C’est un autre débat historique et très attendu. Après celui sur le statut de coofficialité de la langue corse en mai et avant une session spéciale consacrée au foncier, statut de résident et PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) mélangés, la CTC planche pendant deux jours sur ce qui est, certainement, le dossier-clé de la mandature. De son adoption, tant dans l’île qu’à Paris, dépend le sort de tous les autres : la langue, le transfert de fiscalité, notamment sur les successions, le foncier et un transfert de compétences pour une certaine autonomie de décision.
Là encore, comme pour la coofficialité, l’enjeu du débat n’est pas tant le résultat du vote, puisque l’adoption du rapport est à priori acquise, mais à quelle majorité celui-ci sera obtenu. Un vote à l’unanimité aurait pu être un sésame pour ouvrir la porte de discussions, aujourd’hui verrouillée, avec Paris sur une modification de la Constitution française au profit de la Corse. Néanmoins, la majorité, qui se profile, pourrait être plus conséquente que pour la langue, la majeure partie de la droite ne s’y opposant pas totalement.
Un point d’équilibre
Cette adhésion ne s’est pas faite en un jour. Il aura fallu deux ans de travaux à la Commission des compétences législatives et règlementaires, présidée par Pierre Chaubon, 26 réunions, plusieurs séminaires et 2 séances plénières pour rédiger un rapport, ni trop anodin, ni trop ambitieux, afin d’aboutir à un consensus. Ce que Paul Giacobbi et Pierre Chaubon ont, tous deux, qualifié de « point d’équilibre » entre les sensibilités politiques. « Le rapport n’est pas l’œuvre d’un homme ou d’une majorité, mais l’œuvre collective de tous ceux qui y ont participé. C’est le point d’équilibre de toutes les opinions », prévient le président de l’Exécutif dans un préambule qui se veut tout aussi consensuel. A cet effet, des modifications de dernières minutes ont été effectuées en commission, le 1er août et le 12 septembre derniers, concernant la fiscalité des successions et la mise en œuvre du référendum.
Une évolution des esprits
Là encore, comme pour la coofficialité, ce nouveau débat sur un des fondamentaux de la lutte nationaliste témoigne d’une véritable évolution des esprits qui n’était même pas imaginable à l’installation de cette mandature. Paul Giacobbi est le premier à réciter son Confiteor. « Il a fallu une longue évolution des esprits, à commencer par le mien, car j’ai beaucoup évolué sur nombre de questions fondamentales », confesse-t-il avant de se déclarer « choqué » par la polémique déclenchée par sa prise de position « personnelle » sur le statut de résident. Il ajoute, au passage, que le débat sur le foncier est posé et qu’il sera poursuivi.
Paul-Félix Benedetti, élu d’U Rinnovu, ne perd pas l’occasion d’enfoncer le clou : « Je salue l’évolution de la position du président Giacobbi qui, en 1992, faisait partie de ceux qui ont dit : Non, et du président Bucchini qui a été, par le passé, un réactionnaire puissant ! ». Jean-Guy Talamoni, leader de Corsica Libera se borne à constater : « Nous avons le sentiment d’avoir été partiellement entendu ».
Désamorcer les critiques
Mais tous les réfractaires à l’évolution institutionnelle n’ont pas cheminé de la même façon. Aux voix qui, ces derniers temps, se multiplient pour dénoncer une réforme « inutile et dangereuse » et opposent, à l’envie, l’urgence sociale à la révision constitutionnelle, le président de l’Exécutif coupe l’herbe sous le pied. « A l’instar de tous les territoires insulaires que compte la France, qui bénéficient d’un cadre constitutionnel spécifique, nous proposons un cadre constitutionnel qui correspond à nos réalités, à nos besoins, à nos convictions et à celles des Corses dès lors qu’ils se seront exprimés. J’approuve entièrement ce rapport. Il est raisonnable. Il n’a rien d’excessif. Il ne nous emmène pas dans une aventure. Il ne conduit pas à telle ou telle manœuvre partisane ». Pour lui, la réforme obéit à un souci de pragmatisme et à la nécessité de passer les obstacles institutionnels auxquels se heurtent les dossiers prioritaires votés par la CTC ou en chantier, à commencer par les Arrêtés Miot, la coofficialité ou le PADDUC. « C’est un outil pratique, pas idéologique ».
