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VIDEO - Tensions à Bastia autour de l’implantation d’une antenne de SOS Méditerranée en Corse


MV le Lundi 23 Septembre 2024 à 19:45

Ce lundi 23 septembre, la projection du documentaire "Mothership" à Bastia a été perturbée par des échauffourées entre une quinzaine de militants d'extrême-droite et des manifestants antifascistes. Au cœur des tensions : l'ouverture d'une antenne bénévole de SOS Méditerranée en Corse.



Alexis Fernandez, FilippoDi Carlo ett Christophe Canioni
Alexis Fernandez, FilippoDi Carlo ett Christophe Canioni
Annoncée comme pacifique, la manifestation contre l’ouverture d’une antenne bénévole de SOS Méditerranée en Corse a pris une tournure tendue ce lundi 23 septembre à Bastia. Peu avant 19 heures, Filippo De Carlo, président de Forza Nova, et Alexis Fernandez, représentant du mouvement Rassemblement pour la Corse, ont tenté de s’exprimer devant le cinéma Le Régent. Opposés à l'implantation de l’ONG sur l’île, ils ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme un risque d’« invasion migratoire ».

Leur discours a immédiatement suscité des vives réactions parmi les 200 personnes venues assister à la projection du documentaire Mothership, déclenchant la résistance d’une partie du public. Au son de Bella Ciao, les manifestants antifascistes ont scandé « Fascisti fora » en réponse à ce qu’ils jugeaient être des propos d’extrême droite. « Je suis ici pour dire non au fascisme et aux extrêmes », a déclaré une jeune manifestante, tandis que des retraités se joignaient également à la mobilisation. « Les Corses ne sont pas fascistes », a affirmé l’un d’eux.

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La situation s’est rapidement dégradée, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre pour éviter que les échauffourées ne prennent plus d'ampleur. Si la police a permis aux spectateurs de rejoindre la salle, des heurts ont continué de manière sporadique à l’extérieur du cinéma

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Une opposition marquée

Les partisans de l'extrême-droite ont ensuite enchaîné sur un discours alarmiste, « Nous devons protéger notre île. La Corse n’a pas les moyens d’accueillir des migrants. » indique Filippo De Carlo évoquant le risque d'une pression migratoire accrue en cas d'implantation de l'antenne de SOS Méditerranée sur l'île. « En Grèce et en Italie, on a vu les conséquences de l'installations des ONG. Aujourd'hui, ces pays sont submergés par les migrants, comme à Lampedusa. Cette petite île de 5 000 habitants se retrouve avec une population décuplée. Les migrants errent dans les rues, sans que ces territoires n’aient quoi que ce soit à leur offrir. » Il a également fait référence à un précédent en Corse : « On l’a vu avec l’affaire de l’Aquarius, quand Simeoni (le président du Conseil Exécutif NDLR) s’était proposé de l’accueillir. Nous disons que, sur le plan humanitaire, le secours doit être porté en mer, mais pas à terre. Dès qu’ils posent le pied sur notre sol, ils y restent au moins six mois, voire plus. Quelle structure en Corse peut les accueillir ? Aucune. »

Filippo De Carlo a poursuivi son argumentaire en dénonçant ce qu'il considère comme un manque de considération de la majorité territoriale pour les insulaires :  « La majorité territoriale ferait mieux de se préoccuper de la population corse plutôt que de chercher à résoudre les problèmes du monde entier. Nous sommes une île, et nous devons protéger nos ressources. Secourir en mer, oui, mais le pied à terre, non. Nous sommes fermement contre. »


Une riposte de la société civile et des figures publiques

À l’intérieur, la projection du documentaire a finalement pu avoir lieu après une heure de retard, dans une salle comble. Patizia Poli, représentante de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), n'a pas mâché ses mots à l’égard des manifestants d’extrême-droite. « Ce qui s’est passé ce soir et ces derniers jours en Corse est inacceptable, » a-t-elle déclaré. « Nous sommes révoltés par les propos nauséabonds et calomnieux qui ont été tenus. Des responsables d’extrême-droite corses accusent SOS Méditerranée de traite d’êtres humains. C’est une honte. » Elle a ensuite salué la résistance de la société civile face à ces discours : « Nous soutenons sans réserve l’implantation de cette antenne bénévole. Il est inconcevable que des Corses ne puissent pas librement choisir de s’engager dans une cause humanitaire, simplement parce qu’ils sont intimidés par des mouvements extrémistes. Ce soir, nous avons montré que la solidarité avec SOS Méditerranée existe en Corse. »

Michèle Corrotti, présidente du festival Arte Mare, a tenu à souligner l’importance du documentaire Mothership, déjà présenté en mars lors du festival Ciné Donne. « Ce film montre le travail remarquable de SOS Méditerranée et met en lumière le calvaire des femmes migrantes. En tant que festival méditerranéen, nous sommes tout simplement du coté de l'humanisme. »

De son côté, Sophie Beau, co-fondatrice de SOS Méditerranée, a exprimé son émotion face à la tournure des événements : « La création de cette antenne bénévole en Corse a suscité des réactions très vives. C’est surprenant, car lors de la première projection de ce film à Bastia, tout s’était déroulé paisiblement. Pourtant, je suis heureuse de pouvoir dire qu’en dépit de ces tensions, notre première antenne bénévole est déjà en place sur l’île. » Elle a ensuite rappelé la mission essentielle de l’ONG : « Nos missions sont extrêmement difficiles. Nous parlons ici de vie ou de mort. Il est inconcevable qu’en 2024, le droit à la vie puisse encore être remis en question à cause de la couleur de peau ou des origines des personnes que nous secourons. Si nous ne les sauvons pas, ces gens meurent en mer. C’est aussi simple que cela. »
 

Malgré une heure de retard et quelques incidents mineurs à l’extérieur pendant la diffusion, le documentaire Mothership a finalement pu être projeté.
Le maire de Bastia, Pierre Savelli, accompagné de plusieurs adjoints et du député Paul-André Colombani, a assisté discrètement à la projection, une présence notée parmi les nombreuses personnalités culturelles insulaires présentes dans la foule.
Le maire de Bastia, Pierre Savelli, accompagné de plusieurs adjoints et du député Paul-André Colombani, a assisté discrètement à la projection, une présence notée parmi les nombreuses personnalités culturelles insulaires présentes dans la foule.