Dans un élan unanime, les élus de la CdC se sont prononcés pour la création d’un CHU en Corse. L’idée est pétrie de bonnes intentions, mais elle ne peut dissimuler que des lobbyings du privé sont également à la manœuvre.
Partout où a été mis en œuvre ce marché de dupes que constitue le partenariat privé-public, les activités dites lucratives sont tombées dans l’escarcelle du premier pendant que le second héritait des activités moins rémunératrices. La vieille antienne qui consiste à privatiser les bénéfices et à collectiviser les déficits s’avère de longue date opérante dans notre pays.
Nous contestons radicalement le rapport introductif présenté devant les élus par une responsable de la majorité territoriale. Le diagnostic est totalement erroné. Là où une approche fondée sur l’existant aurait dû prévaloir, s’est imposée une fuite en avant qui tient plus d’une doxa politique que d’une approche rationnelle prenant réellement en compte les problématiques.
C’est ainsi qu’en lieu et place d’un rapprochement des plateaux techniques au plus près de nos microrégions et des déserts médicaux, d’aucuns préconisent la concentration des moyens sur une mégastructure. La présentation du volet formation néglige en tout premier lieu les approches pédagogiques qui devraient logiquement fonder un socle. C’est négliger profondément le fait que de nombreuses compétences en matière de formation ont été construites par des professionnels de la santé, qui par ailleurs sont toujours en attente d’une École Régionale de Santé, projet paralysé par des querelles de clochers et des intérêts corporatistes.
L’annonce de la création d’un Institut de Formation des Cadres de Santé est présentée comme une innovation. Faux. Plusieurs promotions se sont succédé en Corse avant que, par des décisions arbitraires, ne soit mis un terme à cette formation. Pour mémoire, la dernière promotion produite date déjà de 2009. Le paradigme de formation en alternance signifie que toutes les catégories professionnelles bénéficient pleinement de cet axe pédagogique, y compris sous la forme de stages effectués hors de Corse et si possible en direction de pôles d’excellence. Il fut des temps où faire ses humanités impliquait que des étudiants sillonnent les universités européennes. C’est ce que préconise le processus dit de Sorbonne-Bologne depuis 1998…. A l’évidence, il n’est pas connu de ceux et celles qui se targuent aujourd’hui de penser la formation.
Nous constatons également que personne parmi les élus ne s’est prononcé pour la dissolution de l’ARS de Corse, laquelle en fidèle rouage des politiques du ministère de la Santé, a imposé des schémas, notamment en très grande faveur du secteur privé. Cet État dans l’État, a bénéficié de la collaboration de directeurs d’hôpitaux et de structures syndicales qui ne lui ont offert aucune résistance et qui se sont régulièrement embourbés dans des surenchères très éloignées des intérêts de la population. Le népotisme qui règne dans plusieurs établissements a pour conséquences indiscutables, des taux d’absentéisme révélateurs d’un malaise profond exprimé ainsi par des agents.
Que dire de l’aide et de l’assistance à domicile en faveur des personnes âgées et handicapées ? Ce que n’aborde évidemment pas la discussion sur les bancs de l’assemblée. Or, ce champ est laissé à des conseils d’administrations d’associations parapubliques qui ne sont absolument pas qualifiés pour appréhender professionnellement ce secteur vital. Les conditions de travail et de rémunérations des personnels sont totalement inacceptables. L’urgence est d’intégrer l’aide à la personne dans le giron du service public. Or la création d’un CHU aurait un coût qui immanquablement grèverait lourdement des budgets pouvant aller en ce sens.
Nous soulignons de plus que la création d’un nouvel hôpital dans la région bastiaises relève également d’une urgence absolue. Quant à l’amélioration des autres structures existantes comme à Sartè, Corti et Bunifaziu, rien n’est dit non plus à ce sujet.
Nous sommes également curieux de connaître le chiffre exact de fermetures de lits publics alors que la crise du Covid, catastrophe sanitaire, a démontré la nécessité de disposer de bien davantage de lits. Sans cautionner une vision hospitalocentriste qui n’a pas débouché mécaniquement sur une amélioration de l’offre de soins, nous tenons à rappeler que les lits fermés pour des dispositions uniquement budgétaires manquent toujours à l’appel.
Malgré plusieurs demandes émanant de professionnels de santé, l’actuelle majorité territoriale a pris des décisions en se refusant à une véritable concertation. Nous lui rappelons que l’hôpital n’est pas une entreprise et que l’approche gestionnaire infligée à nos hôpitaux n’est pas source d’une rationalisation effective pouvant affecter les budgets aux bons endroits et aux bons moments. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.La CdC sous l’influence des communicants professionnels donne dans le registre d’annonces qui ne sont en aucun cas à mettre en relation avec un plan de réorganisation digne de ce nom de notre schéma régional de santé. L’argent public, celui de nos impôts directs et indirects, mérite mieux que des aventures dispendieuses qui ne garantissent en rien l’amélioration de l’offre de soins.
Pour en terminer, nous affirmons que les populations prioritaires sont celles qui vivent sur notre sol à l’année. Le surcoût occasionné par la venue de trois millions de touristes ne doit en rien être supporté plus longtemps par les budgets de nos hôpitaux. Et nous ne voyons pas pourquoi un CHU devrait répondre, à nos frais, à ce phénomène.
Comme en matière de transports, les politiques régionales de santé conjuguent impréparations et alignement total sur les règles de l’économie de marché, sans que les décideurs soient jamais comptables de leurs gestions calamiteuses.
Il est grand temps de mettre un terme à la démagogie et aux lubies de quelques technocrates fussent-ils issus des bancs de l'Università di Corsica.