La crise du logement continue de s’aggraver en Corse, où l’accès à la propriété et à la location devient de plus en plus difficile. pour les habitants. Le développement massif des résidences secondaires et des meublés touristiques entraîne une augmentation continue des prix et une raréfaction de l’offre locative. Pour tenter de répondre à ces défis, l’Agence d’Urbanisme et d’Énergie (AUE) et la Collectivité de Corse ont organisé ce vendredi un colloque à Corte, réunissant plusieurs intervenants.
Parmi eux, Nicole Etxamendi, première adjointe à la mairie d’Itxassou, au Pays basque, est venue témoigner d’une expérience qui pourrait servir d’exemple. Depuis deux ans, son territoire applique une mesure compensatoire visant à limiter les locations touristiques : chaque propriétaire souhaitant mettre un bien en meublé de courte durée doit désormais proposer un logement équivalent à l’année. "Chaque année, 3 000 nouveaux habitants arrivent avec des capitaux élevés, faisant grimper le prix de l’immobilier", explique l’élue basque. "Nous avons dû agir pour éviter une situation où les locaux ne pouvaient plus se loger."
Un encadrement efficace des meublés touristiques
Face à l’attractivité du Pays basque, où les prix peuvent atteindre 14 000 euros le mètre carré, l’essor des locations saisonnières a entraîné une hausse vertigineuse du marché immobilier. Les investisseurs, attirés par des rendements élevés, ont massivement transformé des logements en meublés touristiques, réduisant encore davantage l’offre de résidences principales. Pour endiguer ce phénomène, 24 communes du littoral et du rétro-littoral ont mis en place une règle stricte : tout propriétaire souhaitant louer son bien en saisonnier doit proposer en parallèle un bien identique destiné à la location à l’année. Deux ans après son adoption, les effets sont déjà visibles. "Les investisseurs uniquement intéressés par le meublé touristique ont cessé d’acheter. En parallèle, grâce à une dérogation permettant la location étudiante sur neuf à dix mois, nous avons favorisé les baux de longue durée pour les jeunes", détaille Nicole Etxamendi.
En Corse, les mêmes problématiques se posent avec une intensité croissante. "Aujourd’hui, nous avons plus de 200 000 logements sur l’île, mais les prix ne cessent d’augmenter, à la vente comme à la location", constate Julien Paolini, président de l’AUE. En quinze ans, le prix de l’immobilier a doublé, atteignant 4 000 euros le mètre carré dans certaines zones. Cette flambée s’explique en grande partie par l’augmentation des résidences secondaires et des meublés touristiques, qui réduit l’offre pour les résidents permanents. "En moyenne, les prix ont été multipliés par deux. L’accès au logement devient donc extrêmement difficile pour les ménages les plus précaires." analyse le président.
Faut-il alors s’inspirer du modèle basque ? Pour le président de l’AUE, chaque territoire a ses spécificités. "Il est possible, grâce à la loi Le Meur, de créer des zones où les résidences secondaires et les meublés touristiques seraient interdits, au profit des résidences principales, mais les problématiques ne sont pas les mêmes partout." observe l'élu. "Dans les villages, les meublés touristiques appartiennent souvent à des familles corses qui entretiennent leur maison. À l’inverse, dans les zones très tendues comme Ajaccio ou Porto-Vecchio, il est urgent de réguler", détaille Julien Paolini.
Réguler, mais aussi développer le logement social
Si l’encadrement du marché immobilier privé est une piste à explorer, la Corse doit aussi accélérer la construction de logements sociaux. "Nous avons seulement 10 % de logements sociaux, contre 17 % en moyenne nationale", rappelle Julien Paolini. "Il faudrait en construire environ 700 par an, mais nous n’atteignons que 400 ces dernières années."l y a un effort important à fournir."
Au-delà du manque de logements, la vétusté du parc existant constitue un autre défi. "Certains logements sociaux sont très dégradés, ce qui pose aussi la question de la rénovation énergétique. Il faut accélérer les travaux pour offrir des habitations décentes aux plus précaires." Pour y parvenir, il estime qu’il faudra faire évoluer les dispositifs fiscaux, qui ont jusqu’ici davantage favorisé la construction de résidences secondaires que le développement du logement social.
Dans le cadre de la révision du Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (Padduc), la Collectivité envisage donc de créer des espaces anti-spéculatifs, exclusivement dédiés à l’habitat permanent. "Nous voulons mettre en place des espaces anti-spéculatifs, exclusivement dédiés à la résidence principale. Ces dispositifs doivent être pleinement exploités." explique Julien Paolini. Des dispositifs fiscaux pourraient également évoluer pour limiter les effets pervers des incitations à l’achat de résidences secondaires. Enfin, une réflexion sur la notion de résident pourrait être engagée, notamment dans le cadre du processus d’autonomie. "Il faudrait pouvoir conditionner l’accès au logement à cette notion, pour préserver la capacité des Corses à se loger dans leur propre territoire", conclut Julien Paolini.