C’est juste un avis donné en urgence sur saisine expresse et de dernière minute du préfet de région. Un avis sans surprise, largement négatif, clairement motivé et délibérément expéditif. Et l’on peut d’ores et déjà affirmé sans être devin, ni pêcher par excès de cynisme, qu’il subira, de la part du gouvernement, le même sort que les autres délibérations de l’Assemblée de Corse : à savoir, l’occultation totale ! La mise aux oubliettes politiques ! Mais le Code général des collectivités exigeant que les élus d’une collectivité, affectée par une réforme, soient consultés pour avis sur des projets et propositions de lois les concernant, lesdits élus se sont, donc, sagement et gentiment réunis pour le donner tout en étant pleinement conscients qu’il ne servira à rien, qu’il passera, comme les autres, en pertes et profits. Ils s’y sont, néanmoins, attelés, sans zèle excessif, en expédiant le débat en un temps record : à peine une heure et demie. « Je ne veux pas douter de la pertinence et de l’intérêt de l’avis qui sera rendu à l’Assemblée de Corse, par contre je ne suis pas certain que cet avis conduira le gouvernement à faire évoluer le texte, si nous suggérions des modifications. Mais il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ! », ironise, d’emblée, le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni.
Trois mesures
C’est sur un ton tout aussi plein de dérision qu’il lit l’intitulé proposé par le gouvernement : « Consultation sur les projets de lois organique et ordinaire pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace », insistant narquoisement sur les trois derniers mots. Comme l’avait fait, quelques minutes auparavant, en ouverture de session, le président de l’Assemblée, Jean-Guy Talamoni, qui avait tenu à préciser que cet intitulé n’était, ni de son fait, ni celui de l’Exécutif territorial. Sur le fond, les deux projets de loi abordent seulement deux volets de la réforme du Parlement. Le projet de loi organique (PLO) fixe l’effectif global des parlementaires et les dispositions fondamentales relatives à leur élection et à l’exercice de leur mandat. Le projet de loi ordinaire (PL) définit les dispositions relatives au mode de scrutin et à la campagne électorale. A la clé, trois mesures substantielles : la réduction du nombre de parlementaires, l’élection d’une partie des députés au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, et la limitation du cumul des mandats dans le temps pour l’ensemble de la classe politique.
Moins de parlementaires
Première mesure : le nombre de parlementaires serait réduit de 30%, avec un rapport global inchangé entre les deux Chambres. Le nombre de députés passerait de 577 à 404, dès le prochain scrutin législatif en 2022. Le nombre de sénateurs tomberait de 348 à 244, dès septembre 2021où la Chambre Haute serait entièrement renouvelée d’un seul coup. Cette date permettrait de tenir compte des résultats des scrutins locaux : municipal en 2020, départemental et régional en 2021. Les sénateurs insulaires, élus en 2014, verraient leur mandat prolongé d’un an. La règle indiquée garantit au moins un député et un sénateur par département, la Corse passerait, donc, de 4 députés à 2, mais garderait ses deux sénateurs. « Ce principe est dicté, selon les rédacteurs de la loi, par leur conviction que l’opinion publique serait globalement défiante et réticente vis-à-vis de la représentation parlementaire, et plus globalement de la démocratie représentative. Je ne suis pas certain que cela soit le cas, et, si ça l’était, qu’il convienne d’encourager ce type de réactions et de limiter les pouvoirs du Parlement », commente Gilles Simeoni. « Il y a, par ailleurs, une volonté de porter atteinte au pouvoir d’amendement en instaurant des quotas par groupe corrélés à la taille du groupe, et en subordonnant leur dépôt en séance publique à un aval obligatoire en commission. Si nous appliquions cette règle à l’Assemblée de Corse, vous ne l’accepteriez pas ! ».
