Nanette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse, , représentante de la Corse au Comité européen des régions et professeur d’économie à l’Université de Corse.
- Comment avez-vous vécu cette reprise en main par le Ministre de l’Intérieur après des mois de négociation ?
- Je ne connais pas les raisons profondes qui ont conduit le ministre à faire ces déclarations mais son intervention de vendredi dernier a fait l’effet – passez-moi l’expression ! - de l’entrée d’un chiot dans un jeu de quilles, au moment où nous ne sommes pas loin de conclure un accord entre groupes de l’Assemblée et Exécutif. Et ce faisant, de progresser collectivement vers une solution politique au conflit qui perdure depuis 60 ans. J’ai trouvé que, dans le fonds comme dans la forme, l’intervention du ministre était irrespectueuse de nos institutions, irrespectueuse des élus de la Corse et du Président de l’Exécutif en particulier et surtout non conforme à la parole du Président de la République de septembre 2023. Parole confirmée dans le discours de politique générale du Premier ministre, le 31 janvier dernier, qui pose comme objectif d’inscrire la Corse dans la Constitution et de trouver pour ce faire, d’abord un accord politique en Corse, puis à Paris. Cinq jours après, je m’interroge toujours sur les objectifs réels de cette interview qui ébranle le processus en cours.
- Le ministre vous reproche de ne pas avoir suffisamment travaillé. Aucune proposition consensuelle concernant la réforme constitutionnelle et l’autonomie n’est encore sortie de l’Assemblée de Corse. Pourquoi ce retard ?
- En effet, le ministre semble nous faire la leçon. Non seulement la forme est infantilisante, mais surtout ses reproches sont infondés ! Et les Corses doivent le savoir. Je rappelle qu’après les évènements qui ont suivi l’assassinat d’Yvan Colonna, il y a bientôt deux ans, un processus de négociation s’est ouvert avec l’Etat. Et un premier cycle de réunions s’est engagé entre les élus de la Corse et le ministre de l’Intérieur lors duquel nous avons coconstruit une méthode de travail. Cela s’est globalement bien déroulé, nonobstant les vicissitudes de la vie politique française, le retard n’est pas imputable aux élus de la Corse. Le 5 juillet 2023, l’Assemblée de Corse a voté à plus de 70% des suffrages une délibération demandant l’autonomie de la Corse. Cette délibération est fondée sur une triple légitimité : démocratique, historique, mais aussi factuelle. Toutes les îles de Méditerranée sont autonomes, sauf la Crête. Le président de la République est venu en septembre 2023 à l’Assemblée de Corse annoncer sa volonté d’inscrire la Corse dans la Constitution, à condition que les élus de la Corse fassent consensus. Et un délai de 6 mois a été fixé pour tenir le calendrier de révision constitutionnelle. Saisissant cette opportunité, la majorité territoriale a donc, en responsabilité, ouvert un espace de travail pour établir les bases d’un accord entre les principales formations politiques de l’Assemblée de Corse. Depuis l’automne, dix réunions de la Conférence des présidents associant tous les présidents de groupe, le Président de l’Exécutif et moi-même, se sont tenues pour débattre de six thématiques principales : la langue, le foncier, les grands investissements, le pouvoir législatif, l’organisation territoriale et la fiscalité.
- Donc, vous affirmez que le travail a été fait ?
- Oui ! Un travail régulier et des résultats tangibles permettent de dire aujourd’hui qu’une large convergence s’est établie sur le besoin de reconnaître une communauté linguistique, historique et culturelle singulière, d’obtenir un statut et un service public de la langue, d’ouvrir l’opportunité et les prérequis d’un plan d’investissement exceptionnel pour les 20 prochaines années, de reconnaitre le lien spécifique des insulaires à leur terre, la nécessité d’une régulation des marchés foncier et immobilier et d’un statut pour les résidents. Il y a de même une large convergence sur le besoin de transférer par une loi organique un pouvoir législatif sur certaines compétences où il y a urgence - foncier, immobilier, fiscalité… - et d’acter une dévolution progressive de compétences législatives dans d’autres domaines, concomitamment au maintien du pouvoir d’adaptation dans d’autres. Enfin la nécessité d’avoir une organisation territoriale prenant en compte les besoins et les droits des collectivités infra-territoriales par un principe de subsidiarité interne. Donc, je ne peux pas laisser dire que le travail n’a pas été fait ! Non seulement il a été fait, mais il sera finalisé, pour cette deuxième étape du processus, à la fin du mois de février avec une proposition de texte inscrivant la Corse dans la Constitution.
