Rien ne prédestinait Jean-Dominique Lemeur, jeune corse originaire de Solenzara, à mettre un jour son nez dans les montres. Rien, si ce n'est cette anecdote : "Je devais avoir trois ou quatre ans et je faisais des petites voitures en pâte à modeler. Je passais mon après-midi à faire une petite voiture. J'arrivais tout content pour la montrer à mes parents et c'était une espèce de patate, avec quatre roues collées sur les côtés. Mes parents commençaient limite à s'inquiéter, se disant que le gosse a passé la journée à faire ça, c'est un peu moyen ces pommes de terre... Et puis un jour, ma mère m'a raconté qu'elle avait marché sur une de ces voitures qui traînaient par terre. Et elle a vu qu'à l'intérieur, il y avait les sièges, le petit volant, le levier de vitesses, le frein à main... Pour moi, c'était évident que tout ça, c'était dedans."
Très vite, son entourage comprend que le petit garçon apprécie la minutie. "Jean-Do" attendra d'avoir 11 ans pour comprendre au service de quoi il compte mettre ce talent très précis : "Un jour, j'ai vu une montre de luxe. Je ne comprenais pas pourquoi elle coûtait si cher. On m'a dit qu'elle n'avait pas de pile. Pour moi, c'était impossible et c'est comme ça que je m'y suis intéressé."
Tic tac, tic tac... Jean-Dominique Lemeur palpite au rythme du temps qui passe, se passionne pour "la précision du mécanisme horloger". Il décroche un Bac STI en électronique à Bastia, puis à 17 ans, s'envole pour Neufchâtel en Suisse. Comme une évidence : "Demain, si on veut apprendre l'anglais, on part en Angleterre. Et quand on veut apprendre l'horlogerie, on part en Suisse." Il y décroche un Master en conservation-restauration d'objets scientifiques, techniques et horlogers. Complète sa formation en France, à Besançon, ville également réputée pour savoir mettre les pendules à l'heure.
À la fin de son apprentissage, Jean-Dominique Le Meur en est certain, il fera carrière en Suisse, loin de sa Corse natale. Il signe dans la foulée un contrat dans un grand groupe horloger. "C'était du consulting et je devais former des gens à utiliser une solution qui permette de révéler des traces de restauration par microsoudures laser. En effet, beaucoup de vendeurs peu scrupuleux maquillent des montres en les restaurant, faisant croire qu'elles ont passé soixante ans dans un tiroir pour décupler leur valeur à la revente." Dans le cadre de ses études, le Solenzarais était parvenu à mettre au point une solution de révélation métallographique qui faisait apparaître des tâches si la montre avait été restaurée. Il était donc parti pour former des professionnels à utiliser son invention. Son destin semblait tout tracé, mais un événement va en changer le cours.
Le Covid le bloque à Solenzara...
Hiver 2019. Jean-Dominique Lemeur rentre chez lui à Solenzara, pour les fêtes de fin d'année. Le Covid le bloque au village. "On ne savait pas combien de temps allait durer le confinement." Son contrat est en suspens, alors le jeune homme se lance dans la fabrication d'une montre. Il dessine un cadran, sélectionne un mouvement, une carrure et des aiguilles sur catalogue. "Cette montre, elle n'était destinée qu'à plaire au DRH (de son futur employeur) !" Mais de cadran en aiguille, il se prend au jeu, fabrique 80 pièces. "À la fin de l'année, je me suis retrouvé avec une enveloppe de 60 000 euros de chiffre d'affaires devant moi et là, j'ai pris la décision de tout réinvestir. Je me suis dit qu'il y avait potentiellement une demande pour de l'horlogerie fattu in Corsica et je me suis lancé dans la création de ma marque."
Très vite, son entourage comprend que le petit garçon apprécie la minutie. "Jean-Do" attendra d'avoir 11 ans pour comprendre au service de quoi il compte mettre ce talent très précis : "Un jour, j'ai vu une montre de luxe. Je ne comprenais pas pourquoi elle coûtait si cher. On m'a dit qu'elle n'avait pas de pile. Pour moi, c'était impossible et c'est comme ça que je m'y suis intéressé."