Un risque pour la Corse
Comparant ensuite la situation française à celle de ses voisins européens, le président de l’Exécutif raille la pertinence de la réforme. La France occupe la 3ème place européenne pour le nombre de parlementaires (925), derrière le Royaume-Uni (1 410) et l’Italie (950), mais est au 4ème rang pour le ratio par habitant. Un parlementaire y représente en moyenne 72 634 habitants. Cette moyenne passerait à 103 683 habitants après la réforme, propulsant le pays au 2nd rang juste après l’Allemagne et loin devant les autres Etats. « Il est permis de se demander ce que pourrait apporter réellement cette réforme, notamment la diminution de 277 parlementaires, par rapport à la qualité du travail législatif, principal argument de la communication gouvernementale sur le sujet ». D’autant, estime-t-il, que cette réduction à 2 députés impacterait négativement la Corse, ses 330 000 habitants et ses territoires ruraux. Cela « risquerait de constituer une régression démocratique qui déséquilibrerait sa représentation au Parlement, et ce d’autant mieux que son caractère d’île-montagne doit être intégré dans la définition des circonscriptions ».
Un zeste de proportionnelle
Même rejet de la deuxième mesure qui instaure l’élection de 61 députés à la proportionnelle sur des listes nationales soumises à l’ensemble du corps électoral, malgré un accord sur le principe. « A l’évidence, l’introduction d’une dose de proportionnelle constitue, sur le principe, une avancée démocratique, mais le pourcentage retenu ne produira pas d’effets significatifs. Les critères prévus pour présenter la liste - liste nationale, soutiens dans 44 circonscriptions, obtention de plus de 3% pour être éligible aux frais de campagne...- accentueront mécaniquement les effets d’éviction concernant la garantie du niveau de représentation de la Corse, déjà altérée par le projet de diminution de moitié du nombre de députés. Nous ne sommes pas sûrs que des candidats corses seront en position éligible », dénonce Gilles Simeoni.
Le non-cumul des mandats
Seule la mesure de non-cumul des mandats dans le temps, qui répond à une vieille ritournelle nationaliste, trouve plus ou moins grâce aux yeux de l’Exécutif, mais il la juge « timide, incomplète, dans des proportions trop limitées ». Le projet de loi prévoit, pour n’importe quel élu, pas plus de trois mandats successifs à partir de 2021, et le non-cumul des fonctions exécutives, selon certains seuils démographiques. En Corse, sont concernées les fonctions de président de l’Exécutif, de l’Assemblée de Corse et des Comcom de plus de 25 000 habitants, ainsi que les maires des communes de plus de 9 000 habitants. La Collectivité de Corse étant une entité nouvelle, les fonctions exercées dans le cadre de l’ex-Collectivité territoriale ne sont pas prises en compte. « Si on veut limiter les mandats, il faut des exigences beaucoup plus fortes. La Corse a besoin, en ce domaine, de mesures propres. Eu égard à son histoire politique, électorale, son organisation administrative et sa sociologie, les enjeux de renouvellement de la vie et du personnel politiques et le besoin de respiration démocratique se posent avec une acuité particulière. Dans ces conditions, nous avons vocation à mener notre propre réflexion sur la question afin de définir les règles les mieux adaptées pour répondre avec efficacité à ces enjeux démocratiques, y compris en élargissant ou en renforçant les règles de non-cumul ».
Avis négatif
Ce point précisé et concédé, l’Exécutif juge, sèchement, la copie gouvernementale fort peu recevable, lui reprochant globalement de ne pas prendre en compte la spécificité et les intérêts propres de la Corse. « A la lecture conjointe de ces deux projets de loi, il apparait clairement que la spécificité géographique ou politique de certains territoires et leur représentation équitable ne sont pas prises en compte. C’est, à l’évidence, le cas de la Corse. Parce qu’ils ont des intérêts propres aux plans politique, économique, social et culturel, la Corse et son peuple doivent voir leur juste représentation garantie dans toutes les institutions où se prennent des décisions les concernant. Cela vaut pour l’Assemblée Nationale et le Sénat, mais également pour le Parlement européen où la Corse doit avoir au moins un siège assuré. Or, le gouvernement et l’Etat refusent, pour l’heure, toute prise en compte de cette légitime revendication. Dans ces conditions, même si certaines dispositions sont intéressantes, on ne peut pas souscrire à ces projets de loi », tranche Gilles Simeoni.
