Au bout de la ligne téléphonique, un intense bruit de travaux rend la conversation difficile. “Je peux vous rappeler dans cinq minutes ? Je descends dans la rue, ça sera plus calme”. David Antonelli se fraye un chemin entre les chantiers de son immeuble, au cœur de la ville côtière israélienne de Netanya. Depuis 2015 ce corse originaire de Ghisonaccia y a élu domicile pour une raison bien particulière. Vivre pleinement une foi à laquelle rien ne semblait le prédestiner : le judaïsme.
Né en octobre 1981 à Ajaccio, David Antonelli partage sa première vie entre Ghisonaccia puis Sartène avant de revenir dans la cité impériale où il obtient un baccalauréat professionnel en secrétariat. “Une scolarité et une enfance normales pendant lesquelles j’ai été élevé dans les valeurs traditionnelles corses et catholiques”, se souvient-il. Sport, catéchisme et, plus tard, engagement politique, le jeune homme suit alors la voie toute tracée d’un héritage familial spirituel et culturel commun à plusieurs générations de corses. “Ma famille était très impliquée dans le nationalisme corse et je me suis investi très jeune dans le mouvement”, explique David Antonelli. Côté religieux, il en est de même. Baptême, catéchisme, messes. Sa vie est rythmée par une pratique familiale assidue. “J’ai été élevé dans les enseignements de l’Eglise. Cela donne un cadre de vie et des valeurs”, raconte David Antonelli.
Le choc spirituel
Les jours se suivent et se ressemblent. David Antonelli est alors un jeune corse comme tant d’autres. Jusqu’au jour où toutes ses certitudes, notamment spirituelles, ont été bouleversées. “Le décès brutal de ma mère a été un choc. Cela m’a amené à une période d’introspection et m’a poussé à me tourner vers une étude approfondie de la religion catholique. Je cherchais des réponses à mes questions”, narre David Antonelli.
Le jeune homme de l’époque feuillette alors de multiples ouvrages théologiques avant de tomber, presque par hasard, sur les écrits du judaïsme. “Grâce à un ami et à son impressionnante bibliothèque catholique et juive, j’ai commencé à découvrir des incohérences. La curiosité m’a encouragé à creuser encore plus et j’ai trouvé ce que je cherchais dans la Torah après des années d’un long cheminement intellectuel et spirituel. Le judaïsme n’est pas prosélyte et ne cherche en aucune façon à convertir les non-juifs. Ce sont les hommes qui viennent au judaïsme, non l’inverse. Ainsi, la conversion est un processus parfois long et exigeant, tant sur le plan de la sincérité personnelle dans la démarche, que dans l’effort intellectuel qu’il est nécessaire de faire pour intégrer les enseignements de la Torah ”, confie David Antonelli.
Tout changer
Le choix est fait mais, pour David, il manque quelque chose. Cette sensation d’appartenir entièrement à une communauté religieuse pour vivre pleinement sa foi. “Elle doit se vivre collectivement sur la terre d’Israël”, explique David Antonelli. En 2015, il prend alors la décision de tout quitter pour s’installer en Israël. Il y étudie alors la religion juive avant de plonger, un an plus tard, dans le grand bain : le Mikvè.
Sa nouvelle vie commence ainsi. Une renaissance qu’il a choisi de placer sous la protection du roi juif David dont il a pris le prénom, remplaçant celui donné par ses parents à la naissance car pour lui, “David incarnait d’une part la royauté d’Israël, mais d’autre part la parfaite synthèse entre le corps et l’âme, le matériel et l’esprit”.
Comme au village
Depuis, il est un nouvel homme. Père de famille, instructeur de Krav Maga, enseignant en théologie et chroniqueur télé, David Antonelli se sent “pleinement à sa place, même si ma famille me manque et que je reste très attaché à la Corse”. Pourtant, au quotidien, beaucoup de choses lui rappellent son île natale comme “les paysages, le climat, mais c’est surtout la mentalité des gens qui me rappelle la Corse. Les Israéliens ont, si je puis dire, la même façon de fonctionner que les Corses, ont des traits de caractère semblables. J’ai parfois l’impression d’être au village. La convivialité, la manière de s’interpeller dans la rue, une entraide parfois spontanée. On est loin des codes urbains des grandes villes de métropole”. De quoi faciliter l’intégration.
Ce chemin de vie, un parmi tant d’autres, David l’a consigné dans un livre pour le partager au plus grand nombre. L’ouvrage, intitulé “Retour d’une étincelle perdue, de la Corse à Israël” retrace son parcours intellectuel et spirituel. “Le but est d’apporter des réponses à des personnes qui ont pu s’interroger sur ce cheminement, plus généralement faire œuvre de pédagogie pour expliquer des questions complexes, d’ordre théologique par exemple. Se servir de mon vécu, celui d’un jeune corse qui menait initialement une vie semblable à celles de tous les autres jeunes de l’île, et que rien ne prédestinait à ce parcours, pour répondre à des interrogations”, confie David Antonelli.