « verte ». De plus en plus de fonds d’investissement privés, ou de gestionnaire de titres utilisent ces critères pour flécher les investissements. D’ailleurs, le métier « d’analyste ESG », très complémentaire au métier d’analyste financier, s’est développé. Il a pour vocation de dresser un état des lieux complets en matière des pratiques ESG des entreprises. Cela permet de flécher des fonds sur des sociétés plus vertes. Des outils comme les obligations vertes ou durables destinées uniquement à ces financements sont utilisés.
 
- Que signifie ESG ?
- E. pour Environnement, qui comprend la capacité d’une entreprise à réduire son empreinte carbone, par la diminution de ses consommations d’énergie, la réduction des polluants et des déchets dans son fonctionnement quotidien et surtout, la sensibilisation de l’ensemble de sa chaine de valeur à ses pratiques. S. pour sociétal, car l’humain est au cœur de l’entrepreneuriat d’aujourd’hui : L’équité dans les rémunérations, les responsabilités partagées, la prise en compte de la nouvelle dimension au travail, l’inclusion des personnes en difficulté sont autant d’actions qui améliorent les conditions de vie et par ricochet, l’empreinte environnementale. Enfin, G pour Gouvernance, qui traduit tous les efforts nécessaires à réaliser pour une direction efficace, éthique, responsable et qui influence positivement les décisions de l’entreprise.
 
- Quelles évolutions désormais pour la finance de demain ?
- Le directeur financier jouera aussi un rôle d’accompagnement dans la protection du climat ! L’ancien patron de DANONE a été nommé à la tête de l’organisme International Sustainability Standards Board (ISSB), pendant de l’IASB qui définit les normes comptables. Il a pour mission de fixer les normes en matière de durabilité, les critères d’évaluation afin de donner une grille de lecture commune à tous les investisseurs. Du côté des prêts bancaires, la banque centrale européenne et les Banque Nationale sont déjà à pied d’œuvre pour créer également un référentiel. Aucun ne doute que d’ici 5 à 10 ans, de la PME aux grands groupes, l’accès au financement soit conditionné à l’empreinte carbone de l’entreprise. C’est aussi la seule voie pour la planète. La finance est un outil, utilisons-la comme il faut !