Pas dans le bon sens !
Les projets de loi ne sont guère mieux reçus à droite , mais pour des raisons différentes. Les deux groupes jugent que la réforme « ne va globalement pas dans le bon sens ». Notamment sur la baisse du nombre des députés. « Encore une fois, on s’attaque aux territoires ruraux. En Corse, nous avons déjà été touchés par la suppression de l’échelon de proximité par excellence, la suppression des Conseils départementaux », allègue Valérie Bozzi, présidente du groupe La Corse dans la République. « On n’est pas opposé au principe, mais pourquoi supprimer les élus là où il y a peu de population, et maintenir 20 ou 30 députés à Paris, ce qui n’apporte rien ! Si le Gouvernement ne retient que la dimension démographique, ce sont les territoires ruraux, les plus fragiles, qui perdront des représentants. Or, c’est là que les députés ont un rôle prépondérant. La modification du mode de scrutin est dans la même logique. Il y aura, d’une part, des élus au majoritaire à deux tours, identifiables à leurs circonscriptions avec un poids réel, et, d’autre part, une liste d’élus hors sol, désignée dès le premier tour, sachant que le soir du premier tour, on aura déjà l’interprétation du second tour pour ceux restant à élire dans les circonscriptions », enchaine Camille de Rocca Serra, élu du groupe Per l’Avvene.
Des recommandations
Son colistier et président du groupe, Jean-Martin Mondoloni, renchérit : « Nous ne partageons pas l’esprit de cette réforme, et proposons d’assortir cet avis réservé d’un certain nombre de recommandations en soumettant à l’Assemblée de Corse une série de 6 amendements ». Il désapprouve, notamment, les modalités d’introduction de la proportionnelle : « le scrutin mixte envisagé, combinant majoritaire à 2 tours dans le cadre de circonscriptions identifiées et proportionnelle à 1 tour au niveau national, risquera de fausser le second tour, de renforcer l’influence des partis politiques et de distendre le lien de proximité entre élus et citoyens ». Tout comme, les règles de non cumul : « elles contreviennent au principe de souveraineté qui appartient au peuple qui est seul juge en mesure de sanctionner ses représentants. Nous demandons le retrait des fonctions de président et vice-présidents de l’Assemblée de Corse de la liste des fonctions exécutives locales non cumulables avec un mandat parlementaire, étant donné que ce ne sont pas des fonctions exécutives mais délibératives. Enfin, nous demandons que le seuil d’éligibilité aux remboursements des frais de campagne par l’Etat pour les listes à la proportionnelle passe de 3% à 5% comme pour les candidats aux mêmes élections dans le cadre majoritaire à 2 tours ; taux de 5% que l’on retrouve dans toutes les élections comme seuil de remboursement ».
Un redécoupage innovant
Sans surprise, le groupe macroniste, Andà per Dumane, monte au créneau pour défendre les mesures gouvernementales. Son président, Jean-Charles Orsucci, rappelle que la réduction du nombre de parlementaires est « avant tout un engagement de campagne du candidat Emmanuel Macron qui ne dévie pas de son programme depuis son accession aux responsabilités. De plus, c’est une mesure qui est partagée par la majorité de la population française aujourd’hui. Cette réduction est synonyme d’une augmentation des moyens alloués aux parlementaires, leur permettant de travailler de manière bien plus efficace ». Considérant qu’avec « un total de 4 parlementaires, la Corse aura participé à l’effort national en matière de réduction de ce nombre, tout en gardant une représentation plus qu’acceptable », il veut « innover » et propose « un redécoupage des circonscriptions afin de défendre les intérêts du monde rural ». A savoir, « une circonscription urbaine regroupant les communes de plus de 10 000 habitants », et « une circonscription rurale regroupant le reste de la Corse ». De même, selon lui, l’introduction de la proportionnelle « assurera la pluralité des courants politiques au sien de l’Assemblée Nationale. Son caractère limité est important car il permet de garantir une stabilité des institutions de la Vème République ».
Et après...
