C’est une réforme qui fait grincer des dents dans le monde de l’éducation. Porté par Gabriel Attal quand il était encore ministre de l’Éducation, le plan dit du « choc des savoirs » doit s’appliquer à partir de la rentrée scolaire de septembre. Avec pour objectif de relever le niveau des élèves, cette réforme du collège prévoit notamment la mise en place de groupes de niveau en 6ème et de 5ème dans les savoirs fondamentaux. Ainsi, les élèves devront être répartis en trois groupes de difficulté distinguant les faibles, les moyens et les bons en mathématiques et en français, avec toutefois la possibilité de passer d’un niveau à l’autre en cours d’année. Une mesure qui provoque de gros remous du côté du corps enseignant. Une journée de mobilisation nationale contre la réforme Attal est d’ailleurs prévue ce samedi à l’appel des organisations syndicales de l’Éducation Nationale, des organisations lycéennes et étudiantes, ainsi que de la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves (FCPE). Bien qu’aucune manifestation ne soit prévue en Corse, le monde de l’éducation insulaire se dresse lui aussi contre cette réforme pour des raisons diverses.
« La réalité c’est qu’il n’y a pas de financements supplémentaires pour mettre en place ces groupes de niveau », souffle ainsi Catherine Agostini, la secrétaire académique du SNES-FSU Corse. Charles Casabianca, secrétaire général de la CGT Éducation en Haute-Corse, abonde :
« Si c’était si simple de faire des groupes de niveau à moyens constants, cela fait un moment que cela serait en place. C’est uniquement un effet de communication. Ce genre de réforme ne peut pas être profitable à l’ensemble des élèves. Nous pensons qu’elle est nocive pour les couches populaires ».
« Si les enfants en difficulté restent tous ensemble dans une sorte de ghetto toute l’année, le risque c’est qu’ils ne progressent guère »
Plus partagé, Pierre-Dominique Ramacciotti, secrétaire académique du SNALC en Corse estime pour sa part que des évolutions sont nécessaires suite notamment aux enseignements du dernier classement PISA qui constatait il y a quelques mois une chute inquiétante du niveau des élèves français. « On sent bien qu’il y a quelque chose à faire. Notre organisation syndicale est depuis toujours opposée au collège unique et nous sommes persuadés qu’il faut inventer pédagogiquement quelque chose pour essayer d’aider les élèves les plus en difficulté », commente-t-il en reprenant : « Malheureusement si au départ faire des groupes de niveau pouvait apparaitre comme une bonne idée, on s’est aperçu que cela devait faire à moyens constants et que les conditions de travail de nos collègues professeurs de maths et de français allaient être encore plus compliquées. Cela n’est pas acceptable. D’une bonne idée on a fait un grand n’importe quoi. Tout est à revoir dans la conception même de ce projet. Il faut mettre les moyens pour faire de vrais groupes de niveau sur certaines disciplines et aider ces enfants qui avec des méthodes d’apprentissage différentes pourraient réussir à avoir un niveau correct ».
Autre point noir, la secrétaire académique du SNES-FSU Corse relève également un problème lié à la possibilité de mobilité des élèves entre les groupes. « Pédagogiquement, si on veut que les groupes bougent tout au long de l’année, cela nécessite qu’un professeur qui enseigne à un groupe faible doive tenir un parallèle avec celui qui a un groupe fort, avec le même nombre d’heures pour un même enseignement. Est-ce que l’on va arriver au même moment au même endroit du programme ? Rien n’est moins sûr ! Surtout que s’il y a des élèves en grande difficulté, c’est bien qu’il leur faut un peu plus de temps pour assimiler ce qui leur est enseigné », s’interroge-t-elle. « La crainte c’est que l’enfant qui commence sa scolarité en 6ème dans le groupe faible, la finisse en 3ème toujours dans le groupe faible avec une estime de soi qui va aller terriblement en baissant. Si les enfants en difficulté restent tous ensemble dans une sorte de ghetto toute l’année, le risque c’est qu’ils ne progressent guère », s’inquiète-t-elle par ailleurs en notant aussi un hiatus propre à l’Académie de Corse : « Souvent les mathématiques font partie des matières enseignées en langue corse dans les classes bilingues. Si on met en place des groupes de niveau en mélangeant les classes bilingues et les classes standards, cela veut dire qu’on ne peut plus enseigner les mathématiques en langue corse ».
