André Paccou, représentant de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) Corsica.
- Qu’est-ce qui vous inquiète ?
- Nous constatons un certain nombre de tensions, qui nous inquiètent dans la société corse, liées à un désordre juridique et policier. Nous l’avons expliqué, pendant plus de deux heures, au procureur général et nous l’avons alerté sur certains points et sur des faits précis. Il y a, d’abord, un contexte national avec, depuis quelques années, une frénésie de lois sécuritaires et liberticides. Depuis 2012, cinq ou six lois parlent de lutte contre le terrorisme, de grande criminalité, de surveillance des citoyens... Partout sur le territoire national, l’institution judiciaire est soumise à un régime de dispositions très fortes dans le cadre de régressions sécuritaires et liberticides. En Corse, plusieurs dispositifs, pour la plupart dérogatoires, se superposent et perturbent la loi ordinaire.
- Quels dispositifs ?
- D’abord, la persistance de l’agitation antiterroriste demeure incompréhensible pour les citoyens en Corse, étant donné qu’il n’y a plus d’action clandestine. Régulièrement, l’antiterrorisme suscite des manifestations pour protester contre des investigations totalement anachroniques par rapport à la volonté de paix qui s’exprime du côté des Nationalistes et dans toute la société corse. Ensuite, la question des prisonniers politiques reste très tendue, parce que, n’en déplaise au Premier ministre, il y a des prisonniers politiques ! Nous rappelons que, derrière les barreaux, il y a des hommes qui vident dans des conditions difficiles. A tout moment, cette situation peut dégénérer. A côté de cela, la JIRS (Juridiction interrégionale spécialisée), qui est une procédure dérogatoire au droit commun, continue de fonctionner avec des méthodes inquiétantes.
- N’est-elle pas moins active dans l’île depuis quelques temps ?
- Oui ! Nous en avons convenu avec le procureur général. La JIRS est beaucoup moins présente dans l’île depuis la circulaire de politique pénale mise en place par Christiane Taubira, il y a deux ans. Mais, il faut rappeler que la JIRS, c’est les conclusions du procès Orsoni ! La Ligue et les avocats avaient dénoncé les méthodes d’investigation de la police et le fonctionnement de la justice qui a donné beaucoup de poids à ce qui était à charge et aux interprétations policières au détriment du débat contradictoire et de la défense. A ces trois points, s’ajoute, aujourd’hui, la logique de l’état d’urgence qui s’applique en Corse, comme ailleurs, et pose une nouvelle couche de dispositifs dérogatoires au droit commun. Certes, on a tellement l’habitude, ici, d’exceptions juridiques qu’on ne se rend peut-être pas compte de son application !
- Dans ce contexte-là, la justice ordinaire peut-elle fonctionner ?
- C’est la question qu’il faut se poser ! Quelles peuvent être les normes et la visibilité de la justice ordinaire dans ce contexte où l’exception est la règle ? Un des malentendus les plus importants existant entre la République et la Corse est cette tradition qu’a la République de traiter la Corse de manière exceptionnelle sur le plan judiciaire ! La Corse est perçue comme la terre de tous les dangers ! Les Corses sont considérés, comme l’a dit Manuel Valls, empreints de culture de la violence. Ce qui a valu à la Corse d’avoir, depuis des décennies, un traitement d’exception qui perdure et que le contexte actuel amplifie.
- Tout cela constitue-t-il ce que la LDH appelle « un désordre juridique et policier » ?
- Oui ! On le voit bien au niveau du droit de manifester. Dans le cadre de l’état d’urgence, des manifestations ont été interdites au niveau de la COP21. Fin décembre, au moment des évènements du quartier de l’empereur à Ajaccio, des manifestations à caractère raciste et xénophobe ont été encadrées par la police, donc, quelque part, autorisées. Idem pour un rassemblement anti-réfugiés sur la place Saint-Nicolas. En février, des interpellations et des mises en examen ont eu lieu suite aux manifestations de soutien à Maxime Beux, qui ont dégénéré à Corte. Après coup, on nous dit que ces manifestations n’étaient pas autorisées. Que devient, dans ce contexte, le droit fondamental de manifester ? Une fois, il est interdit, alors que la manifestation est pacifique. Une autre fois, il est autorisé et encadré malgré des propos racistes et des gens qui terrorisent les populations. Une autre fois encore, il est interdit après coup parce que la manifestation a dégénéré.
