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Agriculture Bio : La Corse est la deuxième région française en termes de surface Bio


Nicole Mari le Lundi 23 Septembre 2024 à 08:35

Ce 23 septembre, Inter Bio Corse organise la Journée européenne du Bio et lance la campagne « Bio Réflexe », portée par l’Agence Bio. L’occasion de faire un état des lieux sur une pratique agricole qui ne cesse de grandir dans l’île avec près de 600 agriculteurs et plus de 36 000 hectares certifiés. La Corse est la deuxième région française en termes de surface Bio. Explications pour Corse Net Infos d’Emilie Claudet, directrice d’Inter Bio Corse, association implantée en Plaine orientale et intégrée au pôle agronomique de San Giulianu, Corsic’Agropole.



Crédit : Armand Luciani
Crédit : Armand Luciani
- Le 23 septembre est la Journée européenne du Bio. Quel est le but de cette Journée ?
- Le but de la Journée européenne de l’Agriculture biologique est de faire découvrir au consommateur, au grand public, ce qu’est l’agriculture Bio, ses bienfaits, ses modes de production et aussi faire parler des producteurs locaux. Inter Bio Corse relaie cette journée au niveau régional avec l’organisation de différentes manifestations de promotion de l’agriculture Bio insulaire.
 
- Quelles manifestations organisez-vous ?
- Nous organisons des actions pédagogiques auprès des scolaires pour faire découvrir l’agriculture Bio avec un travail sur la qualité des produits en fruits et légumes. Nous aurons également toute une action sur les réseaux sociaux avec des publications régulières pour faire découvrir au grand public l’agriculture Bio et ses producteurs. Des actions également auprès des CFA (Centre de formation des apprentis) de Haute-Corse et de Corse du Sud où l’on va intervenir, accompagné du chef Alessandro Capone, pour mettre en œuvre certaines recettes avec des produits Bio locaux. Un producteur Bio sera également présent pour expliquer ses modes de production… Nous déclinons, de plus, la campagne « Bio Réflexe », lancée par l’Agence Bio au niveau national. Cette agence est chargée de la promotion et de la structuration de la filière Bio en France. Elle a des actions de communication pour faire connaître les producteurs et les produits Bio...
 
- Qu’est-ce exactement Inter Bio Corse ?
- Inter Bio Corse est l’association régionale de développement de l’agriculture biologique. Elle a été créée par des agriculteurs Bio, il y a une trentaine d’années. Elle est gérée par un conseil d’administration composé uniquement d’agriculteurs certifiés en agriculture biologique, issus de quasiment toutes les filières de production, aussi bien en élevage qu’en production végétale. Actuellement, elle regroupe à peu près 180 à 200 adhérents. Notre principale mission est l’appui technique, le conseil agronomique auprès des producteurs. Nous les conseillons pour les aider à produire en agriculture biologique. Nous avons également toute une activité de formation pour les producteurs, nous proposons une quinzaine de formation par an et un volet plus pédagogique, promotionnel auprès du grand public pour faire connaître les produits Bio.
 
- Quelles sont les cultures les plus représentées en Bio dans l’île ?
- Toutes les cultures sont représentées en agriculture biologique en Corse. Certaines filières le sont plus que d’autres. Par exemple, des filières, comme les plantes aromatiques, sont quasiment à 100 % certifiées en agriculture biologique, notamment les plantations d’immortelle. La filière viticole est aussi bien représentée en agriculture biologique avec un tiers de ses surfaces certifiées, soit plus de 30 %. Les filières agrumes et maraichage également. Certaines filières sortent vraiment du lot. De façon générale, la filière Bio représente 25 % des surfaces agricoles corses. Donc, un quart des surfaces sont en agriculture biologique (AB). La Corse est d’ailleurs la deuxième région française en termes de surface Bio.
 
- Quelle est la place du Bio dans l’agriculture corse ?
- Actuellement, la Corse compte à peu près 600 producteurs Bio, toutes filières confondues, sur 40 000 hectares. Nos adhérents représentent à peu près un tiers des producteurs Bio en Corse. Depuis 15 ans, la filière Bio connaît un essor exponentiel, plus 20 % par an. Sauf depuis les deux dernières années où elle subit un ralentissement suite aux différentes crises conjoncturelles : la crise du COVID et ensuite la guerre en Ukraine. Ces crises ont aussi un peu ralenti la consommation du Bio qui a tendance à reprendre ces derniers mois.
 
- Pouvez-vous quantifier ce ralentissement ?
- Depuis 5 à 6 ans, environ 40 à 50 producteurs passaient en Bio chaque année. Depuis deux ans, il n’y en a que la moitié environ, soit au maximum 25 à 30 producteurs par an.
 