Diminuer le nombre d’enfants par classe pour pouvoir répondre aux besoins de chaque enfant
Du côté de la CGT Éducation, Charles Casabianca martèle pour sa part : « Pour nous il y a autre chose à faire, notamment revoir l’organisation de la journée scolaire de l’élève et donner les moyens nécessaires pour que les enseignants soient recrutés en nombre. Et puis il y a une méthode qui donne de très bons résultats dans le monde : c’est diminuer le nombre d’élèves par classe. Selon une étude anglo-saxonne, chaque fois que l’on passe la barre de 24 élèves par classe, c’est 0,6 point de moins à la moyenne générale de la classe par élève supplémentaire ».
Enfin, les parents d’élèves se montrent eux aussi inquiets face à l’application de cette réforme qui représente « un point de bascule » pour Claude Perrin de la FCPE 2A. « Au lieu de mettre en place les moyens nécessaires pour être au plus proche des enfants et éviter les décrochages et réduire les inégalités sociales à l’intérieur de l’école, on met en place des systèmes de tri durables entre les enfants. Le risque c’est qu’ils soient catalogués comme étant de mauvais élèves jusqu’à la fin de leur scolarité », regrette-t-il en pointant un risque de stigmatisation des élèves en difficulté. « Mettre en place des groupes de niveau, ce n’est pas leur venir en aide. Les enfants scolarisés sont hétérogènes, avec des problèmes particuliers, peuvent avoir des besoins ponctuels sur une partie des mathématiques ou une partie de français. Il faut qu’il soit possible de répondre à ces besoins ponctuels et faire en sorte qu’il y ait suffisamment d’enseignants avec des effectifs plus réduits dans les classes pour répondre à chaque enfant. Là c’est un collège à deux ou trois vitesses qui se reconstitue, où les élèves les plus faibles seront mis à l’écart durablement pour ne pas gêner les autres, qui eux n’ont rien à gagner à une telle compétition », déplore-t-il avant de conclure : « Toutes les recherches en matière pédagogique démontrent que mettre en place des groupes de niveau n’apporte rien à ceux qui ont un niveau supérieur et laisse ceux en difficulté à leur niveau, en abaissant leur confiance en eux. Cela les bloque complètement sur la durée et cela est dramatique ».
« La réalité c’est qu’il n’y a pas de financements supplémentaires pour mettre en place ces groupes de niveau », souffle ainsi Catherine Agostini, la secrétaire académique du SNES-FSU Corse. Charles Casabianca, secrétaire général de la CGT Éducation en Haute-Corse, abonde :
« Si c’était si simple de faire des groupes de niveau à moyens constants, cela fait un moment que cela serait en place. C’est uniquement un effet de communication. Ce genre de réforme ne peut pas être profitable à l’ensemble des élèves. Nous pensons qu’elle est nocive pour les couches populaires ».
« Si les enfants en difficulté restent tous ensemble dans une sorte de ghetto toute l’année, le risque c’est qu’ils ne progressent guère »
Plus partagé, Pierre-Dominique Ramacciotti, secrétaire académique du SNALC en Corse estime pour sa part que des évolutions sont nécessaires suite notamment aux enseignements du dernier classement PISA qui constatait il y a quelques mois une chute inquiétante du niveau des élèves français. « On sent bien qu’il y a quelque chose à faire. Notre organisation syndicale est depuis toujours opposée au collège unique et nous sommes persuadés qu’il faut inventer pédagogiquement quelque chose pour essayer d’aider les élèves les plus en difficulté », commente-t-il en reprenant : « Malheureusement si au départ faire des groupes de niveau pouvait apparaitre comme une bonne idée, on s’est aperçu que cela devait faire à moyens constants et que les conditions de travail de nos collègues professeurs de maths et de français allaient être encore plus compliquées. Cela n’est pas acceptable. D’une bonne idée on a fait un grand n’importe quoi. Tout est à revoir dans la conception même de ce projet. Il faut mettre les moyens pour faire de vrais groupes de niveau sur certaines disciplines et aider ces enfants qui avec des méthodes d’apprentissage différentes pourraient réussir à avoir un niveau correct ».