- A quel autre niveau ce « désordre » apparaît-il ?
- Nous sommes très inquiets des tensions qui s’accumulent au niveau de certaines affaires soumises à des procédures rapides. Par exemple, l’affaire de Jean-Louis Emmanuelli en Balagne. Après le procès en appel, deux thèses continuent de s’affronter. Le jugement, rendu le 15 juin, traduit un malaise persistant. Il n’est pas accepté par Jean-Louis Emmanuelli qui a toujours protesté de son innocence. Le doute persiste quant au déroulement des faits, notamment les conditions qui ont amené les gendarmes à utiliser leurs armes. A l’heure où une énième loi sur le terrorisme et la criminalité, récemment promulguée, admet une possible absence de responsabilité pénale pour les forces de l’ordre ayant fait usage de leurs armes, cette affaire interpelle les consciences. Le principe de légitime défense existant déjà chez les forces de l’ordre, il faut faire attention à ne pas créer un sentiment d’impunité au risque d’avoir des bavures. La question des bavures policières est au cœur de cette affaire, comme de celle de Maxime Beux qui a également, suscité beaucoup d’émotion.
- Une affaire que vous jugez particulièrement explosive ?
- Oui ! Le procès des manifestants de Corte est prévu le 7 juillet alors que les investigations sur les évènements de Reims, où Maxime Beux a été gravement blessé et a perdu l’usage d’un œil, et sur les responsabilités de la police patinent. La LDH a rencontré par deux fois le Collectif de soutien à Maxime Beux, qui subit une surveillance permanente. Il fait une réunion sur la place Saint Nicolas à Bastia pour se structurer en association. Tout autour, neuf cars de CRS ! Ses membres subissent des perquisitions, des contrôles d’identité qui peuvent durer parfois deux heures parce qu’ils apposent des banderoles sur des grilles ! Faisons attention que cette surveillance ne soit pas considérée comme un harcèlement policier et que la situation ne dégénère.
- Avez-vous le sentiment d’une justice à deux vitesses ?
- Ce sentiment est très présent dans la population et génère des tensions, notamment au sein de la jeunesse. Ce n’est pas très sain ! De la même façon pour les évènements du Jardin de l’empereur, des personnes ont été mises en examen et même incarcérées pour des faits connexes à l’agression des pompiers, mais rien sur cette agression, ni sur les dérives racistes et xénophobes qui lui ont succédée. Pire, le procureur d’Ajaccio justifie les spectaculaires interventions de police à Pifano, quartier de Porto-Vecchio, ou aux Jardins de l’empereur comme un moyen de sécuriser le quartier ! Pifano a connu un déploiement de forces de police pendant qu’un hélicoptère survolait le quartier comme si c’était une zone de guerre. Des contrôles d’identité ont été effectués pendant deux jours. Au vu de la population résidante, on peut imaginer qu’il s’est agi de contrôles au faciès. Peut-être y a-t-il des problèmes et des comportements délinquants, mais le message renvoyé par la justice est : ces quartiers-là sont dangereux ! C’est une façon de stigmatiser toute une population.
- Qu’avez-vous demandé au procureur général ?
- Nous l’avons alerté sur tous ces évènements et nous lui avons dit que la justice crée des tensions, creuse le fossé avec les citoyens et aggrave les malentendus. C’est très néfaste parce qu’une société a besoin de justice dont l’action n’est pas seulement de punir, mais de dire, autant que faire se peut, la vérité. Une de ses missions essentielles est de contribuer à la tranquillité publique et, donc, au développement démocratique. Or, aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit ! Nous souhaitons que ce message-là soit entendu au plus haut niveau. Nous demandons que la mise en œuvre de la politique pénale du gouvernement en Corse tienne compte, à la fois, de cette histoire qui a toujours été basée sur des malentendus parce qu’il y a eu systématiquement un regard de suspicion généralisée sur les Corses et l’emploi de procédures d’exception. La justice doit absolument garantir la sérénité et la tranquillité publique, mais n’a pas à rajouter de la tension à la tension !
