Corse Net Infos - Pure player corse

Sophie Beau – SOS Méditerranée : “Beaucoup de fantasmes circulent sur des débarquements en Corse”


le Samedi 21 Septembre 2024 à 07:48

ONG engagée dans le sauvetage des migrants en mer, SOS Méditerranée a organisé 424 opérations et secouru 40 115 personnes depuis sa création il y a huit ans. Un engagement humanitaire qu'elle poursuit à terre en témoignant de la réalité de l'urgence qui se joue en Méditerranée. Dans cette optique, l'association prévoit de mettre sur pied sa première antenne bénévole en Corse, afin de poursuivre sa mission d'information du grand public sur ces drames humanitaires . Une nouvelle qui a créé quelques remous au cours des derniers jours. Sophie Beau, la co-fondatrice et directrice générale de SOS Méditerranée détaille pour CNI les raisons qui ont poussé sa structure à vouloir trouver un écho sur l'île.



SOS Méditerranée souhaite mettre sur pied une antenne bénévole en Corse afin de poursuivre sa mission d'information sur les drames humanitaires qui se joue en Méditerranée (Crédit photo : SOS Méditerranée)
SOS Méditerranée souhaite mettre sur pied une antenne bénévole en Corse afin de poursuivre sa mission d'information sur les drames humanitaires qui se joue en Méditerranée (Crédit photo : SOS Méditerranée)
- Quelles sont les missions de SOS Méditerranée ?
- SOS Méditerranée est une organisation humanitaire de recherche et de sauvetage en mer, qui se base sur le droit maritime international pour aller porter secours à des embarcations en détresse. Nous agissons sur l'axe de Méditerranée centrale, entre les côtes de Libye, de Tunisie et l'Italie, parce que c'est l'axe migratoire le plus meurtrier au monde. Notre mission principale, c'est de sauver des vies en mer. Notre deuxième mission, c'est de protéger les rescapés jusqu'à leur débarquement dans un lieu sûr, parce que dans le droit maritime, la définition d'un sauvetage s'arrête au moment où les personnes sont débarquées dans un lieu sûr où leurs besoins essentiels sont satisfaits. Et notre troisième mission, elle est portée à terre, c'est le témoignage.
 
- Vous allez justement ouvrir une première antenne bénévole en Corse pour porter cette mission de témoignage. Quels seront ses objectifs ?
- Il faut déjà préciser qu’il n'y a pas d'antenne physique qui va être installée en Corse, peut-être que cela contribuera à dissiper un certain nombre de malentendus. Une antenne de SOS Méditerranée dans un territoire, c’est un réseau de bénévoles qui se regroupent pour organiser des actions de sensibilisation auprès du grand public ou des scolaires afin d’informer sur les drames humanitaires qui se passent en Méditerranée et sur l'action de SOS Méditerranée. On se base vraiment sur la légitimité de notre présence en mer pour pouvoir rapporter, en tant que témoins directs, ce que nous voyons et diffuser ces informations au sein de la société. En Corse, quelques initiatives très ponctuelles ont pu avoir lieu ces dernières années. L'idée aujourd’hui c'est vraiment de rencontrer les personnes qui souhaitent faire du bénévolat pour SOS Méditerranée, et d'organiser cette mobilisation citoyenne sur le territoire Corse. 
 
Lundi, Mothership tourné sur votre navire l’Ocean Viking sera diffusé au cinéma le Régent à Bastia. À travers ce documentaire de la journaliste Muriel Cravatte, le but est-il là-aussi de faire prendre conscience au grand public de l’urgence qui se joue en Méditerranée ?
- Depuis huit ans que SOS Méditerranée est en mer, nous témoignons autant que nous le pouvons sur cette réalité. Avec Mothership, l'idée c'est vraiment d’en rendre compte directement, par le biais d'une journaliste totalement indépendante, qui a fait un documentaire – qui a d’ailleurs été coproduit avec France 3 Corse-, sur lequel SOS Méditerranée n'a eu aucun droit de regard. Notre mission d'information et de témoignage, nous la menons aussi en accueillant à bord des journalistes, des documentaristes, des réalisateurs qui vont, de manière totalement indépendante, capter un certain nombre de faits, d'images et retranscrire cela auprès d'un plus large public. 
 