Autre point noir, la secrétaire académique du SNES-FSU Corse relève également un problème lié à la possibilité de mobilité des élèves entre les groupes. « Pédagogiquement, si on veut que les groupes bougent tout au long de l’année, cela nécessite qu’un professeur qui enseigne à un groupe faible doive tenir un parallèle avec celui qui a un groupe fort, avec le même nombre d’heures pour un même enseignement. Est-ce que l’on va arriver au même moment au même endroit du programme ? Rien n’est moins sûr ! Surtout que s’il y a des élèves en grande difficulté, c’est bien qu’il leur faut un peu plus de temps pour assimiler ce qui leur est enseigné », s’interroge-t-elle. « La crainte c’est que l’enfant qui commence sa scolarité en 6ème dans le groupe faible, la finisse en 3ème toujours dans le groupe faible avec une estime de soi qui va aller terriblement en baissant. Si les enfants en difficulté restent tous ensemble dans une sorte de ghetto toute l’année, le risque c’est qu’ils ne progressent guère », s’inquiète-t-elle par ailleurs en notant aussi un hiatus propre à l’Académie de Corse : « Souvent les mathématiques font partie des matières enseignées en langue corse dans les classes bilingues. Si on met en place des groupes de niveau en mélangeant les classes bilingues et les classes standards, cela veut dire qu’on ne peut plus enseigner les mathématiques en langue corse ».
Diminuer le nombre d’enfants par classe pour pouvoir répondre aux besoins de chaque enfant
Du côté de la CGT Éducation, Charles Casabianca martèle pour sa part : « Pour nous il y a autre chose à faire, notamment revoir l’organisation de la journée scolaire de l’élève et donner les moyens nécessaires pour que les enseignants soient recrutés en nombre. Et puis il y a une méthode qui donne de très bons résultats dans le monde : c’est diminuer le nombre d’élèves par classe. Selon une étude anglo-saxonne, chaque fois que l’on passe la barre de 24 élèves par classe, c’est 0,6 point de moins à la moyenne générale de la classe par élève supplémentaire ».
Enfin, les parents d’élèves se montrent eux aussi inquiets face à l’application de cette réforme qui représente « un point de bascule » pour Claude Perrin de la FCPE 2A. « Au lieu de mettre en place les moyens nécessaires pour être au plus proche des enfants et éviter les décrochages et réduire les inégalités sociales à l’intérieur de l’école, on met en place des systèmes de tri durables entre les enfants. Le risque c’est qu’ils soient catalogués comme étant de mauvais élèves jusqu’à la fin de leur scolarité », regrette-t-il en pointant un risque de stigmatisation des élèves en difficulté. « Mettre en place des groupes de niveau, ce n’est pas leur venir en aide. Les enfants scolarisés sont hétérogènes, avec des problèmes particuliers, peuvent avoir des besoins ponctuels sur une partie des mathématiques ou une partie de français. Il faut qu’il soit possible de répondre à ces besoins ponctuels et faire en sorte qu’il y ait suffisamment d’enseignants avec des effectifs plus réduits dans les classes pour répondre à chaque enfant. Là c’est un collège à deux ou trois vitesses qui se reconstitue, où les élèves les plus faibles seront mis à l’écart durablement pour ne pas gêner les autres, qui eux n’ont rien à gagner à une telle compétition », déplore-t-il avant de conclure : « Toutes les recherches en matière pédagogique démontrent que mettre en place des groupes de niveau n’apporte rien à ceux qui ont un niveau supérieur et laisse ceux en difficulté à leur niveau, en abaissant leur confiance en eux. Cela les bloque complètement sur la durée et cela est dramatique ».