- Que vous a répondu le procureur ?
- Il a été très attentif à nos propos. Il nous a rappelé la nécessité, pour une société, d’avoir des normes et de faire un travail de pédagogie. Nous lui avons dit que ce travail de pédagogie doit être lu à travers les conséquences des décisions de justice. A partir du moment où ces décisions ne sont pas comprises et créent des tensions, des réactions et le risque de rentrer dans un cycle de violence et de répression, c’est un échec pour l’institution judiciaire au niveau d’une de ses missions fondamentales de contribuer au développement démocratique. En tant que contre-pouvoir, la LDH, qui est fréquemment sollicitée, fait son travail d’alerte des pouvoirs publics. J’espère que le procureur fera remonter un certain nombre de messages. Si ces messages-là ne sont pas entendus, je crains fort que nous ayons raison de nous inquiéter des possibles dérives de certaines affaires. Cette logique d’exception et d’incompréhension de l’action judiciaire en Corse ne passe pas, aujourd’hui, par un préfet comme Bonnet qui ferait du zèle ou par l’antiterrorisme, mais par l’action de la justice ordinaire.
- Pensez-vous que vous serez entendu ?
- Nous l’espérons ! On ne peut pas avoir de processus de paix, de relations nouvelles nouées avec la République si on ne redéfinit pas les rapports entre cette société et la République, notamment à travers l’institution judiciaire. La Corse n’est pas empreinte de culture de la violence. La Corse n’est pas une terre de tous les dangers. Les citoyens corses ne doivent pas avoir de traitements inégalitaires devant la justice. La Corse, qui revendique sa singularité, pose à la République des questions qui dérangent. Toute une fraction de la société veut resituer autrement la Corse dans la république. Pour l’instant, la seule réponse, qui nous est apportée, demeure une réponse en termes de gouvernement par la peur. Le moindre incident en Corse est considéré comme le reflet une société dangereuse. Ceci étant, nous sommes très inquiets, le combat est difficile, mais nous espérons être entendu. Très vite…
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Nous constatons un certain nombre de tensions, qui nous inquiètent dans la société corse, liées à un désordre juridique et policier. Nous l’avons expliqué, pendant plus de deux heures, au procureur général et nous l’avons alerté sur certains points et sur des faits précis. Il y a, d’abord, un contexte national avec, depuis quelques années, une frénésie de lois sécuritaires et liberticides. Depuis 2012, cinq ou six lois parlent de lutte contre le terrorisme, de grande criminalité, de surveillance des citoyens... Partout sur le territoire national, l’institution judiciaire est soumise à un régime de dispositions très fortes dans le cadre de régressions sécuritaires et liberticides. En Corse, plusieurs dispositifs, pour la plupart dérogatoires, se superposent et perturbent la loi ordinaire.
- Quels dispositifs ?
- D’abord, la persistance de l’agitation antiterroriste demeure incompréhensible pour les citoyens en Corse, étant donné qu’il n’y a plus d’action clandestine. Régulièrement, l’antiterrorisme suscite des manifestations pour protester contre des investigations totalement anachroniques par rapport à la volonté de paix qui s’exprime du côté des Nationalistes et dans toute la société corse. Ensuite, la question des prisonniers politiques reste très tendue, parce que, n’en déplaise au Premier ministre, il y a des prisonniers politiques ! Nous rappelons que, derrière les barreaux, il y a des hommes qui vident dans des conditions difficiles. A tout moment, cette situation peut dégénérer. A côté de cela, la JIRS (Juridiction interrégionale spécialisée), qui est une procédure dérogatoire au droit commun, continue de fonctionner avec des méthodes inquiétantes.
- N’est-elle pas moins active dans l’île depuis quelques temps ?
