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Paul Leccia : « La Corse, une fabuleuse terre d’accueil pour les sportifs »


Nicole Mari le Mardi 27 Août 2013 à 21:45

Club privé, fondé en 1921, le Cercle des nageurs de Marseille (CNM) forme les meilleurs champions français de natation et de waterpolo, dont Camille Lacourt et la fratrie Manaudou. Il vient de récolter, aux derniers Jeux Olympiques, une moisson de médailles. Son président, depuis 23 ans, Paul Leccia, chef d’entreprise originaire de Corse, lui a donné une ampleur particulière. Il explique, à Corse Net Infos, les secrets de cette réussite et souhaite faire des émules en Corse. Selon lui, l’île, si elle était dotée des équipements nécessaires, serait une fabuleuse terre d’accueil pour les sportifs de haut niveau.



Paul Leccia, président du Cercle des nageurs de Marseille.
Paul Leccia, président du Cercle des nageurs de Marseille.
- Qu’est-ce exactement le Cercle des nageurs de Marseille ?
- C’est un club, loi 1901, qui a été créé en 1921, sur les bords de la Méditerranée dans le quartier du Pharo-Plage des Catalans. Il s’étend sur 2,5 hectares dont 6 000 m2 appartiennent en propre aux Cercle des nageurs, le reste relève d’un bail emphytéotique avec la ville de Marseille. Le Cercle dispose de 3 piscines, 2 de 25 mètres dont 1 d’eau de mer et 1 chauffée et traitée, ainsi que d’un bassin olympique de 50 mètres où des réunions internationales peuvent se tenir, soit en waterpolo, soit en natation.
 
- Pourquoi ce Cercle a-t-il été créé ?
- En 1921, d’audacieux bâtisseurs ont créé cet établissement pour pratiquer deux sports : la natation et le waterpolo. Ils s’étaient rendus compte que pour former des sportifs de haut niveau, il fallait faire des investissements. Les Marseillais se sont vite aperçus qu’il était intéressant d’adhérer au Cercle. Aujourd’hui, ils continuent de le fréquenter. Ils y passent leurs vacances en famille, y viennent tous les jours pour bénéficier des piscines et nager. Ils peuvent jouer au beach volley sur le terrain de volleyball, que l’on pratique hors compétition, utiliser les salles de gymnastique, de musculation et le sauna. Dans les salles de réunion, ils peuvent même jouer au bridge.
 
- N’importe qui peut y adhérer ?
- Non. C’est un vrai club privé. Il faut y adhérer. Pour cela, il faut être parrainé par deux membres, fournir une lettre de moralité et payer une cotisation.
 
- Ce n’est, donc, pas un club professionnel ?
- Non. Pas à l’origine. Le Cercle compte 4 000 membres. Mais, notre vocation première est l’éducation et la formation des jeunes sportifs. Nous faisons de la formation sportive de haut niveau. Nous entrainons l’élite. Nos nageurs et nos joueurs de waterpolo sont des professionnels. Ils ont obtenu 2 médailles d’or aux derniers Jeux Olympiques de Londres. Le Cercle totalise 34 titres de champion de France de waterpolo.
 
- Comment en êtes-vous venus à former des sportifs de haut niveau ?
- Nous le faisons depuis l’origine en 1921. C’est mentionné dans nos statuts : « Formation de la jeunesse dans le sauvetage, la natation et le waterpolo ». Au départ, le club était régi par le ministre de la Marine nationale et par les militaires parce qu’on s’y baignait en plein hiver, ce qui, évidemment, permettait le sauvetage en mer. Puis, il a dévié sur la natation et le waterpolo.
 
- Comptez-vous beaucoup de nageurs de l’équipe de France ?
- Oui. Le Cercle fournit au moins 50% des nageurs de l’équipe de France.
 
- Quels grands champions avez-vous formé ?
- Alain Mosconi qui a obtenu une médaille de bronze dans le 400 mètres Nage libre aux Jeux Olympiques de Mexico en 1968. Cela ne date, donc, pas d’hier ! Frédéric Delcourt a obtenu une médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Moscou. Mais, autant de résultats que cette année, nous n’en n’avons jamais eu !
 
- C’est-à-dire ?
- Florent Manaudou, le frère de Laure, a obtenu une médaille d’or aux 50 mètres Nage libre. Fabien Gilot a gagné une médaille d’or aux 4x100 mètres dans l’épreuve de relais aux Jeux Olympiques de Londres où la France est sortie vainqueur, notre Marseillais faisait partie de l’équipe championne. Camille Lacourt a été sacré champion du monde. C’est un très grand champion, très médiatique. Quand il est arrivé au Cercle, il y a 6 ans, il n’était pas complètement construit. Il s’est épanoui chez nous. Les champions ne viennent pas seulement s’entraîner, ils viennent aussi se former. Nous avons la chance d’avoir comme entraineur général, Romain Barnier, qui a été formé à Marseille, puis est parti aux Etats-Unis pour parfaire ses études. Aujourd’hui, il entraine l’élite de l’équipe de France.
 
- L’équipe de France n’a-t-elle pas son propre entraineur ?
- Non. Les nageurs appartiennent à des clubs comme le nôtre. S’il s’avère qu’ils ont des capacités, les sélectionneurs-entraineurs de l’équipe de France les sélectionnent et les intègrent à l’équipe nationale. Lorsque des nageurs de haute compétition sont sélectionnés pour l’équipe de France, leur entraineur les suit. Le staff de l’équipe de France est, ainsi, composé des entraineurs de clubs. Aujourd’hui, comme Romain Barnier est l’entraineur qui compte le plus de nageurs dans l’équipe nationale, il a été désigné entraineur général de l’équipe de France.
 
