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Des agnelles en pension au Lycée agricole de Borgo


Paule Cournet le Mardi 9 Janvier 2024 à 20:01

Depuis ce mardi après-midi, 40 agnelles ont pris leurs quartiers sur le Campus Corsicagri de Borgo Marana. Les élèves qui en auront la charge les ont accueillies, entourés de leurs enseignants mais aussi des partenaires de ce projet inédit dans l’établissement ouvert en 1991.



Les élèves qui auront la charge des agnelles, leurs enseignants et les partenaires du projet.
Les élèves qui auront la charge des agnelles, leurs enseignants et les partenaires du projet.
Laetitia Agostini est une enseignante heureuse. Après avoir été conseillère à la Chambre d’Agriculture, elle a repris son bâton de pèlerin et s’est à nouveau versée dans l’enseignement, sa passion première.  Autour d’elle, ce mardi après-midi, c’était un peu comme si une famille se réunissait pour une grande occasion. Une excitation mêlée d’une petite anxiété alors que la remorque transportant les animaux tarde à faire son apparition.
Le projet, mené avec l’organisme de sélection Pecura Corsa, la Chambre de d’Agriculture de Haute-Corse et l’ILOCC (Interprofession laitière Ovine et Caprine de Corse), vise à responsabiliser les lycéens de la filière CGEA (Conduite en Gestion de l’Entreprise Agricole) de 2de, Première et Terminale, à la prise en charge du vivant sous ses différents aspects.
« Aujourd’hui, être berger, ne suffit pas. Aujourd’hui, on est chef d’exploitation, on est chef d’entreprise », confie Laetitia Agostini qui a à cœur, comme les collègues et la direction de l’établissement qui l’accompagnent depuis le début, de prodiguer l’enseignement et la pédagogie les plus complets possible.
Jusqu’au mois de juin, chaque élève aura un rôle bien défini et quelques bêtes désignées dont il devra s’occuper de A à Z, avec notamment l’appui technique d’Antoine Vanni, technicien ovin auprès de la Chambre d’Agriculture, et sur lequel pourront s’appuyer les agriculteurs en herbe. « Nous sommes là pour montrer aux jeunes la réalité d’un élevage et pour les accompagner dans chaque étape du suivi des animaux, biologique et sanitaire, et leur donner le maximum de connaissances et les réflexes techniques appropriés. Notre but, c’est leur apprendre à prendre en charge le vivant », résume-t-il.



Certains jeunes seront, l’année prochaine, à la tête d’exploitation
Un propos corroboré par Hélène Beretti, Directrice de la Chambre d’Agriculture. « Nous sommes là pour donner un accompagnement technique et économique. Parmi ces jeunes, certains seront l’année prochaine à la tête d’exploitations. Nous sommes là pour les accompagner à créer et démarrer leur entreprise. »
Alors que les agnelles ne vont plus tarder à apparaître, Laetitia Agostini rassemblent ses troupes pour que les jeunes se positionnent afin de fabriquer une sorte de haie d’honneur à leurs nouvelles protégées. A leur descente du camion, ils seront fins prêts pour les accueillir et les guider dans leur enclos. Un rôle dont ils prennent toute la mesure. « Nous sommes extrêmement heureux d’avoir nos animaux directement sur les terres du lycée. Cela nous permettra d’assurer un suivi complet du troupeau », confie, avec une sidérante maturité, Mathilde, l’une des élèves de Terminale.
À ses côtés, ses camarades, Jade, Lisandru et Matheo savourent également leur chance. « Nous aurons chacun un rôle défini, c’est très responsabilisant », estime Jade, alors que les deux garçons s’accordent à dire qu’en les « qualifiant encore davantage », ce projet pédagogique, « sur le terrain », les remet du même coup en accord avec leur cœur de métier.


Les deux pieds bien ancrés dans le sol, les quatre camardes préparent minutieusement leur avenir.
Si Lisandru sait d’ores et déjà qu’il reprendra, une fois son diplôme en poche, l’exploitation de ses parents, Mathilde et Matheo préfèrent se spécialiser encore un peu plus l’an prochain, avant de se jeter dans le grand bain. Jade, prudente, qui entend lancer sa propre entreprise ovine, passera d’abord un diplôme dans la petite enfance. « Parce qu’on ne sait jamais », estime-t-elle, bien consciente des aléas économiques qui peuvent impacter les agriculteurs.


Si la filière peine un peu à recruter, bien que le lycée compte 140 inscrits, au grand dam de Joseph Colombani, le Président de la Chambre d’Agriculture de Haute-Corse, il se félicite tout haut de la féminisation du métier. « Il faudra vraiment réfléchir à ce que la présidence de la Chambre revienne à une femme », sourit-il, sans blaguer. Se projetant toujours, on peut voir son visage s’illuminer alors qu’il regarde les jeunes apprentis commencer à prendre leurs marques avec les agnelles, surprises de tant d’agitation autour d’elles. « Tout l’enjeu de ce projet, c’est l’avenir », martèle-t-il.
Un avenir que l’on espère radieux pour ces jeunes bergers prêts à assurer la continuité d’une histoire ancestrale. Des têtes bien pleines et des cœurs valeureux, visiblement aussi bien à l’aise dans leur siècle que dans la tradition.

Depuis ce mardi après-midi, 40 agnelles ont pris leurs quartiers sur le Campus Corsicagri de Borgo Marana
Depuis ce mardi après-midi, 40 agnelles ont pris leurs quartiers sur le Campus Corsicagri de Borgo Marana