Un constat accablant
Pour justifier la réforme, Pierre Chaubon fait un constat accablant. « Le statut particulier ne fonctionne pas comme il le devrait. Il est inopérant et inefficace. Ses pouvoirs d’adapter les normes sont inopérants. Nous avons fait 40 demandes à l’Etat, dans le cadre de ce statut. Elles se sont systématiquement heurtées au silence et au refus. Il appartient à la responsabilité de l’Etat de le reconnaître ». Il explique que l’insularité génère des contraintes multiples qui sont « un facteur de rupture d’égalité ». Il faut, donc, adapter les normes à ces contraintes particulières. « Il s’agit de rétablir une égalité de situation et des pouvoirs qui, aujourd’hui, sont virtuels ». Pour cela, il a construit un projet en trois parties : la question constitutionnelle, « cœur du réacteur », l’organisation institutionnelle et l’amélioration de la gouvernance de tous les organes de la CTC, « passée inaperçue ».
Une meilleure efficacité
Le projet propose, donc, de mentionner la Corse dans la Constitution pour avancer sur les 3 problématiques linguistiques, foncières et fiscales. « Nous n’échapperons pas à une révision constitutionnelle favorable à la Corse. C’est une question de temps. Je vois l’avantage d’une telle avancée, je n’en vois ni les inconvénients, ni les dangers. Il faudra me les expliquer ». Il décline, ensuite, quelques principes de réforme et prévoit la mise en place d’un comité stratégique ayant pour mission de définir le contenu, les modalités et le calendrier de la réforme. Ce comité serait composé de députés, d’élus de la CTC, de représentants de l’Exécutif, des Conseils généraux et des associations des maires. Il préconise, enfin, une meilleure efficacité de la CTC par la clarification du rôle et du fonctionnement du Conseil exécutif et des différents organes.
La question des amendements
Pierre Chaubon demande aux élus de ne pas déposer d’amendements. « Quand on trouve un point d’équilibre, il faut essayer d’éviter de le rompre. Chaque mot a été pesé. Chaque mot a un sens. Changer, c’est prendre le risque de dénaturer. Seuls se réjouiraient, alors, ceux qui ne veulent rien d’autre que notre division et notre impuissance. Nous souhaitons un consensus sur un texte d’avenir ». Il demande un vote par appel nominal. Il plaide, aussi, pour un large consensus : « Un vote de division affaiblirait la Corse. Un vote d’union la renforcerait. Un vote large permettra de s’assurer l’ouverture de discussions avec le gouvernement sur ce que nous présentons. Le moment est venu de dire ce que nous sommes ! », conclut-il.
Le débat, qui s’ensuit, dure plus de 7 heures avec 17 interventions. Si les Nationalistes, les Socialistes et Corse Social Démocrate affichent, clairement, leur approbation, la droite atermoie, les Communistes mélangent les genres et la Gauche républicaine se fracture pour mieux clamer son opposition. Certains expriment, à titre personnel, des positions alambiquées, qui balancent entre refus et acceptation.
Le droit commun
Jean-Guy Talamoni, leader de Corsica Libera, commence par rappeler l’enjeu de la réforme : « un avenir sur la terre corse » et appelle les élus à faire preuve de logique et de cohérence. Puisqu’ils ont voté, à l’unanimité, le transfert de la fiscalité du patrimoine, ils ne peuvent que voter de même le moyen de la mettre en œuvre. « Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre encore 10 ans », argumente-t-il avant de proposer un amendement pour placer la Corse dans l’article 75 de la Constitution qui régit certains territoires d’outremer.