- Quel est votre secret pour fabriquer des champions ?
- Notre secret est simple : c’est le club ! Nous sommes un club privé avec tous les avantages que les clubs privés offrent. En général, dans les autres villes, les ressortissants des clubs vont nager dans les piscines municipales. Au Cercle des nageurs de Marseille, les piscines sont le club. De plus, c’est un lieu de vie, un centre très agréable où l’on peut venir dès 7 heures le matin pour nager, manger, boire, jouer aux cartes, au volleyball, faire de la musculation… L’épouse du nageur et ses enfants peuvent le rejoindre et prendre le soleil, se divertir, sans être importunés. Les amateurs partagent le terrain, les piscines et les lieux avec les professionnels. Dans notre salle de musculation, le sportif amateur landa s’entraine à côté de Florent Manaudou. Ils soulèvent les mêmes poids, se parlent… ça crée une émulation. Ça donne envie quoi ! Et les résultats s’en ressentent !
 
- Le fait que le terrain soit le club, est-ce unique ?
- Oui. La plupart des clubs sportifs, notamment les clubs de football et de rugby, n’ont, malheureusement, pas cet avantage. Dans le football, milieu que j’ai très bien connu, ce sont plus souvent les arrières salles de bar qui forment le siège du club plutôt que le terrain lui-même.
 
- Vous êtes venus en Corse, il y a quelques mois, avec des nageurs. Dans quel but ?
- Nous sommes venus parce que Jean-Christophe Angelini, qui est un ami très cher, aimerait donner aux jeunes Corses l’envie et la possibilité de s’entrainer. Effectivement, chaque fois que les nageurs du Cercle sont venus sur l’île, la population s’est déplacée, en nombre, pour les voir évoluer dans l’eau. Quand les nageurs se sont mis à l’eau, notamment à Propriano et à Prunelli di Fiumorbo, avec les enfants, on a réellement senti une émulation, une folie ! J’ai vu les étoiles briller dans les yeux des enfants qui connaissaient tout le talent de ces nageurs pour l’avoir admiré aux Jeux Olympiques. Pouvoir nager au milieu de ces champions, c’est un peu comme nager au milieu des dauphins, c’est quelque chose d’exceptionnel !
 
- Pourquoi avez-vous, alors, plaidé pour la mise en place d’infrastructures adaptées ?
- Nous sommes venus tenter de convaincre les municipalités et les élus locaux de construire une piscine olympique de 50 mètres, couverte, afin de permettre aux jeunes Corses de pouvoir nager dans des conditions normales. Mais, pas seulement ! La Corse est tellement belle et si intéressante. On devrait pouvoir l’ouvrir à des équipes nationales ou à des équipes de club qui voudraient y faire des stages et profiter de son climat pour s’entrainer. Quand un nageur s’entraine, il n’a pas seulement besoin d’eau, il a aussi besoin de la nature : il fait du vélo, du VTT, du footing… Les nageurs professionnels partent, souvent, en début de saison, s’entrainer aux Baléares ou ailleurs. Pourquoi ne le feraient-ils pas en Corse ? Je pense que la Corse serait une fabuleuse terre d’accueil pour les sportifs.
 
- Ces rencontres ont-elles débouché sur des projets ?
- Je ne sais pas. J’espère que ces rencontres susciteront des intentions. Chaque fois que, sur le continent, nous avons fait des démonstrations dans des villages ou des villes qui n’avaient pas d’installation, les gens ont été émerveillés par la simplicité de nos champions, par leur façon de se présenter à eux et de montrer, dans l’eau, quand ils le pouvaient, leurs capacités. Bien sûr, il ne peut pas y avoir une piscine olympique dans tous les villages, mais, on peut en implanter dans une communauté urbaine ou une communauté d’agglomérations. Plusieurs groupements de villages ou de villes pourraient se permettre d’avoir une piscine de 50x25 mètres. En avoir 1 serait fabuleux, en avoir 2 serait suffisant pour que la Corse puisse répondre aux exigences du sport de haut niveau.
 
- Est-ce possible de faire du sport de haut niveau dans l’île ?
- Evidemment ! Il ne manque que les infrastructures et les techniciens. Après l’engouement vient... Mais il faut des infrastructures qui ne soient pas inertes, qui ne servent pas seulement à faire des longueurs, mais qui permettent de développer la formation, d’encourager les juniors et disposent d’un restaurant, de chambres d’hôtes… L’idée est d’y organiser des stages. Pour cela, les infrastructures doivent, comme le Cercle des nageurs de Marseille, n’être pas seulement que des lieux d’entrainement ou des lieux sportifs, mais de vrais lieux de vie.
 
- Pensez-vous à un club privé comme le vôtre ?
- Privé ou public-privé. Pour ma part, je préconiserais cette 2ème option qui est, aujourd’hui, très à la mode. Je ne dis pas que ça peut se faire d’un coup de baguette magique, mais si on n’en parle pas, si on ne montre aucune intention, ça ne se fera jamais. Comme on dit : il faut viser la lune, on se retrouvera toujours dans les étoiles !
 
Propos recueillis par Nicole MARI