Tic tac, tic tac... Jean-Dominique Lemeur palpite au rythme du temps qui passe, se passionne pour "la précision du mécanisme horloger". Il décroche un Bac STI en électronique à Bastia, puis à 17 ans, s'envole pour Neufchâtel en Suisse. Comme une évidence : "Demain, si on veut apprendre l'anglais, on part en Angleterre. Et quand on veut apprendre l'horlogerie, on part en Suisse." Il y décroche un Master en conservation-restauration d'objets scientifiques, techniques et horlogers. Complète sa formation en France, à Besançon, ville également réputée pour savoir mettre les pendules à l'heure.
À la fin de son apprentissage, Jean-Dominique Le Meur en est certain, il fera carrière en Suisse, loin de sa Corse natale. Il signe dans la foulée un contrat dans un grand groupe horloger. "C'était du consulting et je devais former des gens à utiliser une solution qui permette de révéler des traces de restauration par microsoudures laser. En effet, beaucoup de vendeurs peu scrupuleux maquillent des montres en les restaurant, faisant croire qu'elles ont passé soixante ans dans un tiroir pour décupler leur valeur à la revente." Dans le cadre de ses études, le Solenzarais était parvenu à mettre au point une solution de révélation métallographique qui faisait apparaître des tâches si la montre avait été restaurée. Il était donc parti pour former des professionnels à utiliser son invention. Son destin semblait tout tracé, mais un événement va en changer le cours.
Le Covid le bloque à Solenzara...
Hiver 2019. Jean-Dominique Lemeur rentre chez lui à Solenzara, pour les fêtes de fin d'année. Le Covid le bloque au village. "On ne savait pas combien de temps allait durer le confinement." Son contrat est en suspens, alors le jeune homme se lance dans la fabrication d'une montre. Il dessine un cadran, sélectionne un mouvement, une carrure et des aiguilles sur catalogue. "Cette montre, elle n'était destinée qu'à plaire au DRH (de son futur employeur) !" Mais de cadran en aiguille, il se prend au jeu, fabrique 80 pièces. "À la fin de l'année, je me suis retrouvé avec une enveloppe de 60 000 euros de chiffre d'affaires devant moi et là, j'ai pris la décision de tout réinvestir. Je me suis dit qu'il y avait potentiellement une demande pour de l'horlogerie fattu in Corsica et je me suis lancé dans la création de ma marque."
Une marque nustrale puisque, à l'exception du mécanisme qui est un mouvement suisse, toutes les pièces que Jean-Dominique Lemeur utilise sont dessinées par ses soins. Vient le temps du sacrifice : le jeune Corse ne compte pas ses heures, installe son atelier dans sa chambre, multiplie les casquettes, du dessin à la conception, de la communication à la revente. Il ne se verse pas de salaire, sa famille le soutient financièrement.
Une capacité annuelle de production de 45 pièces
À l'été 2022, il contracte un prêt pour s'offrir une visibilité commerciale, installe son atelier à Solenzara, dans un local qui jouxte la T10. "Vous êtes ici dans la capitale de l'horlogerie corse, puisque je suis le seul à faire ça", sourit-il. Évidemment, l'état de l'industrie en Corse ne permet pas de se fournir localement en matériaux. Le créateur en horlogerie sous-traite majoritairement en Suisse, en Allemagne ou en Asie, mais aussi en Corse, autant que faire se peut : "Xavier Biancarelli est un coutelier qui va dans la nature à Palombaggia, prend les minerais, et me réalise de petits disques en acier feuilleté que je transforme en cadran pour mes montres. Et puis il y a Dumè Santoni qui est un artisan du cuir de la plaine de Peri et qui me réalise des bracelets cousus main."