Peu enclin à ferrailler face à l’inutilité évidente de l’exercice, le président de l’Exécutif clôt rapidement le débat. Son avis défavorable est adopté par la majorité territoriale. Ses amendements ayant été rejetés, la droite s’est abstenue. Andà per Dumane a voté contre.
Le texte de loi ne prévoyant de consultation obligatoire que pour la loi organique ou ordinaire, l’Assemblée de Corse ne sera pas consultée pour donner son avis sur le projet d’article 72-5 qui inscrit l’île dans la Constitution. Pour le gouvernement, la bataille ne fait que commencer, elle pourrait bien durer jusqu’à l’automne.
N.M.
Trois mesures
C’est sur un ton tout aussi plein de dérision qu’il lit l’intitulé proposé par le gouvernement : « Consultation sur les projets de lois organique et ordinaire pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace », insistant narquoisement sur les trois derniers mots. Comme l’avait fait, quelques minutes auparavant, en ouverture de session, le président de l’Assemblée, Jean-Guy Talamoni, qui avait tenu à préciser que cet intitulé n’était, ni de son fait, ni celui de l’Exécutif territorial. Sur le fond, les deux projets de loi abordent seulement deux volets de la réforme du Parlement. Le projet de loi organique (PLO) fixe l’effectif global des parlementaires et les dispositions fondamentales relatives à leur élection et à l’exercice de leur mandat. Le projet de loi ordinaire (PL) définit les dispositions relatives au mode de scrutin et à la campagne électorale. A la clé, trois mesures substantielles : la réduction du nombre de parlementaires, l’élection d’une partie des députés au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, et la limitation du cumul des mandats dans le temps pour l’ensemble de la classe politique.
Moins de parlementaires
Première mesure : le nombre de parlementaires serait réduit de 30%, avec un rapport global inchangé entre les deux Chambres. Le nombre de députés passerait de 577 à 404, dès le prochain scrutin législatif en 2022. Le nombre de sénateurs tomberait de 348 à 244, dès septembre 2021où la Chambre Haute serait entièrement renouvelée d’un seul coup. Cette date permettrait de tenir compte des résultats des scrutins locaux : municipal en 2020, départemental et régional en 2021. Les sénateurs insulaires, élus en 2014, verraient leur mandat prolongé d’un an. La règle indiquée garantit au moins un député et un sénateur par département, la Corse passerait, donc, de 4 députés à 2, mais garderait ses deux sénateurs. « Ce principe est dicté, selon les rédacteurs de la loi, par leur conviction que l’opinion publique serait globalement défiante et réticente vis-à-vis de la représentation parlementaire, et plus globalement de la démocratie représentative. Je ne suis pas certain que cela soit le cas, et, si ça l’était, qu’il convienne d’encourager ce type de réactions et de limiter les pouvoirs du Parlement », commente Gilles Simeoni. « Il y a, par ailleurs, une volonté de porter atteinte au pouvoir d’amendement en instaurant des quotas par groupe corrélés à la taille du groupe, et en subordonnant leur dépôt en séance publique à un aval obligatoire en commission. Si nous appliquions cette règle à l’Assemblée de Corse, vous ne l’accepteriez pas ! ».
Un risque pour la Corse
Comparant ensuite la situation française à celle de ses voisins européens, le président de l’Exécutif raille la pertinence de la réforme. La France occupe la 3ème place européenne pour le nombre de parlementaires (925), derrière le Royaume-Uni (1 410) et l’Italie (950), mais est au 4ème rang pour le ratio par habitant. Un parlementaire y représente en moyenne 72 634 habitants. Cette moyenne passerait à 103 683 habitants après la réforme, propulsant le pays au 2nd rang juste après l’Allemagne et loin devant les autres Etats. « Il est permis de se demander ce que pourrait apporter réellement cette réforme, notamment la diminution de 277 parlementaires, par rapport à la qualité du travail législatif, principal argument de la communication gouvernementale sur le sujet ». D’autant, estime-t-il, que cette réduction à 2 députés impacterait négativement la Corse, ses 330 000 habitants et ses territoires ruraux. Cela « risquerait de constituer une régression démocratique qui déséquilibrerait sa représentation au Parlement, et ce d’autant mieux que son caractère d’île-montagne doit être intégré dans la définition des circonscriptions ».
