Préparé quelques jours avant la Toussaint, l’üga siccata est plus qu'un simple pain : il incarne un héritage précieux. Sté Serra, secrétaire de la Cunfraternita di Santa Maria Maddalena, décrit ce pain comme "un morceau d'histoire" et évoque ses souvenirs d’enfance où son père faisait le tour des boulangers pour s'assurer d'avoir ce symbole sur la table lors de la Nuit des Morts. "C'est un des aliments qu'il posait sur la table dans la nuit du 1er au 2. Je continue ce qu'il m'a laissé et je transmets cette tradition à ma fille", confie-t-il.
Les racines de l’üga siccata remontent au IXe siècle en Italie, notamment à Gênes et Sienne, où l'on trouve des traces d'un Pan co' Santi, un gâteau sucré à base de fruits secs. Selon Sté Serra, "le pain des morts est un peu une version basse du panettone, c'est-à-dire que la pâte n'a pas levé." En effet, le pain de Sienne, bien qu'il soit poivré, présente des similarités avec l’üga siccata.
Un Lien entre vivants et défunts
Les confréries bonifaciennes jouent un rôle essentiel dans la transmission de ces traditions. Sté Serra insiste sur l'importance de cette continuité : "C'est essentiel, plus on explique aux nouvelles générations, plus nos valeurs et nos traditions perdureront." Chaque année, il dépose des noix, du raisin, de l'eau et du vin pour honorer les défunts, mais "l'emblématique, c'est l'üga siccata." Ce rituel crée un lien fort avec les ancêtres, renforçant leur présence au sein des foyers. "Le pain est un aliment central, il nourrit et crée du lien. Il semble logique qu'on ait pris du pain pour nourrir les âmes", ajoute-t-il.
Cependant, l'afflux touristique à Bonifacio a conduit à une commercialisation de certaines traditions, mettant en péril leur signification originelle. L’üga siccata, maintenant présentée comme une spécialité locale, risque de perdre son authenticité face à la demande des visiteurs. "La modernisation transforme des pratiques pour répondre à des exigences contemporaines. Pourtant, l'âme des défunts, étrangère à cette évolution, partagera, lors d'une nuit, l'üga siccata avec les vivants", conclut le Bonifacien.
Ainsi, la Nuit des Morts à Bonifacio demeure un moment de connexion entre les vivants et les défunts. L’üga siccata continue de symboliser cette tradition sacrée, préservant un héritage culturel riche et vivant au sein de la communauté bonifacienne.