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Les vignerons corses inquiets face à la prolifération de cicadelles africaines


le Dimanche 13 Octobre 2024 à 10:03

Ce petit insecte de quelques millimètres qui pique les feuilles pour y ponctionner la sève cause aujourd'hui d'importants dégâts dans les vignes. Cette année, toutes les appellations de l'île semblent touchées par ce fléau arrivé récemment sur l'île et face auquel aaucun traitement efficace n'est encore disponible aujourd'hui.



La citadelle cause d'importants dommages aux vignes en "grillant" leurs feuilles (Photo : Chambre d'agriculture de Haute-Corse)
La citadelle cause d'importants dommages aux vignes en "grillant" leurs feuilles (Photo : Chambre d'agriculture de Haute-Corse)
Des feuilles roussies, presque comme si elles avaient été brûlées par un incendie. C’est le spectacle de désolation qu’ont constaté de très nombreux viticulteurs corses dans leurs vignes à la fin de l’été. La faute à un petit insecte mesurant seulement quelques millimètres : Jacobiasca lybica, plus communément appelé cicadelle africaine. Un véritable fléau dont les spécimens adultes tout autant que les larves piquent les feuilles afin d’y ponctionner la sève pour se nourrir. « Une fois piquée, la feuille va mourir et ne va donc plus remplir sa fonction de photosynthèse et alimenter la plante. Donc le raisin n’arrive pas à maturité, et il n’y a plus de mise en réserve de la vigne. Cela hypothèque aussi les jeunes plantations puisque le bois n’aoute pas correctement », s’alarme François Franceschi, le président du Conseil Interprofessionnel des Vins de Corse (CIVCorse).
 
Si la cicadelle verte ou cicadelle des grillures – Empoasca vitis - est présente en Corse depuis de nombreuses années, la présence de Jacobiasca lybica est pour sa part récente, bien que très difficile à dater précisément. « Les deux espèces ont la même couleur verte, marchent toutes deux en crabe sur les feuilles, au point qu’il est impossible de les différencier à l’œil nu », explique Anne-Gaëlle Dubreuil-Lachaud, conseillère viticole à la chambre d’agriculture de Haute-Corse. « Comme on ne peut différencier ces deux espèces que sous un microscope, on ne peut pas vraiment déterminer quand la cicadelle est arrivée en Corse. Elle a été identifiée pour la première fois en 2022, à l’occasion de prélèvements que le Centre de Recherches Viticoles Corse (CRVI) avait envoyé à des laboratoires sur le continent », reprend-elle. 

Un développement exponentiel et un fléau qui touche désormais l’ensemble de l’île


Jusque-là déjà présente en Sardaigne, en Espagne ou en Italie, la cicadelle africaine, très friande de chaleur, connait un développement exponentiel ces dernières années du fait du réchauffement climatique qui lui permet de coloniser de nouveaux territoires. Elle a d’ailleurs récemment été observée dans les Pyrénées Orientales. Alors qu’en Corse l’invasion a pris une autre ampleur depuis l’été 2023. « L’année dernière, il y a eu une très forte attaque de cicadelles notamment sur la côte orientale, principalement sur Ghisonaccia, Aleria et Alistro. On a aussi constaté quelques foyers dans le Sartenais, sur Patrimonio et la Balagne. Nous avions alors alerté les autorités car nous avons constaté que le fléau était en train de s’étendre avec des dégâts très importants sur le feuillage qui causaient un problème de maturité des raisins », retrace François Franceschi. « Force est de constater que cette année la cicadelle africaine s’est étendue à l’ensemble de la Corse : Sartenais, Pays d’Ajaccio, Balagne, Patrimonio, Côte orientale, toutes les appellations de l’île sont touchées. Je suis moi-même sur Vescovato et cette année mon vignoble est atteint par les cicadelles alors que je n’en avais jamais eu ! », déplore-t-il en constatant que certains cépages, comme le Sciaccarellu, semblent plus sensibles à l’attaque de cet insecte.
 
« En 2019, nous avions déjà enregistré de gros dégâts que nous avions alors attribué à la cicadelle verte qui cause aussi des grillures des feuilles, mais qui pique en avril-mai. Cette année on a pu voir que la cicadelle africaine prend le dessus car les symptômes sont un peu différents et surtout on a eu des dégâts beaucoup plus tardifs », précise pour sa part la conseillère viticole qui note que la lutte contre la prolifération de cicadelles africaines est en outre rendue très difficile à gérer du fait de populations beaucoup plus importantes que chez la cicadelle verte. « Comme on trouve beaucoup d’individus par feuille, les traitement très peu efficaces », regrette-t-elle, « Et puis on a aussi l’impression que la cicadelle africaine fait plus de dégâts sur les jeunes feuilles des vignes ».
 
« On se demande si l’année suivante on aura encore des vignes »
 
Face à ces ravageurs qui gagnent du terrain d’année en année, les viticulteurs corses sont aujourd’hui démunis. « Tout le monde est très inquiet car pour le moment nous n’arrivons pas à trouver de solution à mettre en place. Nous avons créé un groupe de travail avec des personnes qui travaillent à l’institut français de la vigne et du vin et dans d’autres chambres d’agriculture, mais eux non plus n’ont pas de solution », se désole Anne-Gaëlle Dubreuil-Lachaud. « Quand on voit les dégâts que cette cicadelle africaine fait sur les feuillages et les jeunes vignes, on se demande si l’année suivante on aura encore des vignes », renchérit le président du CIVCorse. « Mais comme elle est en train de s’étendre sur le continent, on espère que les autorités compétentes prendront vraiment la mesure du danger qu’est la cicadelle africaine pour les vignobles. Nos collègues italiens, espagnols, portugais ou grecs eux ont des produits pour traiter, sauf qu’ils sont interdits en France », glisse-t-il encore.
 
Selon site de l’INRAE, cette cicadelle est aujourd’hui « le problème phytosanitaire le plus sérieux du vignoble de la péninsule ibérique et conduit à des dommages économiques importants dans ces régions à températures estivales élevées ».