Un zeste de proportionnelle
Même rejet de la deuxième mesure qui instaure l’élection de 61 députés à la proportionnelle sur des listes nationales soumises à l’ensemble du corps électoral, malgré un accord sur le principe. « A l’évidence, l’introduction d’une dose de proportionnelle constitue, sur le principe, une avancée démocratique, mais le pourcentage retenu ne produira pas d’effets significatifs. Les critères prévus pour présenter la liste - liste nationale, soutiens dans 44 circonscriptions, obtention de plus de 3% pour être éligible aux frais de campagne...- accentueront mécaniquement les effets d’éviction concernant la garantie du niveau de représentation de la Corse, déjà altérée par le projet de diminution de moitié du nombre de députés. Nous ne sommes pas sûrs que des candidats corses seront en position éligible », dénonce Gilles Simeoni.
Le non-cumul des mandats
Seule la mesure de non-cumul des mandats dans le temps, qui répond à une vieille ritournelle nationaliste, trouve plus ou moins grâce aux yeux de l’Exécutif, mais il la juge « timide, incomplète, dans des proportions trop limitées ». Le projet de loi prévoit, pour n’importe quel élu, pas plus de trois mandats successifs à partir de 2021, et le non-cumul des fonctions exécutives, selon certains seuils démographiques. En Corse, sont concernées les fonctions de président de l’Exécutif, de l’Assemblée de Corse et des Comcom de plus de 25 000 habitants, ainsi que les maires des communes de plus de 9 000 habitants. La Collectivité de Corse étant une entité nouvelle, les fonctions exercées dans le cadre de l’ex-Collectivité territoriale ne sont pas prises en compte. « Si on veut limiter les mandats, il faut des exigences beaucoup plus fortes. La Corse a besoin, en ce domaine, de mesures propres. Eu égard à son histoire politique, électorale, son organisation administrative et sa sociologie, les enjeux de renouvellement de la vie et du personnel politiques et le besoin de respiration démocratique se posent avec une acuité particulière. Dans ces conditions, nous avons vocation à mener notre propre réflexion sur la question afin de définir les règles les mieux adaptées pour répondre avec efficacité à ces enjeux démocratiques, y compris en élargissant ou en renforçant les règles de non-cumul ».
Avis négatif
Ce point précisé et concédé, l’Exécutif juge, sèchement, la copie gouvernementale fort peu recevable, lui reprochant globalement de ne pas prendre en compte la spécificité et les intérêts propres de la Corse. « A la lecture conjointe de ces deux projets de loi, il apparait clairement que la spécificité géographique ou politique de certains territoires et leur représentation équitable ne sont pas prises en compte. C’est, à l’évidence, le cas de la Corse. Parce qu’ils ont des intérêts propres aux plans politique, économique, social et culturel, la Corse et son peuple doivent voir leur juste représentation garantie dans toutes les institutions où se prennent des décisions les concernant. Cela vaut pour l’Assemblée Nationale et le Sénat, mais également pour le Parlement européen où la Corse doit avoir au moins un siège assuré. Or, le gouvernement et l’Etat refusent, pour l’heure, toute prise en compte de cette légitime revendication. Dans ces conditions, même si certaines dispositions sont intéressantes, on ne peut pas souscrire à ces projets de loi », tranche Gilles Simeoni.
Pas dans le bon sens !