- Il y a une large convergence, mais pas d’accord sur tous les points comme le martèle une partie de la droite. Comment cela peut-il aboutir dans ces conditions ?
- D’abord, nous avons toujours la délibération de juillet 2023. Elle est légitime pour trois raisons. Elle a été initiée sur une proposition du Président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, et de la majorité territoriale qui ont toute légitimité démocratique pour le faire. Elle a été travaillée de concert avec les autres nationalistes sur la base d’une comparaison avec les autres statuts d’autonomie en Europe, puis votée à plus de 70% des suffrages de l’hémicycle. Ensuite, dans la recherche d’un bon consensus avec l’opposition de droite, nous avons, à ce stade, un accord sur le fait qu’il faut changer les choses et doter la Corse d’institutions nouvelles permettant aux Corses de vivre chez eux en tant que communauté historique, linguistique et culturelle. Et évidemment, un accord sur 80% des thématiques que j’ai évoquées tout à l’heure.
- Cela ne semble pas suffire pour convaincre le gouvernement puisque le président Macron a demandé, lors de sa venue en Corse, que vous vous entendiez avec la droite ?
- Le Président de la République n’a jamais demandé qu’il y ait unanimité ! Et soyons honnête : il ne peut pas y avoir d’accord à 100% sur tout ! Il n’y en aura jamais ! Ce n’est pas cela la démocratie ! Il y a, et il y aura, des sujets sur lesquels nous ne sommes pas d’accord, notamment sur le mode de scrutin territorial. Mais que je sache, il ne s’agit pas d’un accord électoral ou électoraliste ! Sinon nous sommes tous en train de tromper les Corses ! Il s’agit d’un accord politique à la hauteur des enjeux historiques qui sont les nôtres et, quand je dis les nôtres, ceux de tous les Corses, nationalistes, non nationalistes, élus ou pas. Pouvoir vivre sur notre terre, pouvoir louer ou acheter un bien, parler sa langue dans les services publics, défendre notre environnement naturel, garantir nos transports extérieurs, nous prémunir des prédations en tous genres… Et surtout prémunir nos enfants d’un retour de la violence, des années de prison et d’une disparition pure et simple de notre culture. L’enjeu n’est pas de savoir si Pierre, Paul ou Jacques sera élu ou réélu dans 2 ans ou dans 4. L’enjeu est d’avoir en responsabilité un accord sur l’essentiel, sur les fondamentaux pour enclencher le processus d’inscription de la Corse dans la Loi fondamentale. Et, nous sommes très près d’atteindre l’objectif fixé à l’automne.
- Le ministre, pourtant, s’impatiente, consulte des élus corses. Cette accélération souhaitée et ces rendez-vous parallèles n’hypothèquent-il pas le processus lui-même ?
- Le ministre fait bien sûr ce qu’il veut. Mais nous, dans les temps impartis, nous suivons notre fil et la méthode calée et coconstruite depuis des mois. D’ailleurs, c’est peut-être cela qui dérange ! Nous travaillons sérieusement et démocratiquement. Nous débattons et essayons de trouver des points d’équilibre. Nous partageons des comptes-rendus validés par la Conférence des Présidents alors qu’à ce jour, nous n’avons aucun compte-rendu des réunions tenues à Beauvau. Certains semblent préférer les rendez-vous en bilatéral et les spéculations sur les prochains scrutins ! La Corse a trop souffert de cela par le passé, et les Corses en 2015, en 2018 et en 2021 ont bien dit à travers leurs votes qu’ils ne voulaient plus de cette façon de faire. Le ministre et ceux avec lesquels ses émissaires discutent en Corse devraient s’en rappeler. Je reste persuadée que notre méthode foncièrement démocratique est la bonne et qu’elle peut permettre de changer la donne. Oui, elle prend du temps, mais elle creuse en profondeur les fondations solides de ce qu’est un véritable projet autonomique. S’il n’y a pas d’entente entre nous, ça ne peut pas marcher. L’intesa, l’entente, est le carburant de l’autonomie. Et nous y travaillons. Il y a un fait démocratique majoritaire qui ne nous exonère pas d’entendre ce qu’ont à proposer les formations minoritaires.
- Le ministre remet une couche sur la mafia en Corse et la menace potentielle qu’elle ferait peser sur la gestion d’une Corse autonome. Qu’en pensez-vous ?
