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Ramasser les déchets en mer, "le travail de Sisyphe" d’un jeune entrepreneur corse


le Mercredi 10 Juillet 2024 à 13:42

Sur son bateau, Olivier Sanna traque la pollution en mer, avant qu’elle n’arrive sur le littoral en Corse. Plastique, carton, polystyrène, mais aussi hydrocarbures… Le Sartenais de 32 ans, à la tête de l’entreprise Marecorsica, est le seul à proposer ces services sur l’île, auprès des communes. En ce début de saison estivale, il était à Porto-Vecchio. Reportage.



Dans les déchets récupérés, Olivier Sanna trouve essentiellement du plastique et du polystyrène.
Dans les déchets récupérés, Olivier Sanna trouve essentiellement du plastique et du polystyrène.
Dans le port de plaisance porto-vecchiais, un objet jaune non identifié zigzague entre les bateaux amarrés. C’est un robot-nettoyeur télécommandé. Olivier Sanna est à la manœuvre, sur un ponton. Ce robot, « ça fait partie du travail, je le sors quand je vois des déchets qui traînent dans le port », précise le jeune chef d’entreprise. Comme un prédateur sur sa proie, le robot fond sur les déchets de petite taille qui flottent à la surface, les capturant dans une nacelle qu’Olivier Sanna remonte quand il a fini de nettoyer la zone. Mais le gros du travail, il se fait en mer.

"Fléau"

Olivier Sanna contracte un crédit, en 2021, pour pouvoir s’offrir un « Sea Cleaner », ce nettoyeur des mers qui lui sert de bateau. Marin de profession (il a débuté à La Méridionale, auprès de qui il continue de travailler l’hiver pour rembourser son crédit), Olivier Sanna n’a pu que constater la triste évidence : « La Corse est au centre de la Méditerranée, donc forcément on est touchés par ce fléau de la pollution en mer. » S’il ramassait ce qu’il pouvait, en bon marin soucieux de préserver sa mare corsa, difficile d’agir à grande échelle. Il tape aux portes des collectivités et décroche plusieurs contrats en prestation de service. « Aujourd’hui, je travaille pour Porto-Vecchio, Zonza, les quatre communes du Valinco, Porto, L’Île-Rousse et Sartène », énumère-t-il.

Olivier Sanna, dans le port de Porto-Vecchio, téléguide son robot-nettoyeur.
Olivier Sanna, dans le port de Porto-Vecchio, téléguide son robot-nettoyeur.
En 2022, le marin et son Sea Cleaner sont engagés par l’Office de l’environnement pour un tour de Corse, ramassant « 90 m³ de déchets en un an ». L’opération est un succès, mais elle ne sera pas renouvelée : « Question de budget, apparemment. » A Porto-Vecchio, où « rien de particulier » n’avait été mis en œuvre avant 2021 en matière de dépollution marine, Jean-Christophe Angelini y trouve son compte : « On a un process éprouvé qui permet d’obtenir des résultats très encourageants au niveau écologique, constate le maire. Et on n’est pas dans un coût exorbitant, loin s’en faut. » Pour Jean-Christophe Angelini, passer par un prestataire a deux avantages : « C’est plus souple, moins onéreux que la création directe d’un emploi public. Et dès lors que des jeunes corses prennent des initiatives avec une part de risque, il faut savoir leur faire confiance. » 

"La côte ouest de la Corse est la plus polluée"

Concrètement, Olivier Sanna vient passer quelques jours dans l’une des communes qui l’emploie. D’avril à octobre, soit durant la haute-saison, il part en mer, ramène tous les déchets qu’il trouve dans la bande des 300 mètres. « Si je ne suis pas sur place et qu’on m’appelle parce qu’une pollution importante a été constatée ailleurs, je peux venir immédiatement », précise-t-il. Dans ses contrats, les mairies lui passent également commande de quelques interventions en milieu scolaire, pour des actions de sensibilisation. « La côte ouest de la Corse est beaucoup plus polluée que la côte est, remarque-t-il, tout en avançant un début d’explication : c’est à cause du libecciu qui est un vent d’ouest. En soufflant, il ramène les déchets vers la côte. » Porto-Vecchio, bien qu’à l’est, fait exception, étant donné son affluence l'été.

Et en cas de marée noire ?

Long de près de 8 mètres, le bateau en aluminium d’Olivier Sanna s’ouvre à l’avant par la pression d’un simple bouton. Son capitaine n’a alors plus qu’à fondre sur les déchets qu’il trouve, sur le même principe que le robot-nettoyeur dans le port, avec en plus un processus d’aspiration enclenché par le moteur, qui est relié à un long tube : « Ca créé un flux et ça aspire tout le temps », note le Sartenais. Derrière, les macro-déchets sont stoppés par une première grille ; puis les micro-déchets, par un filet d’un maillage de 300 micromètres. Et sous la cabine, jusqu’à 1 200 litres d’hydrocarbures peuvent être stockés. « En général, je récupère des petites fuites d’huile. Mais en cas de marée noire, un bateau comme le mien serait déjà très utile. » Les sorties peuvent donner des résultats très différents : « Il y des jours, on trouve rien et d’autres où on ramasse 2m3 de déchets. » Les déchets en question ? « Du plastique bien sûr. Et puis beaucoup de polystyrène, je ne pensais pas autant. » 

Ramasser les déchets en mer présente plusieurs avantages comme limiter leur ingestion par la faune marine ou leur échouage sur les côtes. Une commune, comme Ajaccio, en est consciente : « Il y a une volonté de la ville d’aller plus loin et de récolter les déchets en mer », indique son service communication. Mais à ce jour, ce n’est pas le choix qui a été opéré : « On est plus concentrés sur le nettoyage des plages, avec des prestataires et saisonniers qui interviennent régulièrement pour les nettoyer. »