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Selon Patrick Rébillout, la sécheresse que connaît l'Est de la Haute-Corse est "complément inédite"


Rose Casado le Mercredi 14 Août 2024 à 22:06

En Haute-Corse, 137 communes du Cap Corse, du Nebbiu et de la Plaine Orientale font face à une sécheresse sans précédent, faute de précipitations depuis plus d'un an. Une situation préoccupante qui a conduit le comité de ressources en eau à se réunir une nouvelle fois ce lundi 12 août à Bastia. À cette occasion, Patrick Rébillout, directeur du Centre Météo-France d’Ajaccio, a insisté sur le caractère inédit de cette sécheresse, en pointant que ce scénario pourrait devenir la norme dans les années à venir, comme il l'explique à CNI.



Patrick Rébillout, directeur du Centre Météo-France d’Ajaccio, a livré ses analyses sur la situation préoccupante que vivent le Nebbiu, le Cap Corse et la Plaine orientale, lundi 12 août 2024.
Patrick Rébillout, directeur du Centre Météo-France d’Ajaccio, a livré ses analyses sur la situation préoccupante que vivent le Nebbiu, le Cap Corse et la Plaine orientale, lundi 12 août 2024.

- La côte orientale de la Corse a-t-elle déjà connu de telles sécheresses ?
- C'est complètement inédit depuis 1960. Nous observons cela grâce à des indices d'humidité du sol qui permettent la classification de la sécheresse agricole que l'on observe sur la Plaine orientale. Mais plus largement, sur l'ensemble de la côte orientale. Nous sommes vraiment dans une sécheresse agricole exceptionnelle.

- La façade orientale était jusqu’ici la plus arrosée de l'île. Comment expliquer ce défaut de précipitations depuis plus d’un an ?
- La côte orientale était effectivement la zone la plus exposée aux grandes remontées de précipitations venues du Sud-Ouest, ce qui lui offrait beaucoup d'eau. Mais cette année, nous observons que beaucoup moins de précipitations sont intervenues sur cette partie du département. Pour aller plus loin, il faut être prudent, car les prévisions climatiques dépendent des scénarios prévus en fonction des émissions de gaz à effet de serre. Mais en prenant un scénario intermédiaire, nous voyons sur la partie orientale du département un signal de diminution des précipitations. C'est assez faible, mais c'est visible. Même si cette sécheresse est propre au climat méditerranéen, elle va être renforcée par le réchauffement climatique. Il est donc très probable que l'on retrouve plus fréquemment des épisodes de sécheresse dans les années à venir.

- Les sécheresses comme celle que connaît actuellement la côte Est de la Corse pourraient donc devenir la norme dans les prochaines années ?
- Oui, nous sommes certains de ce qu'il va se passer au niveau des températures. Le réchauffement climatique a un impact sur le cycle hydrologique, même si son intensité va dépendre des émissions de gaz à effet de serre. Sur le cycle hydrologique, les modèles projettent que nous allons vers une augmentation des événements secs et en même temps vers une hausse des événements humides. En clair, il va y avoir davantage de sécheresse intense et quand la pluie va tomber, ce sera beaucoup plus fort, voire violent.

- Quelle analyse faites vous des températures enregistrées en Corse au cours des derniers mois ? 
- Nous sommes face à la période hydrologique la plus chaude jamais observée en Corse. Nous avons encore 15 jours de mois d'août, mais cela m'étonnerait que les températures chutent suffisamment pour que cela s'annule. C'est aussi pour cela que nous sommes face à une situation de sécheresse agricole exceptionnelle (lorsque ce manque de pluie a une incidence directe sur les sols et la végétation, on parle de sécheresse agricole, ndlr). Il n'a pas beaucoup plu et il n'a jamais fait aussi chaud. Nous observons une hausse de 1,5 degré en moyenne dans le département. Mais si on regarde des micro-régions comme le Fium Orbu ou la Plaine orientale, depuis septembre 2023 et jusqu'à maintenant, nous voyons jusqu'à 3 degrés au-dessus de la normale. Avec ces chaleurs, la pluie s'évapore beaucoup plus vite. Et les pluies sont forcément moins efficaces même au mois de juin, puisqu'il fait déjà plus chaud qu'à l'accoutumée.
 

- Quand peut-on espérer un retour des précipitations ?
- Nous pouvons de moins en moins compter sur les pluies qu'on attendait aux alentours du 15 août. Même si nous pouvons en espérer cette année, nous ne savons pas à quelle intensité nous attendre. Au regard des années précédentes, on remarque que les pluies conséquentes arrivent de plus en plus tard. Dans l'idéal, il faudrait voir arriver des pluies stratiformes (longues et douces) et non convectives (averses violentes sous forme d'orages ayant tendance à ruisseler au lieu de s'infiltrer). Et il faudrait surtout qu'elles s'abattent durant la saison de recharge, à compter de septembre jusqu'au mois de mars, avec de la neige en prime.