Le jeune homme a dépassé les 300 000 euros d'investissement et espère se verser son premier salaire l'an prochain. Ce patron non salarié étant seul dans sa boîte, sa capacité annuelle de production ne peut excéder les 45 pièces. "Breitling, quand ils sortent une édition limitée à 1 500 exemplaires, moi il me faudrait trente ans pour la sortir !" compare-t-il, amusé. Lui se limite à deux modèles, pour l'heure, vendus entre 2 500 et 4 000 euros pièce. Des tarifs qui sont donc amenés à augmenter si Jean-Dominique Le Meur souhaite pouvoir un jour, vivre de son travail. Les montres Le Meur sont toutes personnalisables, tant au niveau des gravures, des bracelets et des finitions sur les carrures.
70 à 80 heures de travail pour une montre
Dans son atelier, Jean-Dominique passe par toutes les étapes de fabrication : modélisation 3D du concept, dessin technique, suivi de production des pièces détachées sous-traitées, réception de ces pièces, préassemblage, peinture du cadran, réglage du mouvement, assemblage, gravure personnalisée, test d'étanchéité, simulateur de portée, communication et marketing. "Pour une pièce, il faut entre 70 et 80 heures de travail", évalue-t-il.
Il est loin, le temps des fausses voitures patates, mais pas tant que cela, au fond : "Je suis très carré, mais c'est son métier qui m'oblige à l'être. Le paradoxe, c'est que je cours après le temps. Je ne suis pas en retard, mais je suis souvent très à la limite parce que je passe ma vie à courir dans tous les sens." Car dans la vie de Jean-Dominique Lemeur, une journée devrait durer plus de vingt-quatre heures.
Une capacité annuelle de production de 45 pièces
À l'été 2022, il contracte un prêt pour s'offrir une visibilité commerciale, installe son atelier à Solenzara, dans un local qui jouxte la T10. "Vous êtes ici dans la capitale de l'horlogerie corse, puisque je suis le seul à faire ça", sourit-il. Évidemment, l'état de l'industrie en Corse ne permet pas de se fournir localement en matériaux. Le créateur en horlogerie sous-traite majoritairement en Suisse, en Allemagne ou en Asie, mais aussi en Corse, autant que faire se peut : "Xavier Biancarelli est un coutelier qui va dans la nature à Palombaggia, prend les minerais, et me réalise de petits disques en acier feuilleté que je transforme en cadran pour mes montres. Et puis il y a Dumè Santoni qui est un artisan du cuir de la plaine de Peri et qui me réalise des bracelets cousus main."
Le jeune homme a dépassé les 300 000 euros d'investissement et espère se verser son premier salaire l'an prochain. Ce patron non salarié étant seul dans sa boîte, sa capacité annuelle de production ne peut excéder les 45 pièces. "Breitling, quand ils sortent une édition limitée à 1 500 exemplaires, moi il me faudrait trente ans pour la sortir !" compare-t-il, amusé. Lui se limite à deux modèles, pour l'heure, vendus entre 2 500 et 4 000 euros pièce. Des tarifs qui sont donc amenés à augmenter si Jean-Dominique Le Meur souhaite pouvoir un jour, vivre de son travail. Les montres Le Meur sont toutes personnalisables, tant au niveau des gravures, des bracelets et des finitions sur les carrures.
70 à 80 heures de travail pour une montre
Dans son atelier, Jean-Dominique passe par toutes les étapes de fabrication : modélisation 3D du concept, dessin technique, suivi de production des pièces détachées sous-traitées, réception de ces pièces, préassemblage, peinture du cadran, réglage du mouvement, assemblage, gravure personnalisée, test d'étanchéité, simulateur de portée, communication et marketing. "Pour une pièce, il faut entre 70 et 80 heures de travail", évalue-t-il.
Il est loin, le temps des fausses voitures patates, mais pas tant que cela, au fond : "Je suis très carré, mais c'est son métier qui m'oblige à l'être. Le paradoxe, c'est que je cours après le temps. Je ne suis pas en retard, mais je suis souvent très à la limite parce que je passe ma vie à courir dans tous les sens." Car dans la vie de Jean-Dominique Lemeur, une journée devrait durer plus de vingt-quatre heures.