Corse Net Infos - Pure player corse

Paul-André Colombani va défendre une proposition de loi pour demander la création d'un CHU en Corse


le Mardi 28 Mai 2024 à 18:28

Dans le cadre de la niche parlementaire de son groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (LIOT), le député de la 2nde circonscription de Corse-du-Sud va présenter à l'Assemblée Nationale une proposition de loi demandant l'installation d'un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) dans l'ensemble des régions de France. Le texte, qui sera présenté à partir du 5 juin en commission des affaires sociales, puis dans l'hémicycle la semaine suivante, vise ainsi à sécuriser l'installation d'un CHU en Corse, seule région à ne pas être dotée d'un tel établissement aujourd'hui.



Paul-André Colombani va défendre une proposition de loi pour demander la création d'un CHU en Corse
- La demande de création d’un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) en Corse va franchir un nouveau cap et être défendue à l’Assemblée Nationale à partir du 5 juin prochain. Dans le cadre de la niche parlementaire de votre groupe LIOT, vous porterez en effet une proposition de loi visant à demander l’installation d’un tel établissement dans toutes les régions de France. Quels sont les arguments qui justifient aujourd’hui l’installation d’un CHU en Corse ?
- C'est l'exposé des motifs de ma proposition de loi. Il y a plusieurs axes de défense de l'idée. La première chose, c'est le constat qui a été fait pendant la crise Covid. Historiquement, on nous a toujours dit que la Corse n'avait pas besoin d'avoir des lits supplémentaires, notamment en réa, - alors que nous en a moins que la moyenne nationale -, parce que nous sommes tout près de Marseille. On se souvient toutefois que pendant le Covid si nos réanimateurs n'avaient fait des miracles pour soigner les gens et n’avaient pas poussé les murs de la réa, on aurait eu de très, très graves problèmes. Il a fallu faire un petit peu avec la débrouille quand tous les lits des réas de Marseille et de Nice étaient pleins. Le deuxième constat, c'est qu'il y a 25 000 à 30 000 Corses qui se déplacent sur le continent pour raison médicale chaque année. C'est presque toutes les familles Corses qui sont touchées. De plus, en cas de pathologies qui sont longues à soigner sur le continent, cela peut engendrer de graves problèmes sociaux pour ces personnes, et puis les malades sont moins bien accompagnés. Le troisième axe, c'est que les médecins qui travaillent dans les CHU sont beaucoup mieux rémunérés et donc leur carrière est évidemment plus attractive. En outre, si la Corse n'est pas vraiment un désert médical, on sait 80% des internes vont s'installer autour de leur CHU. Aujourd’hui, le fait de ne pas avoir de CHU en Corse fait qu'on est donc moins attractif, et surtout pour les spécialistes. Et cela commence beaucoup à se voir : obtenir un rendez-vous dans quelques spécialités en Corse devient de plus en plus compliqué. Aujourd'hui, pour moi, il est important que l’on puisse avoir des plateaux techniques au même niveau qu'à Marseille avec un accès aux dernières technologies, pour que les patients soient aussi bien traités en Corse qu'ailleurs. Après, nous sommes réalistes, nous n’allons par exemple jamais demander qu’un service d’onco-pédiatrie, où l’on doit faire de la recherche, soit installé sur l’île, parce qu'il y a très peu d’enfants qui ont des cancers pédiatriques. Mais par contre, les 360 femmes par an qui ont des cancers du sein en Corse doivent y trouver une qualité de soins identique à celle de Marseille.
 
- Il faut aussi rappeler que la Corse est la seule région française à ne pas posséder de CHU…
- Ma proposition de loi ne dit pas expressément qu’il faut un CHU en Corse car ce ne serait pas constitutionnel. Nous avons tourné les choses différemment et nous avons dit qu’il faut un CHU dans toutes les régions de France, or effectivement il y a plus que la Corse qui n'en est pas équipée. Par ailleurs, ma proposition de loi n’a pas vocation à déterminer la déclinaison territoriale du CHU. Comment on va le faire, où on va le faire, qu'est-ce qu'on va y faire ? Ce sont les autorités compétentes à l’ARS et à la Collectivité de Corse qui répondront à ces questions une fois que la proposition de loi aura été votée. Il faudra imaginer des dispositifs pour adapter au mieux un CHU au territoire de la Corse. Si on prend l’exemple de la Martinique ou de la Guadeloupe, il y a deux hôpitaux qui servent de référence. Si on prend l’exemple de la Guyane, ce sont quatre hôpitaux qui servent de référence. Cette adaptation au territoire, c'est un débat qui viendra après. Certains parlent déjà de multi-sites ou de coopération entre le public et le privé. Pour ma part, j'y suis complètement favorable. 
 
