Ce mercredi 15 janvier, Marie-Ange Luciani, productrice du film de Justine Triet, s’est rendue au lycée Laetitia Bonaparte, où elle avait étudié de la seconde à la terminale, pour rencontrer et échanger avec des élèves. Un retour aux sources pour cette ancienne élève, qui a pris la parole avec un fort sentiment d’attachement à cet établissement. « Je suis très touchée d’être ici. J’ai souvent pensé à tout ce que ce lycée m’a apporté », a-t-elle confié. « C’est par l’école que j’ai eu accès au cinéma, au théâtre, à la littérature. Revenir ici, c’est aussi revenir là d’où je viens et là où tout a commencé. » Elle a répété ces mots, visiblement émue.
Avant de devenir une productrice reconnue, Marie-Ange Luciani a grandi entre Bocognano et Ajaccio, auprès de ses parents, dans une enfance qu’elle décrit comme « très heureuse ». À dix-huit ans, elle quitte la Corse pour Aix-en-Provence, où elle poursuit des études de littérature. « J’avais très envie de partir, de voir autre chose. Je me destinais plutôt à devenir professeur. Mais j’avais aussi une passion très prononcée pour le cinéma. » Elle évoque la Corse des années quatre-vingt-dix, où l’accès au cinéma était limité, se souvient de l’Empire et des films programmés pendant des semaines, qu’elle allait voir plusieurs fois.
Le cinéma, elle ne l'apprend pas sur les bancs de l’école. Pour sa thèse de littérature, elle frappe à la porte du distributeur Ad Vitam. À l’aube des années 2000, elle devient assistante de production. Son métier, elle le définit avant tout par les « rencontres », comme celle avec Hugues Charbonneau, qui l’amène à travailler pour la société de production Les Films de Pierre. Cette société produira le César du Meilleur Film 2018, 120 battements par minute, avant qu’elle ne la rachète en 2018 pour devenir productrice. « C’est un métier d’accompagnement. On accompagne une œuvre depuis le scénario jusqu’à sa sortie, en touchant à tous les métiers qui gravitent autour. C’est un duo avec le réalisateur. On forme un vrai couple. »
Les élèves, bien préparés, connaissent la suite : ils ont vu Anatomie d’une chute et ont suivi son succès. Après la présentation de son parcours et de sa profession, c’est leur tour de poser des questions. Après un instant de silence, un élève lance : « Comment choisissez-vous les films avec lesquels vous travaillez ? » Marie-Ange Luciani répond simplement qu’elle ne choisit pas le film, mais « l’humain qui se cache derrière ». Sa démarche, elle la décrit comme artisanale, privilégiant la qualité des collaborations plutôt que la quantité.
Les langues se délient. Les élèves, autant curieux du métier que du film, enchaînent les questions. Marie-Ange Luciani parle avec passion de la création de Anatomie d’une chute, de sa relation avec Justine Triet, et des thèmes qu’il aborde — le couple, la dépression, et plus implicitement, l’homosexualité. Elle revient également sur l’incident du discours polémique de Triet à Cannes. « Ce n’étaient que les paroles d’une citoyenne qui s’exprimait librement. Ni plus, ni moins, » précise-t-elle.
La dernière question du jour : « L’a-t-elle tué ? » Elle hésite, puis répond : « Seule Justine sait. » La magie du cinéma, peut-être, réside dans cette incertitude.