Les projets de loi ne sont guère mieux reçus à droite , mais pour des raisons différentes. Les deux groupes jugent que la réforme « ne va globalement pas dans le bon sens ». Notamment sur la baisse du nombre des députés. « Encore une fois, on s’attaque aux territoires ruraux. En Corse, nous avons déjà été touchés par la suppression de l’échelon de proximité par excellence, la suppression des Conseils départementaux », allègue Valérie Bozzi, présidente du groupe La Corse dans la République. « On n’est pas opposé au principe, mais pourquoi supprimer les élus là où il y a peu de population, et maintenir 20 ou 30 députés à Paris, ce qui n’apporte rien ! Si le Gouvernement ne retient que la dimension démographique, ce sont les territoires ruraux, les plus fragiles, qui perdront des représentants. Or, c’est là que les députés ont un rôle prépondérant. La modification du mode de scrutin est dans la même logique. Il y aura, d’une part, des élus au majoritaire à deux tours, identifiables à leurs circonscriptions avec un poids réel, et, d’autre part, une liste d’élus hors sol, désignée dès le premier tour, sachant que le soir du premier tour, on aura déjà l’interprétation du second tour pour ceux restant à élire dans les circonscriptions », enchaine Camille de Rocca Serra, élu du groupe Per l’Avvene.
Des recommandations
Son colistier et président du groupe, Jean-Martin Mondoloni, renchérit : « Nous ne partageons pas l’esprit de cette réforme, et proposons d’assortir cet avis réservé d’un certain nombre de recommandations en soumettant à l’Assemblée de Corse une série de 6 amendements ». Il désapprouve, notamment, les modalités d’introduction de la proportionnelle : « le scrutin mixte envisagé, combinant majoritaire à 2 tours dans le cadre de circonscriptions identifiées et proportionnelle à 1 tour au niveau national, risquera de fausser le second tour, de renforcer l’influence des partis politiques et de distendre le lien de proximité entre élus et citoyens ». Tout comme, les règles de non cumul : « elles contreviennent au principe de souveraineté qui appartient au peuple qui est seul juge en mesure de sanctionner ses représentants. Nous demandons le retrait des fonctions de président et vice-présidents de l’Assemblée de Corse de la liste des fonctions exécutives locales non cumulables avec un mandat parlementaire, étant donné que ce ne sont pas des fonctions exécutives mais délibératives. Enfin, nous demandons que le seuil d’éligibilité aux remboursements des frais de campagne par l’Etat pour les listes à la proportionnelle passe de 3% à 5% comme pour les candidats aux mêmes élections dans le cadre majoritaire à 2 tours ; taux de 5% que l’on retrouve dans toutes les élections comme seuil de remboursement ».
Un redécoupage innovant
Sans surprise, le groupe macroniste, Andà per Dumane, monte au créneau pour défendre les mesures gouvernementales. Son président, Jean-Charles Orsucci, rappelle que la réduction du nombre de parlementaires est « avant tout un engagement de campagne du candidat Emmanuel Macron qui ne dévie pas de son programme depuis son accession aux responsabilités. De plus, c’est une mesure qui est partagée par la majorité de la population française aujourd’hui. Cette réduction est synonyme d’une augmentation des moyens alloués aux parlementaires, leur permettant de travailler de manière bien plus efficace ». Considérant qu’avec « un total de 4 parlementaires, la Corse aura participé à l’effort national en matière de réduction de ce nombre, tout en gardant une représentation plus qu’acceptable », il veut « innover » et propose « un redécoupage des circonscriptions afin de défendre les intérêts du monde rural ». A savoir, « une circonscription urbaine regroupant les communes de plus de 10 000 habitants », et « une circonscription rurale regroupant le reste de la Corse ». De même, selon lui, l’introduction de la proportionnelle « assurera la pluralité des courants politiques au sien de l’Assemblée Nationale. Son caractère limité est important car il permet de garantir une stabilité des institutions de la Vème République ».
Et après...
Peu enclin à ferrailler face à l’inutilité évidente de l’exercice, le président de l’Exécutif clôt rapidement le débat. Son avis défavorable est adopté par la majorité territoriale. Ses amendements ayant été rejetés, la droite s’est abstenue. Andà per Dumane a voté contre.
Le texte de loi ne prévoyant de consultation obligatoire que pour la loi organique ou ordinaire, l’Assemblée de Corse ne sera pas consultée pour donner son avis sur le projet d’article 72-5 qui inscrit l’île dans la Constitution. Pour le gouvernement, la bataille ne fait que commencer, elle pourrait bien durer jusqu’à l’automne.
N.M.