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Que doit contrôler la Chambre régionale des comptes de Corse ? Les citoyens ont la parole


Christophe Di Caro le Lundi 16 Septembre 2024 à 18:40

Jusqu’au 4 octobre 2024, la Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes lancent une campagne de participation citoyenne inédite. Via une plateforme en ligne, les citoyens peuvent proposer des sujets de contrôle sur la gestion des finances publiques. Philippe Sire, président de la Chambre régionale des comptes de Corse, détaille les enjeux et les objectifs de cette initiative.



Photo d'illustration
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La transparence dans la gestion des finances publiques franchit une nouvelle étape en France. Pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes, sous l’impulsion de Pierre Moscovici, et les Chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) ont mis en place une campagne de participation citoyenne, ouverte jusqu’au 4 octobre 2024. Cette démarche permet aux citoyens d’exprimer leurs préoccupations et de proposer des thématiques d’enquêtes sur l’utilisation de l’argent public via une plateforme numérique dédiée.
« Lorsque Pierre Moscovici est arrivé à la tête de la Cour des comptes, il a souhaité ouvrir les juridictions financières aux citoyens. Cette plateforme vise à susciter des propositions de contrôle sur des thématiques qui touchent directement à la gestion des finances publiques. » se réjouit Philippe Sire, président de la Chambre régionale des comptes de Corse.  L’objectif est clair : renforcer la participation citoyenne pour rapprocher les institutions publiques des préoccupations réelles des usagers. « Les citoyens sont d’une part des électeurs, mais surtout des usagers du service public. Ils peuvent, par leur expérience quotidienne, se rendre compte des éventuels dysfonctionnements, que ce soit dans les transports, les services sanitaires ou sociaux, ou encore dans la gestion des ressources naturelles comme l’eau et l’énergie », explique Philippe Sire.

Des thématiques citoyennes variées
La plateforme numérique permet aux citoyens de soumettre directement leurs propositions, qu’il s’agisse de secteurs tels que l’éducation, la santé, la transition écologique, ou encore la gestion des infrastructures publiques. Parallèlement, une autre plateforme, qualifiée de « lancement d’alertes », permet aux citoyens de signaler des malversations ou des suspicions de mauvaise gestion dans certaines collectivités. « Les transports urbains qui arrivent en retard, une mauvaise gestion dans le domaine sanitaire ou social, ce sont des dysfonctionnements qui peuvent donner lieu à des enquêtes de la Chambre régionale des comptes », souligne Philippe Sire.

Parmi les thèmes susceptibles d'émerger, la transition écologique reste un sujet central. « C’est une préoccupation qui prédomine aujourd’hui. Les citoyens corses, par exemple, sont particulièrement attachés à ces questions. Nous avons récemment mené une enquête sur la manière dont les collectivités peuvent anticiper l’impact du réchauffement climatique sur les littoraux méditerranéens. » Le Président de la CRC évoque également la gestion de l’eau et de l’énergie, des sujets récurrents dans les contributions citoyennes.

Un processus rigoureux de sélection
Cependant, toutes les propositions ne pourront pas être retenues. La sélection des sujets fait l’objet d’une évaluation rigoureuse, basée sur plusieurs critères. « Nous écartons les sujets sur lesquels nous avons beaucoup travaillé récemment, comme la gestion des déchets ou le transport aérien. Même si nous y prêterons toujours attention, nous privilégions des thèmes nouveaux ou insuffisamment explorés. » detaille le president. Un autre critère essentiel est la faisabilité. « Nous n’avons que cinq magistrats à la Chambre régionale des comptes de Corse, donc nos moyens humains sont limités. Si l’on nous demande de contrôler l’ensemble des politiques publiques d’une grande collectivité, cela sera difficilement réalisable. »
La nouveauté est aussi un critère clé dans ce processus. « L’année dernière, le logement social a été retenu comme thème principal car nous avions reçu trois contributions sur ce sujet, et nous n’avions jamais conduit d’enquête approfondie sur ce thème », explique Philippe Sire.

Rendre les résultats accessibles au plus grand nombre
La campagne ne se limite pas à la collecte de propositions. Pour Philippe Sire, il est essentiel que les citoyens puissent également comprendre les conclusions des rapports émis par la Cour des comptes et les CRC. « Le contrôle des finances publiques est souvent perçu comme un domaine complexe, mais nous travaillons à rendre nos rapports plus accessibles. Nous réduisons leur longueur pour ne pas dépasser 50 pages et nous joignons à chaque document une synthèse d’une page qui résume l’essentiel des conclusions. Nous faisons aussi attention à gommer les termes trop techniques et à inclure des définitions pour rendre nos analyses plus compréhensibles. »
Ce souci de clarté est crucial pour renforcer la confiance des citoyens envers les institutions. « Tout cela participe à notre objectif de nous rapprocher du public. Nos rapports sont tous publics et consultables sur le site de la Cour des comptes, et cette accessibilité est essentielle pour maintenir un dialogue continu avec les citoyens », insiste le president.

Une ouverture aux jeunes générations
Un autre aspect important de cette campagne est l’ouverture de la plateforme aux jeunes dès 15 ans, conformément à la loi sur la majorité numérique. Pour Philippe Sire, cette ouverture est une opportunité de sensibiliser les plus jeunes à la gestion des finances publiques. « Nous n’avons pas de cible particulière, mais nous espérons que les jeunes participeront davantage. Nous envisageons d’adapter nos canaux de communication en passant par des plateformes comme TikTok ou Snapchat pour toucher cette tranche d’âge. »

Vers une transformation des juridictions financières
La campagne de participation citoyenne s’inscrit dans un projet plus large de transformation des juridictions financières en France. « Il y a plusieurs aspects. D'abord, cette ouverture facilitée aux citoyens à travers les deux plateformes numériques. Ensuite, nous travaillons à simplifier les rapports et à renforcer la collaboration entre la Cour des comptes et les Chambres régionales dans le cadre d’enquêtes nationales. » detaille le president. 
De nouveaux outils ont également vu le jour, comme l’« audit flash », un contrôle accéléré sur des thèmes spécifiques, ou le « cahier thématique régional », une synthèse de plusieurs rapports sur un même sujet. « Ces outils permettent d’accélérer nos travaux et de rendre nos conclusions plus rapidement accessibles. Notre premier audit flash, par exemple, portait sur le dialogue social à Bastia, et a été publié au début de l’été. »

Les attentes sont donc grandes pour cette deuxième édition de la campagne de participation citoyenne. Alors que les citoyens continuent de soumettre leurs propositions, la Chambre régionale des comptes se prépare à entamer les premières évaluations dès la fin de la campagne, le 4 octobre prochain. « Nous espérons voir émerger des thèmes variés, pertinents, et surtout en phase avec les préoccupations actuelles des citoyens. »