Pour Femu a Corsica, la réforme est « une base incontournable de solutions » estime Michel Castellani. « Il ne faut pas se tromper de diagnostic. Il ne sert à rien de proposer des solutions fragmentaires à une problématique globale ». Il interroge : « Pourquoi ne toucherons-nous pas aux institutions ? Sont-elles de droit divin ? N’est-ce pas le rôle des institutions de s’adapter aux évolutions ? ». Jean-Christophe Angelini pourfend ceux qui défendent le maintien dans le droit commun au nom de l’urgence sociale : « Les mesures économiques, accumulées depuis des décennies, à droit commun, ont-elles fait reculer le chômage ? Il faut aller au bout de quoi ? De l’impasse !».
Les atermoiements de la droite
Pas opposée à un changement constitutionnel « le sens de l’histoire, c’est plus de décentralisation et plus d’autonomie », déclare Ange Santini, la droite s’inquiète. « Toute disposition tendant à nous couper des cadres fondamentaux de la république et de l’Europe est, pour moi, exclue », déclare Jean-Jacques Panunzi. Il demande des garanties par le biais de 6 amendements, dont un qui prévoit : l’inscription de la Corse dans l’article 72 par la création d’un 5ème alinéa qui lui serait spécifiquement dédié. Et subordonne son vote à leur prise en compte. « Quel est le choix de l’article ? Nous avons une exigence de clarification du texte et du choix avant de nous prononcer », ajoute Camille de Rocca Serra.
Corse Social Démocrate dépose, également, un amendement allant dans ce sens et un autre demandant d’associer d’autres niveaux de collectivités locales. « Il faut privilégier une approche globale afin de porter la réflexion sur les 4 niveaux existants de territoire et étendre la représentation aux chambres consulaires. Nous demeurons favorable à une simplification de l’architecture institutionnelle pour une collectivité unique revisitée », précise Antoine Orsini.
L’ambiguïté communiste
La position communiste, par contre, est moins clairement déchiffrable, les élus s’exprimant en leur nom propre. Etienne Bastelica ne tranche pas. Michel Stefani et Josette Risterucci glisse immédiatement sur l’urgence sociale. Le 1er s’affiche réticent : « Le débat occulte, pour une large part, la réalité sociale tout en disant que la réforme va apporter des réponses. La question fondamentale est bien le changement de modèle économique en Corse. Je ne suis pas favorable au principe de dérogation permanente et à l’article 72 tel que proposé ». La 2nde lâche : « Un pouvoir supplémentaire pour aller vers le mieux, je peux l’entendre. On doit se battre pour la reconnaissance des spécificités. J’en ai marre, comme vous autres, de défendre des choses et de ne pas être entendue ». Elle se dit prête à voter « quelque chose de profitable à tous, qui ne soit pas inégalitaire et qui protège. Mon vote sera conditionné à des garanties et à une avancée pour la Corse ».
Le Non des Jacobins
A l’inverse, la Gauche républicaine ne fait pas dans la dentelle. Pascaline Castellani se lance dans un réquisitoire à charges contre le statut de résident, la coofficialité, le transfert de fiscalité et la réforme. « Nous ne ferons pas semblant de croire qu’il s’agit juste de mentionner la Corse dans la Constitution. L’égalité et la justice sociale seront ébranlées. Nous n’accepterons pas ! Nous ne nous associerons à aucun amendement. Nous voterons contre » assène Pascaline Castellani, parlant également pour ses deux consœurs. François Tatti se réserve la possibilité de modifier son appréciation en fonction des amendements. Tous deux se prendront une volée de bois vert de la part des Nationalistes, des Socialistes et de l’Exécutif.
La réponse aux détracteurs
Gilles Simeoni ouvre le feu : « Nous sommes l’exception pour quelques Jacobins bornés, mais nous sommes le droit commun pour des millions d’Européens. Comment peut-on avoir peur de la réforme quand son évidence a été reconnue par Guy Carcassonne ? Cet éminent constitutionnel serait-il prêt à engager la Corse dans l’aventure ? Où est le risque ? Comment pourrions emmener les Corses là où ils n’ont pas envie d’aller ! ». Pierre Chaubon ironise et Paul Giacobbi éreinte et pointe les paradoxes « Si inscrire la Corse dans la constitution, c’est dévoyer la République et s’en détourner, la France va perdre une part de son territoire puisque toutes les îles y sont mentionnées ».
