
Désossé, analysé, mais aussi bichonné, l’ATR 72 « Lione di Roccapina » de Air Corsica passe son contrôle technique aérien après 18 mois de rotations incessantes entre les aéroports insulaires et ceux du sud de la France. À ses côtés, une équipe de huit mécaniciens, techniciens et logisticiens inspecte chaque détail : moteurs, câblage électronique, jusqu’aux moindres défauts de la carlingue, exposée aux contraintes climatiques et à l’usure du temps.
Dans l’imposant hangar de 2 000 mètres carrés, attenant au siège de la compagnie fondée en 1989, les opérations de maintenance s’enchaînent selon un planning minutieusement orchestré. À la supervision, Jean-Luc Moine, directeur technique d’Air Corsica depuis deux ans, fort d’une carrière chez Air France et Air Inter. « Ma mission est de fournir à la compagnie des avions conformes et en état de navigabilité. Il y a d’abord un volet de gestion, qui consiste à garantir que l’appareil respecte toutes les spécifications d’opération, mais aussi un travail d’entretien rigoureux. C’est comme s’occuper à la fois du contrôle technique et du garage, pour s’assurer qu’il le passera sans encombre. C’est à la fois un travail de mécanicien et de réglementation », explique-t-il.
Une expertise essentielle pour assurer la fiabilité et la sécurité des appareils de la compagnie, qui maintient en interne l’entretien de sa flotte, tout en respectant les standards exigeants de la réglementation aéronautique.

Sous ses ordres, les 150 techniciens de la compagnie aérienne effectuent les vérifications nécessaires, avec un suivi rigoureux des appareils. Chaque soir, des inspections et réparations sont réalisées dès le retour des vols. « À chaque atterrissage, un mécanicien intervient pour s’assurer qu’aucun événement particulier n’a affecté l’exploitation de l’appareil. Une visite quotidienne est effectuée chaque soir avec un niveau d’inspection défini, et un contrôle plus approfondi a lieu chaque semaine », explique Jean-Luc Moine, directeur technique d’Air Corsica. La localisation insulaire impose une vigilance accrue sur certains risques spécifiques. « Nous sommes sur une île, donc exposés aux impacts de volatiles et aux foudroiements. Nos avions sont conçus et certifiés pour y résister, mais cela impose des vérifications fréquentes, notamment au niveau des joints et des rivets, qu’il faut parfois remplacer », ajoute-t-il.
Ces opérations de maintenance courantes sont effectuées directement sur le tarmac, si nécessaire, sur les aéroports d’Ajaccio, Bastia, Calvi et Figari, où du personnel technique est mobilisé en permanence.
Un entretien plus poussé pour garantir la longévité des appareils
Si la compagnie a récemment renouvelé l’ensemble de sa flotte d’ATR 72 et acquis deux nouveaux Airbus A320neo, des interventions plus approfondies nécessitent une immobilisation des appareils. « Tous les deux ans ou après 1 500 cycles de vol, un avion est immobilisé pendant deux semaines et demie, soit l’équivalent de 400 heures de travail », détaille Jean-Luc Moine.
Cette phase de maintenance permet de vérifier en profondeur l’ensemble des systèmes. « Nous nous assurons qu’aucune fissure ou anomalie structurelle ne soit apparue. La cabine est entièrement remise à niveau, avec un entretien complet des sièges. Le plancher fait également l’objet d’un contrôle approfondi, grâce à un système de détection par ultrason permettant de garantir l’intégrité du fuselage », précise-t-il.
Après cette révision complète, l’appareil repart pour deux ans d’exploitation dans des conditions optimales.
Air Corsica peut compter sur 150 personnels techniques, dont 70 mécaniciens spécialisés en mécanique ou avionique, pour assurer elle-même la maintenance de ses appareils. Un métier sous tension, comme l’explique Jean-Luc Moine, directeur technique de la compagnie : « Le recrutement d’un mécanicien est en très forte tension. Il y a une pénurie d’ordre mondial. Pour se former à ce métier, il faut un Bac Pro aéronautique, une mention complémentaire et une formation supplémentaire de plus de deux ans. Il faut donc entre six et huit ans pour devenir un mécano confirmé, là où il en faut seulement deux pour devenir pilote. Mais depuis sa création, Air Corsica a misé sur l’apprentissage pour accompagner les jeunes jusqu’à l’autonomie technique. »
Un métier exigeant mais attractif
Travailler comme mécanicien dans l’aérien implique des horaires contraignants, notamment de nuit, lorsque les avions ne sont pas en vol. Un rythme particulier qui ne semble pas freiner les jeunes insulaires, comme le témoigne Nicolas Antona, mécanicien chez Air Corsica depuis plusieurs années : « J’ai pris connaissance d’une offre de contrat d’apprentissage en alternance en 2020. J’ai postulé et j’ai été retenu. J’ai ensuite obtenu un Bac Pro aéronautique et une mention complémentaire. J’ai toujours voulu travailler dans l’aérien et cela a été une formidable opportunité que j’ai su saisir. C’est vrai que la majorité du travail s’effectue la nuit, mais au contraire, cela nous sort de la routine. Je ne regrette absolument pas mon choix et cela m’a permis de rester en Corse tout en exerçant un métier qui me passionne. »