- Je continue à considérer, à la suite des auditions d’experts et scientifiques que nous avons menées à l’assemblée de Corse, qu’il y a en Corse des dérives mafieuses. Nous avions invité les services de l’Etat à venir s’exprimer sur le phénomène mafieux. Ils n’ont jamais répondu aux sollicitations des élus et des associations. Dans son interview, le ministre Darmanin, et à la suite du procureur Bessone la semaine dernière, affirme qu’il y a des mafias en Corse juste au moment où nous approchons d’un accord politique sur la question de l’autonomie. Je m’interroge là aussi … Pendant des mois, le mutisme de l’Etat a été éloquent. Pas une intervention au cours des 34 réunions réalisées à l’Assemblée de Corse avec les associations anti-mafia ! Et là, d’un coup, on agite le chiffon rouge des mafias comme on a agité, il y a quelques mois, l’image du frigo vide si nous devenions autonomes. Il faut arrêter de prendre les Corses pour des idiots ! Dans les territoires autonomes, il n’y a ni plus, ni moins de dérives mafieuses qu’ailleurs. Mais pour le coup, cela relève des compétences régaliennes. A l’Etat de faire son travail en la matière !
- Après le pavé dans la mare du ministre et son invitation lancée pour le 26 février, que va-t-il se passer ?
- Maintenant, on revient à l’Assemblée de Corse qui a toujours été la matrice des réformes institutionnelles de la Corse, que ce soit en 1982, en 1992, en 2002 ou en 2018. Nous allons, cette semaine, boucler nos travaux et faire avant la session de la fin du mois une proposition de texte pour l’inscription de la Corse dans la Constitution. La Commission permanente organisationnelle de l’Assemblée a, d’ores et déjà, prévu un débat jeudi 29 février sur le sujet. Nous allons décider en Conférence des Présidents quelle forme prendra le document qui sera produit. Ce sera la proposition du Conseil exécutif et de l’Assemblée de Corse. Elle remontera au gouvernement, conformément aux délais fixés par le Président de la République lors de sa visite dans l’île. Ensuite, chacun prendra ses responsabilités… et son bâton de pèlerin pour convaincre au Sénat et à l’Assemblée nationale du bien-fondé de ce projet pour l’avenir de la Corse.
- Paul-Félix Benedetti accepte de discuter, pas de diner place Beauvau. Comptez-vous avec le président de l’Exécutif vous rendre à ce diner ?
- A cette heure, je ne suis pas invitée ! Et je ne sais pas encore ce que collectivement, nous déciderons.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Je ne connais pas les raisons profondes qui ont conduit le ministre à faire ces déclarations mais son intervention de vendredi dernier a fait l’effet – passez-moi l’expression ! - de l’entrée d’un chiot dans un jeu de quilles, au moment où nous ne sommes pas loin de conclure un accord entre groupes de l’Assemblée et Exécutif. Et ce faisant, de progresser collectivement vers une solution politique au conflit qui perdure depuis 60 ans. J’ai trouvé que, dans le fonds comme dans la forme, l’intervention du ministre était irrespectueuse de nos institutions, irrespectueuse des élus de la Corse et du Président de l’Exécutif en particulier et surtout non conforme à la parole du Président de la République de septembre 2023. Parole confirmée dans le discours de politique générale du Premier ministre, le 31 janvier dernier, qui pose comme objectif d’inscrire la Corse dans la Constitution et de trouver pour ce faire, d’abord un accord politique en Corse, puis à Paris. Cinq jours après, je m’interroge toujours sur les objectifs réels de cette interview qui ébranle le processus en cours.
- Le ministre vous reproche de ne pas avoir suffisamment travaillé. Aucune proposition consensuelle concernant la réforme constitutionnelle et l’autonomie n’est encore sortie de l’Assemblée de Corse. Pourquoi ce retard ?
- En effet, le ministre semble nous faire la leçon. Non seulement la forme est infantilisante, mais surtout ses reproches sont infondés ! Et les Corses doivent le savoir. Je rappelle qu’après les évènements qui ont suivi l’assassinat d’Yvan Colonna, il y a bientôt deux ans, un processus de négociation s’est ouvert avec l’Etat. Et un premier cycle de réunions s’est engagé entre les élus de la Corse et le ministre de l’Intérieur lors duquel nous avons coconstruit une méthode de travail. Cela s’est globalement bien déroulé, nonobstant les vicissitudes de la vie politique française, le retard n’est pas imputable aux élus de la Corse. Le 5 juillet 2023, l’Assemblée de Corse a voté à plus de 70% des suffrages une délibération demandant l’autonomie de la Corse. Cette délibération est fondée sur une triple légitimité : démocratique, historique, mais aussi factuelle. Toutes les îles de Méditerranée sont autonomes, sauf la Crête. Le président de la République est venu en septembre 2023 à l’Assemblée de Corse annoncer sa volonté d’inscrire la Corse dans la Constitution, à condition que les élus de la Corse fassent consensus. Et un délai de 6 mois a été fixé pour tenir le calendrier de révision constitutionnelle. Saisissant cette opportunité, la majorité territoriale a donc, en responsabilité, ouvert un espace de travail pour établir les bases d’un accord entre les principales formations politiques de l’Assemblée de Corse. Depuis l’automne, dix réunions de la Conférence des présidents associant tous les présidents de groupe, le Président de l’Exécutif et moi-même, se sont tenues pour débattre de six thématiques principales : la langue, le foncier, les grands investissements, le pouvoir législatif, l’organisation territoriale et la fiscalité.