Les élus sont, ensuite, entrés en commission pour discuter des amendements. De cette réunion, dépend le choix de vote de la droite et des Communistes. La séance reprend, normalement, vendredi à 10 heures, pour les explications de vote et le scrutin.
N. M.
Là encore, comme pour la coofficialité, l’enjeu du débat n’est pas tant le résultat du vote, puisque l’adoption du rapport est à priori acquise, mais à quelle majorité celui-ci sera obtenu. Un vote à l’unanimité aurait pu être un sésame pour ouvrir la porte de discussions, aujourd’hui verrouillée, avec Paris sur une modification de la Constitution française au profit de la Corse. Néanmoins, la majorité, qui se profile, pourrait être plus conséquente que pour la langue, la majeure partie de la droite ne s’y opposant pas totalement.
Un point d’équilibre
Cette adhésion ne s’est pas faite en un jour. Il aura fallu deux ans de travaux à la Commission des compétences législatives et règlementaires, présidée par Pierre Chaubon, 26 réunions, plusieurs séminaires et 2 séances plénières pour rédiger un rapport, ni trop anodin, ni trop ambitieux, afin d’aboutir à un consensus. Ce que Paul Giacobbi et Pierre Chaubon ont, tous deux, qualifié de « point d’équilibre » entre les sensibilités politiques. « Le rapport n’est pas l’œuvre d’un homme ou d’une majorité, mais l’œuvre collective de tous ceux qui y ont participé. C’est le point d’équilibre de toutes les opinions », prévient le président de l’Exécutif dans un préambule qui se veut tout aussi consensuel. A cet effet, des modifications de dernières minutes ont été effectuées en commission, le 1er août et le 12 septembre derniers, concernant la fiscalité des successions et la mise en œuvre du référendum.
Une évolution des esprits
Là encore, comme pour la coofficialité, ce nouveau débat sur un des fondamentaux de la lutte nationaliste témoigne d’une véritable évolution des esprits qui n’était même pas imaginable à l’installation de cette mandature. Paul Giacobbi est le premier à réciter son Confiteor. « Il a fallu une longue évolution des esprits, à commencer par le mien, car j’ai beaucoup évolué sur nombre de questions fondamentales », confesse-t-il avant de se déclarer « choqué » par la polémique déclenchée par sa prise de position « personnelle » sur le statut de résident. Il ajoute, au passage, que le débat sur le foncier est posé et qu’il sera poursuivi.
Paul-Félix Benedetti, élu d’U Rinnovu, ne perd pas l’occasion d’enfoncer le clou : « Je salue l’évolution de la position du président Giacobbi qui, en 1992, faisait partie de ceux qui ont dit : Non, et du président Bucchini qui a été, par le passé, un réactionnaire puissant ! ». Jean-Guy Talamoni, leader de Corsica Libera se borne à constater : « Nous avons le sentiment d’avoir été partiellement entendu ».
Désamorcer les critiques
Mais tous les réfractaires à l’évolution institutionnelle n’ont pas cheminé de la même façon. Aux voix qui, ces derniers temps, se multiplient pour dénoncer une réforme « inutile et dangereuse » et opposent, à l’envie, l’urgence sociale à la révision constitutionnelle, le président de l’Exécutif coupe l’herbe sous le pied. « A l’instar de tous les territoires insulaires que compte la France, qui bénéficient d’un cadre constitutionnel spécifique, nous proposons un cadre constitutionnel qui correspond à nos réalités, à nos besoins, à nos convictions et à celles des Corses dès lors qu’ils se seront exprimés. J’approuve entièrement ce rapport. Il est raisonnable. Il n’a rien d’excessif. Il ne nous emmène pas dans une aventure. Il ne conduit pas à telle ou telle manœuvre partisane ». Pour lui, la réforme obéit à un souci de pragmatisme et à la nécessité de passer les obstacles institutionnels auxquels se heurtent les dossiers prioritaires votés par la CTC ou en chantier, à commencer par les Arrêtés Miot, la coofficialité ou le PADDUC. « C’est un outil pratique, pas idéologique ».