- Oui ! Nous en avons convenu avec le procureur général. La JIRS est beaucoup moins présente dans l’île depuis la circulaire de politique pénale mise en place par Christiane Taubira, il y a deux ans. Mais, il faut rappeler que la JIRS, c’est les conclusions du procès Orsoni ! La Ligue et les avocats avaient dénoncé les méthodes d’investigation de la police et le fonctionnement de la justice qui a donné beaucoup de poids à ce qui était à charge et aux interprétations policières au détriment du débat contradictoire et de la défense. A ces trois points, s’ajoute, aujourd’hui, la logique de l’état d’urgence qui s’applique en Corse, comme ailleurs, et pose une nouvelle couche de dispositifs dérogatoires au droit commun. Certes, on a tellement l’habitude, ici, d’exceptions juridiques qu’on ne se rend peut-être pas compte de son application !
- Dans ce contexte-là, la justice ordinaire peut-elle fonctionner ?
- C’est la question qu’il faut se poser ! Quelles peuvent être les normes et la visibilité de la justice ordinaire dans ce contexte où l’exception est la règle ? Un des malentendus les plus importants existant entre la République et la Corse est cette tradition qu’a la République de traiter la Corse de manière exceptionnelle sur le plan judiciaire ! La Corse est perçue comme la terre de tous les dangers ! Les Corses sont considérés, comme l’a dit Manuel Valls, empreints de culture de la violence. Ce qui a valu à la Corse d’avoir, depuis des décennies, un traitement d’exception qui perdure et que le contexte actuel amplifie.
- Tout cela constitue-t-il ce que la LDH appelle « un désordre juridique et policier » ?
- Oui ! On le voit bien au niveau du droit de manifester. Dans le cadre de l’état d’urgence, des manifestations ont été interdites au niveau de la COP21. Fin décembre, au moment des évènements du quartier de l’empereur à Ajaccio, des manifestations à caractère raciste et xénophobe ont été encadrées par la police, donc, quelque part, autorisées. Idem pour un rassemblement anti-réfugiés sur la place Saint-Nicolas. En février, des interpellations et des mises en examen ont eu lieu suite aux manifestations de soutien à Maxime Beux, qui ont dégénéré à Corte. Après coup, on nous dit que ces manifestations n’étaient pas autorisées. Que devient, dans ce contexte, le droit fondamental de manifester ? Une fois, il est interdit, alors que la manifestation est pacifique. Une autre fois, il est autorisé et encadré malgré des propos racistes et des gens qui terrorisent les populations. Une autre fois encore, il est interdit après coup parce que la manifestation a dégénéré.
- A quel autre niveau ce « désordre » apparaît-il ?
- Nous sommes très inquiets des tensions qui s’accumulent au niveau de certaines affaires soumises à des procédures rapides. Par exemple, l’affaire de Jean-Louis Emmanuelli en Balagne. Après le procès en appel, deux thèses continuent de s’affronter. Le jugement, rendu le 15 juin, traduit un malaise persistant. Il n’est pas accepté par Jean-Louis Emmanuelli qui a toujours protesté de son innocence. Le doute persiste quant au déroulement des faits, notamment les conditions qui ont amené les gendarmes à utiliser leurs armes. A l’heure où une énième loi sur le terrorisme et la criminalité, récemment promulguée, admet une possible absence de responsabilité pénale pour les forces de l’ordre ayant fait usage de leurs armes, cette affaire interpelle les consciences. Le principe de légitime défense existant déjà chez les forces de l’ordre, il faut faire attention à ne pas créer un sentiment d’impunité au risque d’avoir des bavures. La question des bavures policières est au cœur de cette affaire, comme de celle de Maxime Beux qui a également, suscité beaucoup d’émotion.
- Une affaire que vous jugez particulièrement explosive ?
- Oui ! Le procès des manifestants de Corte est prévu le 7 juillet alors que les investigations sur les évènements de Reims, où Maxime Beux a été gravement blessé et a perdu l’usage d’un œil, et sur les responsabilités de la police patinent. La LDH a rencontré par deux fois le Collectif de soutien à Maxime Beux, qui subit une surveillance permanente. Il fait une réunion sur la place Saint Nicolas à Bastia pour se structurer en association. Tout autour, neuf cars de CRS ! Ses membres subissent des perquisitions, des contrôles d’identité qui peuvent durer parfois deux heures parce qu’ils apposent des banderoles sur des grilles ! Faisons attention que cette surveillance ne soit pas considérée comme un harcèlement policier et que la situation ne dégénère.