Sophie Beau est la co-fondatrice et la directrice générale de SOS Méditerranée (Crédit photo : SOS Méditerranée)
Sophie Beau est la co-fondatrice et la directrice générale de SOS Méditerranée (Crédit photo : SOS Méditerranée)
- Constatez-vous un intérêt en Corse pour l’action de SOS Méditerranée ?
- Oui, il y a vraiment un intérêt de la Corse pour ce sujet. Au cours des dernières années, nous avons eu à plusieurs reprises des propositions de bénévolat. Je pense qu'en Corse il y a une proximité, encore plus qu'à Marseille où est basée notre association, avec la Méditerranée centrale qui n’est finalement pas très loin. Mais en même temps, il y a beaucoup de fantasmes qui circulent sur des débarquements en Corse, alors qu’il n'y a pas du tout de débarquements en France qui soient programmés. Le droit maritime prévoit que quand on fait un sauvetage, on doit débarquer des personnes sans délai dans un port sûr. Cela veut dire que ce sont toujours les territoires les plus proches qui sont concernés. Il faut aussi rappeler que ce n'est jamais le navire mais toujours les autorités maritimes des États côtiers qui décident où il doit aller débarquer. Dans 100% des cas, jusqu'à ce jour, SOS Méditerranée a toujours respecté les instructions des autorités maritimes qui ont été données au capitaine pour aller dans tel ou tel port, y compris quand on a été débarqué à Toulon. Il y a beaucoup de thèses farfelues qui circulent, qui disent qu'on veut aller débarquer les gens à tel ou à tel endroit. Nous, nous voulons juste que les gens soient sauvés en mer dans des cas de détresse imminente absolue, où soit on tend la main et on sauve une vie, soit il y a des morts en plus dans cet immense cimetière de Méditerranée. On ne sait d’ailleurs même pas précisément combien de personnes y disparaissent. Il y a des estimations a minima d’agences des Nations Unies qui estiment que 30 309 personnes sont mortes en Méditerranée entre 2014 et aujourd'hui. On sait bien que c'est bien plus que ça. 
 
- Un article dans nos colonnes annonçant justement votre venue en Corse et cette première antenne bénévole sur Lille a créé la polémique et causé l’annulation d’une conférence que vous deviez tenir dimanche au Parc Galea. Est-ce une réaction à laquelle vous vous attendiez ou à laquelle vous êtes habitués ?
- Honnêtement, il ne faut pas non plus focaliser toute l'attention sur cela, parce qu'il y a plein d'autres rendez-vous qui se poursuivent. Nous rencontrons des bénévoles, nous avons cette projection qui est prévue lundi soir à Bastia, nous rencontrons aussi des élus Corses. Il y a un intérêt pour la mission de SOS Méditerranée qui est vraiment sincère et qui n'est pas nouveau en Corse. De toutes façons, nous sommes dans un environnement qui instrumentalise ces questions-là avec énormément de fausses informations qui circulent. Par exemple, SOS Méditerranée ne dispose d’aucune antenne où des migrants qui sont accueillis ou débarquent. Pour notre part, nous avons une mission compliquée à mener par ailleurs, qui concerne un sujet de vie ou de mort pour des milliers de personnes et nous préférons mobiliser notre énergie sur la poursuite de cette mission et la poursuite de la mobilisation des citoyens, puisque nous avons besoin de 24 000 € par jour pour mener notre mission de sauvetage en mer. Et ces 24 000 € par jour, on les trouve très majoritairement auprès des citoyens.
 
 
 
 
Pour faire un don à SOS Méditerranée : https://don.sosmediterranee.org/arya/~mon-don?_cv=1