Le prix des carburants en Corse, parmi les plus élevés de métropole, reste une source de préoccupation majeure pour les ménages insulaires. Depuis 2018, le collectif "Agissons contre la cherté des carburants en Corse" milite pour une intervention des pouvoirs publics. Leur principale revendication : l’instauration d’une régulation des prix, à l’image de ce qui se fait dans les territoires d’Outre-mer.
Ce vendredi 3 janvier, le collectif a été reçu par Jérôme Filippini, préfet de Corse, au palais Lantivy, à Ajaccio. Une rencontre d’une heure qui a permis d’aborder plusieurs points essentiels. "On a trouvé le préfet très à l’écoute", a déclaré Frédéric Poletti, décrivant un échange "constructif".
La régulation des prix, un mécanisme déjà éprouvé
Au cœur des échanges, la régulation des prix des carburants, une mesure déjà en place dans plusieurs départements d’Outre-mer. Jérôme Filippini n’est pas étranger à ce type de dispositif : lorsqu’il était préfet à La Réunion, il avait supervisé l’application de cette régulation dans un contexte similaire de monopole sur le stockage et la distribution des carburants. "Tout comme en Corse, le groupe Rubis est en situation de monopole à La Réunion, notamment sur le stockage, et la régulation permet d’avoir des prix moins élevés", a rappelé Frédéric Poletti.
Si l’Autorité de la concurrence enquête actuellement sur les pratiques des acteurs du secteur pétrolier en Corse, le collectif refuse d’attendre les conclusions pour agir. "Nous avons expliqué que la régulation peut être mise en œuvre même si aucune condamnation ne venait à être prononcée. La régulation n’est pas une punition en soi, mais une réponse nécessaire lorsque la libre concurrence ne peut s’exercer correctement. Nous avons donc encouragé l’État à se pencher sérieusement sur cette possibilité sans attendre des conditions préalables", a insisté le porte-parole.
La problématique des biocarburants
Outre la question des prix, un autre dossier a été mis sur la table : celui des biocarburants, notamment le Superéthanol E85 et le SP95-E10, deux carburants moins coûteux disponibles sur le continent, mais absents du marché insulaire. "En Corse, nous n’avons pas accès à ces carburants à base d’éthanol. Jusqu’ici, les explications fournies ne nous permettent pas de comprendre pourquoi l’île en est privée, alors qu’ils représentent une alternative économique viable", a déploré Frédéric Poletti.
Le collectif a également évoqué les travaux entamés en 2019 par l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, sur ce sujet. "Le ministre avait sollicité une étude du Conseil général de l’environnement et de l’économie sur la faisabilité de la généralisation de ces carburants en Corse. À notre connaissance, cette étude a été réalisée, mais nous n’avons jamais eu de suite concrète. Nous demandons aujourd’hui une continuité des travaux de l’État et des décisions claires pour que la Corse ne reste pas à l’écart de cette évolution."
Une lueur d’espoir, mais pas encore de solution
Malgré la satisfaction d’avoir été entendus, les membres du collectif gardent les pieds sur terre. "Peut-on parler de victoire ? Non. Mais nous avons trouvé un préfet à l’écoute, conscient des problématiques locales et sensible à la réalité économique du territoire dans lequel il exerce", a résumé Frédéric Poletti.
Si cette rencontre ouvre la voie à un dialogue plus poussé avec les services de l’État, les représentants du collectif savent que rien n’est encore joué. "Nous entamons 2025, et nous ne lâcherons pas. Nous sommes sur ce dossier depuis 2018, et il ne peut plus rester dans l’état actuel. Des décisions doivent être prises rapidement, car les Corses ne peuvent plus continuer à subir des prix aussi élevés", a conclu Frédéric Poletti.