- Avez-vous le sentiment d’une justice à deux vitesses ?
- Ce sentiment est très présent dans la population et génère des tensions, notamment au sein de la jeunesse. Ce n’est pas très sain ! De la même façon pour les évènements du Jardin de l’empereur, des personnes ont été mises en examen et même incarcérées pour des faits connexes à l’agression des pompiers, mais rien sur cette agression, ni sur les dérives racistes et xénophobes qui lui ont succédée. Pire, le procureur d’Ajaccio justifie les spectaculaires interventions de police à Pifano, quartier de Porto-Vecchio, ou aux Jardins de l’empereur comme un moyen de sécuriser le quartier ! Pifano a connu un déploiement de forces de police pendant qu’un hélicoptère survolait le quartier comme si c’était une zone de guerre. Des contrôles d’identité ont été effectués pendant deux jours. Au vu de la population résidante, on peut imaginer qu’il s’est agi de contrôles au faciès. Peut-être y a-t-il des problèmes et des comportements délinquants, mais le message renvoyé par la justice est : ces quartiers-là sont dangereux ! C’est une façon de stigmatiser toute une population.
- Qu’avez-vous demandé au procureur général ?
- Nous l’avons alerté sur tous ces évènements et nous lui avons dit que la justice crée des tensions, creuse le fossé avec les citoyens et aggrave les malentendus. C’est très néfaste parce qu’une société a besoin de justice dont l’action n’est pas seulement de punir, mais de dire, autant que faire se peut, la vérité. Une de ses missions essentielles est de contribuer à la tranquillité publique et, donc, au développement démocratique. Or, aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit ! Nous souhaitons que ce message-là soit entendu au plus haut niveau. Nous demandons que la mise en œuvre de la politique pénale du gouvernement en Corse tienne compte, à la fois, de cette histoire qui a toujours été basée sur des malentendus parce qu’il y a eu systématiquement un regard de suspicion généralisée sur les Corses et l’emploi de procédures d’exception. La justice doit absolument garantir la sérénité et la tranquillité publique, mais n’a pas à rajouter de la tension à la tension !
- Que vous a répondu le procureur ?
- Il a été très attentif à nos propos. Il nous a rappelé la nécessité, pour une société, d’avoir des normes et de faire un travail de pédagogie. Nous lui avons dit que ce travail de pédagogie doit être lu à travers les conséquences des décisions de justice. A partir du moment où ces décisions ne sont pas comprises et créent des tensions, des réactions et le risque de rentrer dans un cycle de violence et de répression, c’est un échec pour l’institution judiciaire au niveau d’une de ses missions fondamentales de contribuer au développement démocratique. En tant que contre-pouvoir, la LDH, qui est fréquemment sollicitée, fait son travail d’alerte des pouvoirs publics. J’espère que le procureur fera remonter un certain nombre de messages. Si ces messages-là ne sont pas entendus, je crains fort que nous ayons raison de nous inquiéter des possibles dérives de certaines affaires. Cette logique d’exception et d’incompréhension de l’action judiciaire en Corse ne passe pas, aujourd’hui, par un préfet comme Bonnet qui ferait du zèle ou par l’antiterrorisme, mais par l’action de la justice ordinaire.
- Pensez-vous que vous serez entendu ?
- Nous l’espérons ! On ne peut pas avoir de processus de paix, de relations nouvelles nouées avec la République si on ne redéfinit pas les rapports entre cette société et la République, notamment à travers l’institution judiciaire. La Corse n’est pas empreinte de culture de la violence. La Corse n’est pas une terre de tous les dangers. Les citoyens corses ne doivent pas avoir de traitements inégalitaires devant la justice. La Corse, qui revendique sa singularité, pose à la République des questions qui dérangent. Toute une fraction de la société veut resituer autrement la Corse dans la république. Pour l’instant, la seule réponse, qui nous est apportée, demeure une réponse en termes de gouvernement par la peur. Le moindre incident en Corse est considéré comme le reflet une société dangereuse. Ceci étant, nous sommes très inquiets, le combat est difficile, mais nous espérons être entendu. Très vite…
Propos recueillis par Nicole MARI.