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Une piscine en mer, l’étonnant projet que porte la mairie de Santa Lucia di Portivechju


le Dimanche 23 Février 2025 à 19:10

Se baigner dans une piscine, mais en mer, c’est le projet atypique qui pourrait voir le jour dans la baie de Pinareddu. Les élus de Zonza Santa Lucia di Portivechju ont rendez-vous ce 25 février avec les services de l’État, pour étudier la faisabilité d’une telle implantation. En cas de feu vert, le projet sera soumis au vote du conseil municipal, pour une installation espérée à l’été 2026.



La piscine serait accessible via le ponton. Son emplacement précis reste à déterminer.
La piscine serait accessible via le ponton. Son emplacement précis reste à déterminer.
Une piscine publique, l’Extrême-Sud en est dépourvue. Les équipements les plus proches se trouvent dans le Fium’Orbu ou dans le Valincu, soit entre 40 minutes à 1 h 30 de route. Un projet de piscine intercommunale existe à Porto-Vecchio, mais c’est un serpent de mer et les habitants désespèrent de le voir se concrétiser, quand bien même le président de la communauté de communes du Sud-Corse, Jean-Christophe Angelini, a annoncé vouloir déposer le permis de construire cette année.

Dans l’attente, l’intercommunalité s’est dotée d’un centre aquatique mobile : on parle d’un bassin de 8 mètres de long, dans un camion, qui peut être déplacé dans toutes les communes de l’Extrême-Sud. Une piscine mobile ? « À vrai dire, on n’était pas très partants », reconnaît le maire de Zonza Santa Lucia, Nicolas Cucchi, plutôt perplexe à l’idée d’apprendre à nager aux enfants dans un camion, alors qu’ils ont la chance de vivre dans une micro-région aux plages exceptionnelles, enviées de tous. 

"Impact environnemental"

« Pas besoin de piscine ici, on a la mer. » Cette phrase, tout le monde l’a entendue à Portivechju, sauf que, pour apprendre à nager, une piscine apporte des conditions de sécurité incomparables. S’il n’est pas interdit d’apprendre à nager en mer dans le cadre scolaire, ce type de séance doit remplir d’exigeantes conditions en termes de sécurisation et de moyens humains, pour se voir délivrer une autorisation de l’inspection de l’Éducation nationale. 

Sauf que construire une piscine municipale, « c’est 18 millions d’euros d’investissement », fait remarquer Nicolas Cucchi. Sans parler des charges de fonctionnement : une piscine municipale est a priori toujours déficitaire. Au-delà des considérations financières, le maire ne voit pas non plus l’intérêt de plancher sur un projet de piscine en dur qui viendrait concurrencer celui de Portivechju, distant de quinze minutes seulement. Dernier argument, et non des moindres, en la défaveur d’un tel projet : « Son impact environnemental », souligne Nicolas Cucchi. 

Exit, donc, le camion et le chlore. Exit aussi les magnifiques piscines naturelles de la vallée du Cavu, dans lesquelles personne n’a jamais émis l’idée saugrenue de délimiter des couloirs de nage... et c’est rassurant. Reste la mer. « J’ai appris à nager dans la baie de Pinareddu, se souvient le maire, soudain nostalgique. J’aimerai que nos enfants en fassent autant. » 

Une piscine posée sur la mer

Et le projet, c’est celui-ci : une piscine rectangulaire de 25 mètres de long, non couverte, encadrée par des platelages en bois. Elle serait posée sur la mer, littéralement, accessible via le ponton de Pinareddu. Inévitablement l’hiver, elle se retrouverait à la merci des intempéries, du froid et des vagues, ce qui exclut de pouvoir l’utiliser toute l’année, comme c’est généralement le cas des piscines publiques. D’ailleurs, Nicolas Cucchi ne s’en cache pas : « Si elle est ouverte six à huit mois par an, ce sera bien. » À ce propos, la municipalité de Zonza Santa Lucia souhaiterait obtenir de l’État « une autorisation spéciale » pour ne pas avoir à démonter la structure le reste de l’année (sauf en cas de tempête).

Quelles différences avec un bain de mer ?

Un tel équipement pourrait coûter « environ un million d’euros », installation comprise, et il serait « subventionnable à 80 % », détaille Nicolas Cucchi. Bien moins coûteux qu’une piscine en dur, certes, mais nager dans une piscine en mer, est-ce réellement si différent que nager en mer ? Pour tous ceux qui souhaitent suivre un entraînement précis, la réponse est oui, répond-on en mairie. En effet, la piscine de Pinareddu serait divisée en six lignes d’eau, ce qui permettrait aux nageurs de multiplier les longueurs. Le projet prévoirait d’installer en complément, sur la plage, une douche et des vestiaires en modulaire. Idéal pour les écoliers qui, une fois leur session terminée, pourraient se dessaler avant de retourner sur les bancs de l’école. Et puis il y a l’argument de la sécurité : la piscine sera surveillée durant les horaires d’ouverture par un maître-nageur. Bien que posée sur la mer, elle sera dotée d’un fond rigide, comme une vraie piscine, à environ 1,30 mètre de profondeur : « Mine de rien, il y a des gens qui ne sont pas à l’aise avec la nage en milieu naturel et à cet égard, ce fond rigide sera extrêmement sécurisant », estime Vincent Grolleau, le fondateur de la fondation Respect, dont l’une des missions est d’accompagner les athlètes de haut niveau qui ne vivent pas de leur sport, en leur trouvant des partenaires ou bien des stages. 

Faire de Pinareddu un spot reconnu de nage en eau libre 

La fondation Respect a basé son centre d’entraînement à Sainte-Lucie. Soucieux d’en faire un écrin pour le triathlon, Vincent Grolleau dit avoir soufflé l’idée de la piscine en mer aux élus locaux : « Je leur ai proposé ce projet, car j’avais connaissance de l’existence de ce type de bassin écologiquement vertueux. En France, il existe très peu de projets comme celui-ci. Ça se développe surtout dans le nord de l’Europe. Et pour un nageur en eau libre, pouvoir s’entraîner à la fois dans une piscine en mer avant de pouvoir poursuivre en distance dans la baie, il n’y aurait pas d’équivalent dans le monde. » Des conditions d’entraînement idéales pour la nage en eau libre, qui pourrait faire de la piscine de Pinareddu un spot reconnu par les compétiteurs. « On pourrait postuler pour devenir une manche du championnat de France, et même du monde », se prend à espérer Nicolas Cucchi.

Mais avant cela, il conviendra d’obtenir le feu vert de l’État et celui du conseil municipal. Le cas échéant, il faudra effectuer des études de bathymétrie pour s’assurer de la résistance de la structure par rapport à l’action des vagues. Et si tout se passe bien, les premiers bains de mer… en piscine pourront être pris à l’été 2026.