Son nom fait trembler les éleveurs ovins. Depuis quelques mois, une flambée de fièvre catarrhale ovine se fait sentir partout en France et en Europe. Et la Corse n’échappe pas à la règle. Depuis la fin du mois de mai, les contaminations de cheptels par cette maladie très contagieuse - qui cause fièvre, troubles respiratoires, langue pendante, perte des petits en gestation, et une mortalité importante des ovins - ne cessent de progresser sur l’île. Au point que la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF), recensait au 27 août 28 foyers touchés par la fièvre catarrhale ovine en Corse du Sud et 50 en Haute-Corse.
Un chiffre en progression par rapport à la même période en 2023, qui s’explique par une précocité de l’épidémie cette année. Si la « maladie de la langue bleue » frappe normalement à partir de septembre, du fait de conditions climatiques propices les moucherons vecteurs du virus ont en effet commencé à proliférer dès la fin du printemps. Et de premières contaminations ont été recensées en Balagne dès le mois de mai. Une situation inquiétante qui pourrait bien perdurer jusqu’au mois de décembre. « J’ai peur qu’on ne soit pas au pic de l’épidémie », souffle Joseph Colombani, le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse qui pointe en outre la présence du sérotype 8 qui suscite une vive inquiétude. « C’est un sérotype qui existe depuis longtemps sur le continent, mais qui n’était pas en Corse jusqu’à l’année dernière. En 2023, on a donc eu l’effet d’un sérotype qui arrive sur une zone où il n’y en a jamais eu et on a recensé 3000 brebis mortes, surtout dans le Sud de la Corse », explique-t-il en reprenant : « Mais 3000 c’est ce qui a été répertorié, or nous savons par expérience que pas tout le monde ne déclare ses bêtes mortes et qu’il y en a donc surement eu plus ».
Plusieurs centaines d’ovins déjà décimés par la fièvre catarrhale en Corse en 2024
Sur les premiers mois de l’épidémie de cette année, les services vétérinaires de Haute-Corse auraient déjà recensé 300 brebis mortes. Un chiffre sous-estimé selon Joseph Colombani qui pointe une méthode de comptage bien en-dessous de la réalité. « Dans un cheptel déclaré comme malade, les seules brebis qui sont mortes qui sont pris en compte, sont celles qui ont été contrôlées par un vétérinaire », indique-t-il. « En retenant la différence entre les chiffres de l’équarrissage de l’année dernière et ceux de cette année, on arrive sur juillet-août à 1200 brebis mortes sur l’ensemble de l’île », ajoute-t-il en appuyant là-aussi sur une sous-estimation de ce nombre. « On estime que seule une bête sur trois passerait par l’équarrissage. L’été, les bêtes ne montent pas sur la machine à traire et ne sont pas comptées tous les jours. Il arrive qu’on trouve une bête morte deux ou trois jours après, et à ce moment-là, les équarisseurs ne les prennent plus », précise-t-il en évaluant que près de 3000 ovins auraient déjà succombé à la fièvre catarrhale en Corse depuis mai dernier. « Et puis quelque chose qu’on n’a pas étudié c’est l’impact des avortements des brebis liés à la maladie. Car qui dit avortement dit plus de lait et donc on continue à nourrir une bête qui ne rapporte rien et qui n’est pas indemnisée puisqu’elle n’est pas morte », constate le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse.
Seule solution pour lutter efficacement contre la fièvre catarrhale, le vaccin a en outre eu un impact limité cette année. « On a eu un démarrage de la maladie en Corse fin mai, et le vaccin n’a été disponible que le 15 juillet. Entre temps la maladie s’est propagée. Et puis il y a 40 jours de latence après le vaccin et donc en vaccinant le 15 juillet l’effet ne se fait pas sentir avant mi-septembre. De plus, le vaccin ne peut pas se faire sur les brebis lors du dernier mois de gestation et donc certains éleveurs n’ont pas pu vacciner », souligne Joseph Colombani.
Un cri d’alarme
Face à cette envolée des contaminations sur l’île qui ne semble pas près de se tarir, le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse déplore des conséquences importantes pour des éleveurs d’ovins qui payent déjà un lourd tribut. D’autant plus que cette nouvelle épidémie s’inscrit dans un cycle de crises successives. « En 2020, on a traversé la crise Covid qui a entrainé des difficultés pour vendre le lait et le fromage. En 2022, la guerre en Ukraine a causé une hausse des prix de l’alimentation et du gasoil. Et en 2023, on a subi une sécheresse terrible. Le tout dans un contexte général où les agneaux ne se vendent pas, et où, sans signe officiel de qualité, certains font du fromage corse avec du lait importé », tance Joseph Colombani. En résulte une filière particulièrement mal en point, pour laquelle la fièvre catarrhale pourrait être la goutte de trop selon le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse. « Il y a même une question existentielle de bergers qui se demandent s’il y a toujours un sens à exercer leur métier en Corse en 2024 », regrette-t-il en insistant : « On pense que la fièvre catarrhale peut être décisive pour la filière ovine en Corse »
De facto, le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse dit attendre des aides d’urgences et surtout une meilleure prise en compte de la situation des éleveurs corses au niveau national. « Il y a une chose qu'on ne comprend pas et qu'on accepte très mal, c'est que systématiquement, on est renvoyé vers l’Office de Développement Agricole et Rural de la Corse (Odarc). Mais au niveau national, ce ne sont pas les conseils régionaux qui payent les indemnisations des brebis et les vaccins », relève-t-il. « Je me pose des questions quant à l’absence de réactions au niveau local, tant au niveau des institutions politiques que des syndicats. Est-ce qu’on a franchi le cap de la fatalité ? Est-ce que l’on se dit que finalement cela ne sert plus à rien de se battre ? Est-ce qu’il y a une volonté délibérée de laisser crever les filières d’élevage en Corse ? », s’interroge-t-il en lançant un cri d’alarme, voire de détresse, sur l’urgence à agir. « Dans cinq ans, ce ne sera plus la peine ».