- Nombre d’agriculteurs quittent aussi le Bio pour revenir à de l’agriculture raisonnée ou traditionnelle. Ce phénomène est-il visible en Corse ?
- C’est vrai que l’on observe aussi ce qu’on appelle des « déconversions ». Des producteurs, qui étaient passés en Bio, finalement arrêtent leur certification. Cet arrêt est vraiment lié à la crise et la conjoncture économiques actuelles. Ce phénomène touche un peu toutes les filières. On n’a pas remarqué de prédominance dans une ou certaines filières. Ce sont parfois des gens qui commençaient l’agriculture biologique, qui faisaient un test, mais pas sur toute leurs surfaces. Ils avaient conservé une partie en agriculture conventionnelle. Finalement, ils arrêtent cette petite partie qu’ils avaient passé en Bio, mais c’est un phénomène qui reste encore limité.
 
- Les ventes de produits Bio continuent de reculer partout sur le continent à cause de prix jugés prohibitifs. Qu’en est-il ici ?
- Les différents magasins Bio de l’île, avec lesquels nous avons des échanges, nous disent que depuis quelques mois, la consommation a tendance à remonter.
 
- Pourquoi trouve-t-on aussi peu de produits locaux dans ces magasins Bio où la majeure partie des fruits et légumes sont importés ?
- C’est vrai ! Mais, tout dépend lesquels. J’en connais qui font énormément d’efforts et qui se déplacent même chez les producteurs pour aller chercher les produits et les vendre dans leur magasin. C’est compliqué pour les magasins de s’approvisionner en produits locaux Bio parce que les producteurs ne sont pas organisés pour la livraison. Le gros point noir actuellement, c’est justement la livraison des produits jusqu’au magasin spécialisé. A 80 %, les producteurs Bio corses font de la vente directe. Ils ont déjà leur propre circuit de distribution auprès de leurs clients. La part de vente en magasin spécialisé est assez réduite parce que les producteurs doivent livrer les magasins, ce qui leur prend du temps et leur coûte de l’argent, c’est compliqué. Nous essayons de travailler sur la mise en place d’un système de livraison, quelque chose pour aider les producteurs à approvisionner les magasins spécialisés.
 
- Quelles sont les bonnes pratiques en matière de Bio ?
- Ces bonnes pratiques sont définies dans le cahier des charges. Je vous citerais : la non-utilisation de produits chimiques de synthèse, l’utilisation de fertilisants organiques, le respect du bien-être animal, la prise en compte de la biodiversité sur les fermes, l’utilisation d’insectes auxiliaires… Egalement le respect du sol qui est très important en agriculture biologique. On ne nourrit pas la plante avec des engrais chimiques, on nourrit le sol avec des engrais organiques qui rendent accessibles à la plante tous les nutriments qui sont dans le sol. C’est très important d’avoir un sol vivant, en bonne santé, puisque c’est lui qui est le support de l’apport en fertilisants auprès de la plante. En agriculture conventionnelle, il n’y aurait pas de sol, ce serait pareil. D’ailleurs, il y en a qui font du hors-sol, cela porte bien son nom. Les plantes n’ont plus les pieds dans le sol, cela passe par l’apport de nutriments chimiques directement à la plante. Le sol n’a plus son rôle. Alors qu’en agriculture biologique, cela fonctionne tout autrement. Le sol a vraiment un rôle indispensable dans la fertilisation et la nutrition des plantes.
 
- Le Bio peut-il résister au dérèglement climatique qui entraine des périodes de forte sécheresse et la prolifération de maladies qui attaquent notamment les fruits ?
- Les producteurs Bio sont touchés de la même façon par le réchauffement climatique. Après, ils ont déjà des bonnes pratiques qui permettent de lutter contre le changement climatique. Par exemple, l’utilisation de couverts végétaux. Ce sont des espèces végétales que l’on sème dans les inter-rangs, dans les vergers, entre les lignes de maraichage et qui couvrent le sol en permanence. De cette façon, il y a moins de rayonnement solaire sur le sol, qui réduit sa fertilité et sa biodiversité. Cela permet au sol de ne pas atteindre des températures très élevées et d’avoir une vie microbienne toujours active. Les producteurs Bio mettent aussi en place pas mal de principes d’agroforesterie. Par exemple, implanter des arbres dans leur verger ou leur prairie pour apporter de l’ombre aux légumes ou aux animaux. Ces pratiques ont plutôt tendance à se généraliser chez les producteurs Bio. Egalement, l’utilisation d’engrais verts qui sont principalement des légumineuses. C’est une famille de végétaux que l’on sème dans les rangs ou avant la plantation de légumes par exemple et qui permet d’avoir un sol toujours couvert. Ce couvert végétal apporte de l’azote au sol. Quand on détruit ce couvert avant plantation, cela permet de fertiliser les cultures.
 
- Comment voyez-vous l’avenir du Bio ?
- Suite à cette crise, le Bio a connu un ralentissement, mais depuis 15 ans, l’agriculture biologique ne cesse de se développer en Corse. En France aussi, même si en Corse, elle se développe plus largement qu’ailleurs. Les pratiques de l’agriculture biologique sont des pratiques d’avenir par rapport à la protection de l’environnement et de la biodiversité, à la lutte contre le changement climatique. Elles doivent être mise en œuvre. Donc, je pense que le développement du Bio va continuer sur sa lancée pour les années à venir.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

Crédit : Armand Luciani
Crédit : Armand Luciani