Un constat accablant
Pour justifier la réforme, Pierre Chaubon fait un constat accablant. « Le statut particulier ne fonctionne pas comme il le devrait. Il est inopérant et inefficace. Ses pouvoirs d’adapter les normes sont inopérants. Nous avons fait 40 demandes à l’Etat, dans le cadre de ce statut. Elles se sont systématiquement heurtées au silence et au refus. Il appartient à la responsabilité de l’Etat de le reconnaître ». Il explique que l’insularité génère des contraintes multiples qui sont « un facteur de rupture d’égalité ». Il faut, donc, adapter les normes à ces contraintes particulières. « Il s’agit de rétablir une égalité de situation et des pouvoirs qui, aujourd’hui, sont virtuels ». Pour cela, il a construit un projet en trois parties : la question constitutionnelle, « cœur du réacteur », l’organisation institutionnelle et l’amélioration de la gouvernance de tous les organes de la CTC, « passée inaperçue ».
Une meilleure efficacité
Le projet propose, donc, de mentionner la Corse dans la Constitution pour avancer sur les 3 problématiques linguistiques, foncières et fiscales. « Nous n’échapperons pas à une révision constitutionnelle favorable à la Corse. C’est une question de temps. Je vois l’avantage d’une telle avancée, je n’en vois ni les inconvénients, ni les dangers. Il faudra me les expliquer ». Il décline, ensuite, quelques principes de réforme et prévoit la mise en place d’un comité stratégique ayant pour mission de définir le contenu, les modalités et le calendrier de la réforme. Ce comité serait composé de députés, d’élus de la CTC, de représentants de l’Exécutif, des Conseils généraux et des associations des maires. Il préconise, enfin, une meilleure efficacité de la CTC par la clarification du rôle et du fonctionnement du Conseil exécutif et des différents organes.
La question des amendements
Pierre Chaubon demande aux élus de ne pas déposer d’amendements. « Quand on trouve un point d’équilibre, il faut essayer d’éviter de le rompre. Chaque mot a été pesé. Chaque mot a un sens. Changer, c’est prendre le risque de dénaturer. Seuls se réjouiraient, alors, ceux qui ne veulent rien d’autre que notre division et notre impuissance. Nous souhaitons un consensus sur un texte d’avenir ». Il demande un vote par appel nominal. Il plaide, aussi, pour un large consensus : « Un vote de division affaiblirait la Corse. Un vote d’union la renforcerait. Un vote large permettra de s’assurer l’ouverture de discussions avec le gouvernement sur ce que nous présentons. Le moment est venu de dire ce que nous sommes ! », conclut-il.
Le débat, qui s’ensuit, dure plus de 7 heures avec 17 interventions. Si les Nationalistes, les Socialistes et Corse Social Démocrate affichent, clairement, leur approbation, la droite atermoie, les Communistes mélangent les genres et la Gauche républicaine se fracture pour mieux clamer son opposition. Certains expriment, à titre personnel, des positions alambiquées, qui balancent entre refus et acceptation.
Le droit commun
Jean-Guy Talamoni, leader de Corsica Libera, commence par rappeler l’enjeu de la réforme : « un avenir sur la terre corse » et appelle les élus à faire preuve de logique et de cohérence. Puisqu’ils ont voté, à l’unanimité, le transfert de la fiscalité du patrimoine, ils ne peuvent que voter de même le moyen de la mettre en œuvre. « Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre encore 10 ans », argumente-t-il avant de proposer un amendement pour placer la Corse dans l’article 75 de la Constitution qui régit certains territoires d’outremer.
Pour Femu a Corsica, la réforme est « une base incontournable de solutions » estime Michel Castellani. « Il ne faut pas se tromper de diagnostic. Il ne sert à rien de proposer des solutions fragmentaires à une problématique globale ». Il interroge : « Pourquoi ne toucherons-nous pas aux institutions ? Sont-elles de droit divin ? N’est-ce pas le rôle des institutions de s’adapter aux évolutions ? ». Jean-Christophe Angelini pourfend ceux qui défendent le maintien dans le droit commun au nom de l’urgence sociale : « Les mesures économiques, accumulées depuis des décennies, à droit commun, ont-elles fait reculer le chômage ? Il faut aller au bout de quoi ? De l’impasse !».
