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En Corse, une saison "difficile" pour les hôteliers et les restaurateurs


Rose Casado le Jeudi 1 Août 2024 à 11:38

Alors que la saison estivale bat son plein, le secteur de l'hébergement touristique connaît une baisse inquiétante du taux de remplissage de ses hôtels et campings. L'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (Umih) pointe du doigt une combinaison de facteurs, parmi lesquels la baisse du pouvoir d'achat et l'essor « incontrôlé » des meublés de tourisme de type Airbnb.



Photo d'illustration
Photo d'illustration

En plein cœur de la saison estivale, le secteur de l'hébergement marchand – incluant hôtels, campings, et gîtes – fait face à une situation préoccupante, selon Karina Goffi, présidente de l'Union régionale des métiers et des industries de l'hôtellerie. Les données récoltées par l'Umih, basées sur les taux de remplissage des hôtels et campings affiliés, révèlent une tendance générale à la baisse par rapport à l'été 2023. En effet, à la mi-juillet, le secteur a constaté une chute de fréquentation dramatique, oscillant entre 12 % et 36 % dans certaines micro-régions comme Porto ou Corte. Cette baisse survient alors même que la capacité totale d'accueil atteint 148 035 places lorsque tous les établissements insulaires sont ouverts, hors gîtes de France. « La saison estivale, habituellement synonyme de forte affluence et de recettes importantes, tourne cette année à la désillusion pour de nombreux professionnels du secteur. La baisse du pouvoir d'achat est l'une des principales raisons de cette désertion mais pas la seule », explique la présidente de l'Umih qu'avec ses 880 adhérents peut observer les conséquences de cette crise sur le terrain.

 

 


"On a encore 20 ans de retard"

Si le changement de comportement des consommateurs dû à leur budget amoindri est un paramètre à prendre en compte, Karina Goffi, pointe du doigt Airbnb comme principal responsable de la crise de l'hébergement marchand en Corse. En effet, en dépit d'une baisse générale des nuitées dans tous les types d'hébergement, les trafics maritimes et aériens se portent bien cette année, indiquant que les vacanciers privilégient la plateforme de location, qui compte plus de 550 offres rien qu'à Bastia. La présidente dénonce une concurrence déloyale et un manque de régulation de la part des autorités insulaires.  « Je ne suis pas contre les Airbnb situés dans les villages et qui font vivre une économie locale, je ne suis pas contre les particuliers qui louent leur studio. Le problème, c'est quand c'est à grande échelle », explique-t-elle. Et d'étayer son propos : « Nous, hôteliers, avons à faire à l'hygiène, à la répression des fraudes, aux taxes de séjours, alors que les propriétaires de Airbnb n'y sont pas confrontés. C'est injuste, et la Corse est l'un des seuls endroits, à l'exception du Cap – que je félicite – à ne rien mettre en place en terme de régulation. On a encore 20 ans de retard, comme sur beaucoup d'autres sujets… » 

 

Des victimes collatérales

Selon Karina Goffi, le mode de location en Airbnb n'a pas seulement impacté le secteur de l'hébergement. Il a également asphyxié celui de la restauration. « Les restaurateurs sont très touchés également, puisqu'en louant sur la plateforme, les vacanciers ne vont plus au restaurant. Ils se contentent de faire fonctionner les grandes surfaces. Ils ne vont plus dîner dehors, ils pic-niquent sur la plage ou sur les aires de repos, et ça se ressent. Quand on s'entretient avec eux, ils nous répondent : 'Heureusement qu'il y a les locaux pour nous faire vivre’. D'ailleurs, on voit de plus en plus de restaurants fermer ces dernières années », s'inquiète la professionnelle.
 
En effet, pour les restaurants, la saison 2024 enregistre une baisse de 10 % à 21 % par rapport à la précédente. « Quand nous faisons l'état des lieux, nous sommes forcés de constater que notre économie prend un coup. Surtout que lorsqu'un établissement ne se porte pas bien, c'est tout un réseau qui en pâtit. Blanchisseurs, boulangers, primeurs… Tous sont des victimes collatérales de cette baisse de régime », détaille la présidente de l'Umih. Face à ce constat qui s'étend bien au-delà de l'île de Beauté, la branche nationale de l'Umih a même demandé aux antennes régionales de se rapprocher des tribunaux de commerce pour connaitre la tendance. « Ça sonne rouge partout ! Les petits restaurants qui ont ouvert pendant le Covid ont dû fermer boutique et là, on va encore perdre du monde. »

"Mettre en place des tarifs différenciés pour préserver l'économie locale"

Pour tenter d'endiguer ce problème et aider l'économie locale, la présidente de l'Umih a pensé à des solutions : « Avant toute chose, il faut mettre en place des tarifs différenciés sur le secteur aérien. Les touristes devraient pouvoir arriver avec un numéro d'agrément de leur structure d'hébergement marchand délivré par l'Agence de tourisme de la Corse, afin de bénéficier d'un prix correct. Ce serait un gage de bonne foi pour faire fonctionner l'économie circulaire. Et dans le même temps, il faut taper sur les Airbnb, en faisant payer les billets les plus chers aux touristes ne disposant pas de ces numéros d'agrément pour aller dans des hébergements marchands. » À son sens, une priorité s’impose : favoriser avant tout l’économie locale.

Un tourisme plus vert

Face au raz-de-marée Airbnb, quelques offres d'hébergement arrivent tout de même à garder un cap jugé « stable ». Parmi elles se trouvent les structures misant sur l'environnement et adhérant à des écolabels, qui ne font globalement pas remonter de difficultés à l'Umih. « Elles sont moins impactées parce qu'elles touchent une clientèle – souvent venue des pays du nord de l'Europe – qui vient chercher ce type de vacances raisonnées, plus en adéquation avec leurs valeurs. »

À cela s'ajoutent les clubs de vacances all-inclusive, privilégiés par les familles soucieuses de ne pas dépasser leur budget vacances. « On met un bracelet et on sait combien le séjour va nous coûter. Ça permet de s'offrir des vacances sans mauvaise surprise », conclut Karina Goffi, dubitative quant au bilan à attendre à l'issue de la saison estivale 2024.