- Toutefois, alors que Jean-Félix Acquaviva mais aussi Laurent Marcangeli soutiennent votre proposition de loi, Michel Castellani a de son côté choisi de ne pas la co-signer en arguant que celle-ci mettrait l’hôpital de Bastia sur la touche. Une position justifiée ?
- C’est un problème qui en passe d'être réglé. Nous avons fait une proposition ultra jacobine dans sa formulation. Les CHU ont tous été créés dans le chef-lieu de région. Et l'utilisation du mot « chef-lieu » dans ma proposition de loi a donné à Michel Castellani l'impression qu'on voulait exclure Bastia. Nous ne voulons pas retomber dans une querelle de clochers. Cette formulation, nous allons la changer. C'est un peu une tempête dans un verre d'eau parce qu'au moment où on se parle, j'ai déjà déposé un amendement - que, normalement, Michel Castellani devrait co-signer - qui supprime le mot « chef-lieu » de la proposition de loi. Par contre, je ne pouvais pas le faire techniquement avant que la proposition de loi ait été déposée. Maintenant que son examen est programmé en commission, on va pouvoir déposer des amendements pour pouvoir corriger ce qui gêne Michel Castellani. Je pense que la nouvelle formulation suffira à contenter tout le monde.
 
- La création d'un CHU implique par ailleurs le développement des études de médecine à Corte. Un point sur lequel des avancées ont déjà été obtenues ?
- Aujourd'hui, il faut le dire de façon honnête, il y a une volonté politique forte de ce Gouvernement de faire avancer les choses, notamment avec l'arrivée d'un premier cycle d'études de médecine complet à Corte, c'est-à-dire que les étudiants pourront suivre les trois premières années de médecine en Corse. Et puis, c'est peut-être un peu inaperçu, mais jusqu’à aujourd'hui, quand un jeune Corse réussissait le concours de médecine, on le renvoyait vers Paris, Marseille ou Nice. Désormais, tous nos jeunes seront dirigés exclusivement vers Marseille ce qui rendra leur retour en Corse beaucoup plus facile. Donc on pose des pierres petit à petit. La mise en place de filières universitaires, c'est un autre chemin pour faire ce CHU car, dans ce cadre, des praticiens hospitaliers universitaires des CHU voisins seront susceptibles de venir passer du temps en Corse. Mais ce développement est sous-tendu à une forte volonté politique qui peut s'arrêter suite à un changement de gouvernement ou de ministre. C'est une voie qui, pour moi, reste fragile. Et c'est pour cela que je viens un peu en secours avec ma proposition de loi, car si elle est votée, elle sécuriserait l'arrivée d'un CHU dans les années qui arrivent. Tant qu'il y a une volonté politique, ma proposition de loi peut ne servir à rien, mais l'expérience démontre que quand les ministres changent, les directions des services de santé n'ont pas la mémoire des discussions qu'on a eues avec ces derniers. Donc, je préfère que ce soit gravé quelque part. 
 
- Avez-vous bon espoir que votre proposition de loi puisse être adoptée par l'Assemblée nationale ?
- Aujourd’hui, j'ai passé les 100 co-signatures, avec des députés de tous les groupes – excepté le Rassemblement National - qui ont signé ma proposition de loi. De plus, autre signal positif, lors de son inscription au calendrier de l'Assemblée Nationale, elle a été inscrite en Procédure de Législation en Commission (PLEC). C’est une procédure un peu simplifiée d'adoption, où le débat va se faire en commission. Cette procédure concerne les propositions de loi qui sont plutôt consensuelles, qui ont le maximum de chances d'être votées. Une fois qu'on sort de la commission, si personne ne met de réserve, il y aura seulement quelques minutes de prise de parole dans l'Assemblée Nationale, et on passera directement au vote, sans qu’il y ait d’amendement. Et puis, aujourd’hui il y a aussi le fait que nous avons le soutien des partis de la majorité, notamment celui de Laurent Marcangeli (Horizons, nldr). C’est capital. 
 
- Si votre proposition de loi est adoptée, d'ici combien de temps un CHU pourrait-il être créé ?
- Dans la proposition de loi qui a été déposée il y a deux ans, on avait mis un échelon à 2027. Nous allons le changer pour le fixer à 2030.