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Report de la visite de Gérald Darmanin : le consensus exigé par l’État reste difficile à trouver


le Lundi 5 Février 2024 à 20:01

Le ministre de l'Intérieur, attendu en Corse mercredi et jeudi, a choisi de différer son déplacement de quelques semaines avançant que "les conditions sereines" n'étaient pas réunies pour celui-ci. Au-delà d'un certain regain de tension, c'est le manque d'avancées sur le texte commun exigé par le Président de la République lors de sa venue sur l'île en septembre afin d'ouvrir la voie à une autonomie de la Corse qui ferait défaut. Et à quelques semaines de l'échéance fixée par Emmanuel Macron, l'unanimité tant escomptée semble encore difficile à récolter.



L'Assemblée de Corse devrait se prononcer sur le texte soumis à l'État dans les prochaines semaines (Photo : Archives Michel Luccioni)
L'Assemblée de Corse devrait se prononcer sur le texte soumis à l'État dans les prochaines semaines (Photo : Archives Michel Luccioni)
Il était attendu dans l’île mercredi et jeudi. Mais dimanche soir, l’entourage du ministre de l’Intérieur l’a confié à nos confrères de Corse Matin : Gérald Darmanin a décidé de reporter sa visite « de quelques semaines ». Une décision que le ministère de l’Intérieur motive avant tout par le fait que « les conditions sereines ne sont pas réunies » après l’occupation de la résidence secondaire du Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, samedi à Centuri par des militants de Core in Fronte. Une justification qui a du mal à passer dans les rangs du parti indépendantiste. « Il y a des gens au sein des services de l’État qui s’amusent à instrumentaliser la situation. On voit nos jeunes condamnés à de lourdes amendes, un de nos militants convoqué par rapport au Fijait, le président de l’Exécutif qui lui-même reçoit des coups sous la ceinture  et bien entendu les deux militants de Nazione qui ont été transférés manu militari sur Paris  après une intervention musclée chez eux le matin à l’aube, avec des enfants dans l’appartement. Donc effectivement, la situation n’est pas à l’apaisement, mais cela n’est pas de notre fait et nous sommes obligés de constater que cela vient d’une partie des services de l’État », siffle ainsi Jean-Baptiste Arena, conseiller territorial Core in Fronte. 
 
Des points de désaccord difficiles à dépasser
Selon des proches du dossier, ce regain de tension serait de plus loin d’être la seule raison du report du déplacement ministre de l’Intérieur. Ce dernier aurait en effet constaté une avancée insuffisante sur le texte commun qu’Emmanuel Macron avait demandé aux élus corses de construire lors de sa venue dans l’île afin d’ouvrir la porte à une révision constitutionnelle pour une autonomie de la Corse. « Gérald Darmanin aurait, je pense, souhaité repartir jeudi soir avec une base de travail très avancée, et force est de constater qu’aujourd’hui nous n’en sommes pas là et qu’il n’y a pas sur la table de l’Assemblée de Corse un document qui ferait état de quel qu’accord que ce soit », concède Jean-Martin Mondoloni, le co-leader du groupe de droite Un Soffiu Novu, « Je ne dis pas qu’un consensus n’existera pas, mais en tous cas à ce jour il y a encore des points de désaccord qui me semblent profonds. L’Assemblée de Corse travaille en bonne intelligence avec la volonté de dégager, chaque fois que cela est possible, des points d’équilibre, mais il faudra peut-être acter à un moment donné qu’on ne pourra pas nous rapprocher sur tous les points de vue, sans quoi il n’y aurait pas eu deux délibérations en juillet dernier. Et ça, le ministre de l’Intérieur et le Président doivent l’entendre. Ils ne doivent pas conditionner l’avancée d’un processus à l’unanimité ».
 
Une unanimité impossible ?
Dans la même veine, Jean-Baptiste Arena le martèle, pour Core in Fronte « il est hors de question de descendre en dessous de la délibération du 5 juillet » et pour que le processus aboutisse, il convient donc que le Gouvernement revoie ses exigences de consensus, tant certaines revendications essentielles du mouvement nationaliste sont antinomiques avec la ligne portée par la droite. « En tant qu’indépendantistes, nous avons déjà baissé notre curseur personnel, à savoir descendre sur une autonomie comme celle des Açores qui est pesée, nous ne pouvons pas aller en deçà. J’espère que l’État reviendra à la raison parce que sinon, on va rentrer à nouveau dans des zones de turbulences que personne ne veut et ne pourra anticiper », avertit-il. Pourtant, si Jean-Christophe Angelini, président du groupe Avanzemu, regrette pour sa part « l’impréparation essentiellement due à la majorité territoriale », il veut lui rester encore optimiste. « Ce pays a montré qu’il est capable de trouver des solutions dans des moments autrement plus difficiles que celui-là », souffle-t-il en abondant : « La conférence des présidents de vendredi dernier s’est plutôt bien déroulée. La conscience de devoir élaborer un texte commun rapidement est plutôt bien installée sur tous les bancs, reste à le matérialiser. L’enjeu aujourd’hui est de constitutionnaliser un accord politique entre Corses à très brève échéance. Il faut que les choses soient très vite conclues par un texte qui a vocation à être commun. Donnons-nous encore un peu de temps avant d’affirmer qu’il n’y aura aucun texte commun ou qu’un texte commun est déjà acquis. Aucune des deux options n’est aujourd’hui sur la table, la seule qui reste, c’est celle du travail. Si d’ici trois semaines nous n’y sommes pas parvenus, alors il faudra acter un échec dont tout le monde sera comptable ».
 
Lors d’une conférence de presse ce lundi soir à Bastia, Femu a Corsica, le parti de la majorité territoriale, a lui aussi marqué son bon espoir de parvenir à un texte commun.  « Nous croyons qu’un accord politique large peut être conclu dans les toutes prochaines semaines », ont indiqué les membres du mouvement, en précisant cependant « large ne signifie pas « unanime » car en démocratie, l’impératif de l’unanimité n’est pas opposable ». « Face à la gravité de la situation et des enjeux, nous disons avec solennité que chacun doit à présent prendre ses responsabilités, dépasser ses réflexes partisans et saisir cette opportunité historique », ont-ils encore lancé.