Les atermoiements de la droite
Pas opposée à un changement constitutionnel « le sens de l’histoire, c’est plus de décentralisation et plus d’autonomie », déclare Ange Santini, la droite s’inquiète. « Toute disposition tendant à nous couper des cadres fondamentaux de la république et de l’Europe est, pour moi, exclue », déclare Jean-Jacques Panunzi. Il demande des garanties par le biais de 6 amendements, dont un qui prévoit : l’inscription de la Corse dans l’article 72 par la création d’un 5ème alinéa qui lui serait spécifiquement dédié. Et subordonne son vote à leur prise en compte. « Quel est le choix de l’article ? Nous avons une exigence de clarification du texte et du choix avant de nous prononcer », ajoute Camille de Rocca Serra.
Corse Social Démocrate dépose, également, un amendement allant dans ce sens et un autre demandant d’associer d’autres niveaux de collectivités locales. « Il faut privilégier une approche globale afin de porter la réflexion sur les 4 niveaux existants de territoire et étendre la représentation aux chambres consulaires. Nous demeurons favorable à une simplification de l’architecture institutionnelle pour une collectivité unique revisitée », précise Antoine Orsini.
L’ambiguïté communiste
La position communiste, par contre, est moins clairement déchiffrable, les élus s’exprimant en leur nom propre. Etienne Bastelica ne tranche pas. Michel Stefani et Josette Risterucci glisse immédiatement sur l’urgence sociale. Le 1er s’affiche réticent : « Le débat occulte, pour une large part, la réalité sociale tout en disant que la réforme va apporter des réponses. La question fondamentale est bien le changement de modèle économique en Corse. Je ne suis pas favorable au principe de dérogation permanente et à l’article 72 tel que proposé ». La 2nde lâche : « Un pouvoir supplémentaire pour aller vers le mieux, je peux l’entendre. On doit se battre pour la reconnaissance des spécificités. J’en ai marre, comme vous autres, de défendre des choses et de ne pas être entendue ». Elle se dit prête à voter « quelque chose de profitable à tous, qui ne soit pas inégalitaire et qui protège. Mon vote sera conditionné à des garanties et à une avancée pour la Corse ».
Le Non des Jacobins
A l’inverse, la Gauche républicaine ne fait pas dans la dentelle. Pascaline Castellani se lance dans un réquisitoire à charges contre le statut de résident, la coofficialité, le transfert de fiscalité et la réforme. « Nous ne ferons pas semblant de croire qu’il s’agit juste de mentionner la Corse dans la Constitution. L’égalité et la justice sociale seront ébranlées. Nous n’accepterons pas ! Nous ne nous associerons à aucun amendement. Nous voterons contre » assène Pascaline Castellani, parlant également pour ses deux consœurs. François Tatti se réserve la possibilité de modifier son appréciation en fonction des amendements. Tous deux se prendront une volée de bois vert de la part des Nationalistes, des Socialistes et de l’Exécutif.
La réponse aux détracteurs
Gilles Simeoni ouvre le feu : « Nous sommes l’exception pour quelques Jacobins bornés, mais nous sommes le droit commun pour des millions d’Européens. Comment peut-on avoir peur de la réforme quand son évidence a été reconnue par Guy Carcassonne ? Cet éminent constitutionnel serait-il prêt à engager la Corse dans l’aventure ? Où est le risque ? Comment pourrions emmener les Corses là où ils n’ont pas envie d’aller ! ». Pierre Chaubon ironise et Paul Giacobbi éreinte et pointe les paradoxes « Si inscrire la Corse dans la constitution, c’est dévoyer la République et s’en détourner, la France va perdre une part de son territoire puisque toutes les îles y sont mentionnées ».
Les élus sont, ensuite, entrés en commission pour discuter des amendements. De cette réunion, dépend le choix de vote de la droite et des Communistes. La séance reprend, normalement, vendredi à 10 heures, pour les explications de vote et le scrutin.
N. M.