- Donc, vous affirmez que le travail a été fait ?
- Oui ! Un travail régulier et des résultats tangibles permettent de dire aujourd’hui qu’une large convergence s’est établie sur le besoin de reconnaître une communauté linguistique, historique et culturelle singulière, d’obtenir un statut et un service public de la langue, d’ouvrir l’opportunité et les prérequis d’un plan d’investissement exceptionnel pour les 20 prochaines années, de reconnaitre le lien spécifique des insulaires à leur terre, la nécessité d’une régulation des marchés foncier et immobilier et d’un statut pour les résidents. Il y a de même une large convergence sur le besoin de transférer par une loi organique un pouvoir législatif sur certaines compétences où il y a urgence - foncier, immobilier, fiscalité… - et d’acter une dévolution progressive de compétences législatives dans d’autres domaines, concomitamment au maintien du pouvoir d’adaptation dans d’autres. Enfin la nécessité d’avoir une organisation territoriale prenant en compte les besoins et les droits des collectivités infra-territoriales par un principe de subsidiarité interne. Donc, je ne peux pas laisser dire que le travail n’a pas été fait ! Non seulement il a été fait, mais il sera finalisé, pour cette deuxième étape du processus, à la fin du mois de février avec une proposition de texte inscrivant la Corse dans la Constitution.
- Il y a une large convergence, mais pas d’accord sur tous les points comme le martèle une partie de la droite. Comment cela peut-il aboutir dans ces conditions ?
- D’abord, nous avons toujours la délibération de juillet 2023. Elle est légitime pour trois raisons. Elle a été initiée sur une proposition du Président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, et de la majorité territoriale qui ont toute légitimité démocratique pour le faire. Elle a été travaillée de concert avec les autres nationalistes sur la base d’une comparaison avec les autres statuts d’autonomie en Europe, puis votée à plus de 70% des suffrages de l’hémicycle. Ensuite, dans la recherche d’un bon consensus avec l’opposition de droite, nous avons, à ce stade, un accord sur le fait qu’il faut changer les choses et doter la Corse d’institutions nouvelles permettant aux Corses de vivre chez eux en tant que communauté historique, linguistique et culturelle. Et évidemment, un accord sur 80% des thématiques que j’ai évoquées tout à l’heure.
- Cela ne semble pas suffire pour convaincre le gouvernement puisque le président Macron a demandé, lors de sa venue en Corse, que vous vous entendiez avec la droite ?
- Le Président de la République n’a jamais demandé qu’il y ait unanimité ! Et soyons honnête : il ne peut pas y avoir d’accord à 100% sur tout ! Il n’y en aura jamais ! Ce n’est pas cela la démocratie ! Il y a, et il y aura, des sujets sur lesquels nous ne sommes pas d’accord, notamment sur le mode de scrutin territorial. Mais que je sache, il ne s’agit pas d’un accord électoral ou électoraliste ! Sinon nous sommes tous en train de tromper les Corses ! Il s’agit d’un accord politique à la hauteur des enjeux historiques qui sont les nôtres et, quand je dis les nôtres, ceux de tous les Corses, nationalistes, non nationalistes, élus ou pas. Pouvoir vivre sur notre terre, pouvoir louer ou acheter un bien, parler sa langue dans les services publics, défendre notre environnement naturel, garantir nos transports extérieurs, nous prémunir des prédations en tous genres… Et surtout prémunir nos enfants d’un retour de la violence, des années de prison et d’une disparition pure et simple de notre culture. L’enjeu n’est pas de savoir si Pierre, Paul ou Jacques sera élu ou réélu dans 2 ans ou dans 4. L’enjeu est d’avoir en responsabilité un accord sur l’essentiel, sur les fondamentaux pour enclencher le processus d’inscription de la Corse dans la Loi fondamentale. Et, nous sommes très près d’atteindre l’objectif fixé à l’automne.
- Le ministre, pourtant, s’impatiente, consulte des élus corses. Cette accélération souhaitée et ces rendez-vous parallèles n’hypothèquent-il pas le processus lui-même ?
- Le ministre fait bien sûr ce qu’il veut. Mais nous, dans les temps impartis, nous suivons notre fil et la méthode calée et coconstruite depuis des mois. D’ailleurs, c’est peut-être cela qui dérange ! Nous travaillons sérieusement et démocratiquement. Nous débattons et essayons de trouver des points d’équilibre. Nous partageons des comptes-rendus validés par la Conférence des Présidents alors qu’à ce jour, nous n’avons aucun compte-rendu des réunions tenues à Beauvau. Certains semblent préférer les rendez-vous en bilatéral et les spéculations sur les prochains scrutins ! La Corse a trop souffert de cela par le passé, et les Corses en 2015, en 2018 et en 2021 ont bien dit à travers leurs votes qu’ils ne voulaient plus de cette façon de faire. Le ministre et ceux avec lesquels ses émissaires discutent en Corse devraient s’en rappeler. Je reste persuadée que notre méthode foncièrement démocratique est la bonne et qu’elle peut permettre de changer la donne. Oui, elle prend du temps, mais elle creuse en profondeur les fondations solides de ce qu’est un véritable projet autonomique. S’il n’y a pas d’entente entre nous, ça ne peut pas marcher. L’intesa, l’entente, est le carburant de l’autonomie. Et nous y travaillons. Il y a un fait démocratique majoritaire qui ne nous exonère pas d’entendre ce qu’ont à proposer les formations minoritaires.
- Le ministre remet une couche sur la mafia en Corse et la menace potentielle qu’elle ferait peser sur la gestion d’une Corse autonome. Qu’en pensez-vous ?
- Je continue à considérer, à la suite des auditions d’experts et scientifiques que nous avons menées à l’assemblée de Corse, qu’il y a en Corse des dérives mafieuses. Nous avions invité les services de l’Etat à venir s’exprimer sur le phénomène mafieux. Ils n’ont jamais répondu aux sollicitations des élus et des associations. Dans son interview, le ministre Darmanin, et à la suite du procureur Bessone la semaine dernière, affirme qu’il y a des mafias en Corse juste au moment où nous approchons d’un accord politique sur la question de l’autonomie. Je m’interroge là aussi … Pendant des mois, le mutisme de l’Etat a été éloquent. Pas une intervention au cours des 34 réunions réalisées à l’Assemblée de Corse avec les associations anti-mafia ! Et là, d’un coup, on agite le chiffon rouge des mafias comme on a agité, il y a quelques mois, l’image du frigo vide si nous devenions autonomes. Il faut arrêter de prendre les Corses pour des idiots ! Dans les territoires autonomes, il n’y a ni plus, ni moins de dérives mafieuses qu’ailleurs. Mais pour le coup, cela relève des compétences régaliennes. A l’Etat de faire son travail en la matière !
- Après le pavé dans la mare du ministre et son invitation lancée pour le 26 février, que va-t-il se passer ?
- Maintenant, on revient à l’Assemblée de Corse qui a toujours été la matrice des réformes institutionnelles de la Corse, que ce soit en 1982, en 1992, en 2002 ou en 2018. Nous allons, cette semaine, boucler nos travaux et faire avant la session de la fin du mois une proposition de texte pour l’inscription de la Corse dans la Constitution. La Commission permanente organisationnelle de l’Assemblée a, d’ores et déjà, prévu un débat jeudi 29 février sur le sujet. Nous allons décider en Conférence des Présidents quelle forme prendra le document qui sera produit. Ce sera la proposition du Conseil exécutif et de l’Assemblée de Corse. Elle remontera au gouvernement, conformément aux délais fixés par le Président de la République lors de sa visite dans l’île. Ensuite, chacun prendra ses responsabilités… et son bâton de pèlerin pour convaincre au Sénat et à l’Assemblée nationale du bien-fondé de ce projet pour l’avenir de la Corse.
- Paul-Félix Benedetti accepte de discuter, pas de diner place Beauvau. Comptez-vous avec le président de l’Exécutif vous rendre à ce diner ?
- A cette heure, je ne suis pas invitée ! Et je ne sais pas encore ce que collectivement, nous déciderons.
Propos recueillis par Nicole MARI.