Un chiffre en progression par rapport à la même période en 2023, qui s’explique par une précocité de l’épidémie cette année. Si la « maladie de la langue bleue » frappe normalement à partir de septembre, du fait de conditions climatiques propices les moucherons vecteurs du virus ont en effet commencé à proliférer dès la fin du printemps. Et de premières contaminations ont été recensées en Balagne dès le mois de mai. Une situation inquiétante qui pourrait bien perdurer jusqu’au mois de décembre. « J’ai peur qu’on ne soit pas au pic de l’épidémie », souffle Joseph Colombani, le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse qui pointe en outre la présence du sérotype 8 qui suscite une vive inquiétude. « C’est un sérotype qui existe depuis longtemps sur le continent, mais qui n’était pas en Corse jusqu’à l’année dernière. En 2023, on a donc eu l’effet d’un sérotype qui arrive sur une zone où il n’y en a jamais eu et on a recensé 3000 brebis mortes, surtout dans le Sud de la Corse », explique-t-il en reprenant : « Mais 3000 c’est ce qui a été répertorié, or nous savons par expérience que pas tout le monde ne déclare ses bêtes mortes et qu’il y en a donc surement eu plus ».
Plusieurs centaines d’ovins déjà décimés par la fièvre catarrhale en Corse en 2024
Sur les premiers mois de l’épidémie de cette année, les services vétérinaires de Haute-Corse auraient déjà recensé 300 brebis mortes. Un chiffre sous-estimé selon Joseph Colombani qui pointe une méthode de comptage bien en-dessous de la réalité. « Dans un cheptel déclaré comme malade, les seules brebis qui sont mortes qui sont pris en compte, sont celles qui ont été contrôlées par un vétérinaire », indique-t-il. « En retenant la différence entre les chiffres de l’équarrissage de l’année dernière et ceux de cette année, on arrive sur juillet-août à 1200 brebis mortes sur l’ensemble de l’île », ajoute-t-il en appuyant là-aussi sur une sous-estimation de ce nombre. « On estime que seule une bête sur trois passerait par l’équarrissage. L’été, les bêtes ne montent pas sur la machine à traire et ne sont pas comptées tous les jours. Il arrive qu’on trouve une bête morte deux ou trois jours après, et à ce moment-là, les équarisseurs ne les prennent plus », précise-t-il en évaluant que près de 3000 ovins auraient déjà succombé à la fièvre catarrhale en Corse depuis mai dernier. « Et puis quelque chose qu’on n’a pas étudié c’est l’impact des avortements des brebis liés à la maladie. Car qui dit avortement dit plus de lait et donc on continue à nourrir une bête qui ne rapporte rien et qui n’est pas indemnisée puisqu’elle n’est pas morte », constate le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse.
Seule solution pour lutter efficacement contre la fièvre catarrhale, le vaccin a en outre eu un impact limité cette année. « On a eu un démarrage de la maladie en Corse fin mai, et le vaccin n’a été disponible que le 15 juillet. Entre temps la maladie s’est propagée. Et puis il y a 40 jours de latence après le vaccin et donc en vaccinant le 15 juillet l’effet ne se fait pas sentir avant mi-septembre. De plus, le vaccin ne peut pas se faire sur les brebis lors du dernier mois de gestation et donc certains éleveurs n’ont pas pu vacciner », souligne Joseph Colombani.
Un cri d’alarme
Face à cette envolée des contaminations sur l’île qui ne semble pas près de se tarir, le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse déplore des conséquences importantes pour des éleveurs d’ovins qui payent déjà un lourd tribut. D’autant plus que cette nouvelle épidémie s’inscrit dans un cycle de crises successives. « En 2020, on a traversé la crise Covid qui a entrainé des difficultés pour vendre le lait et le fromage. En 2022, la guerre en Ukraine a causé une hausse des prix de l’alimentation et du gasoil. Et en 2023, on a subi une sécheresse terrible. Le tout dans un contexte général où les agneaux ne se vendent pas, et où, sans signe officiel de qualité, certains font du fromage corse avec du lait importé », tance Joseph Colombani. En résulte une filière particulièrement mal en point, pour laquelle la fièvre catarrhale pourrait être la goutte de trop selon le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse. « Il y a même une question existentielle de bergers qui se demandent s’il y a toujours un sens à exercer leur métier en Corse en 2024 », regrette-t-il en insistant : « On pense que la fièvre catarrhale peut être décisive pour la filière ovine en Corse »
De facto, le président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse dit attendre des aides d’urgences et surtout une meilleure prise en compte de la situation des éleveurs corses au niveau national. « Il y a une chose qu'on ne comprend pas et qu'on accepte très mal, c'est que systématiquement, on est renvoyé vers l’Office de Développement Agricole et Rural de la Corse (Odarc). Mais au niveau national, ce ne sont pas les conseils régionaux qui payent les indemnisations des brebis et les vaccins », relève-t-il. « Je me pose des questions quant à l’absence de réactions au niveau local, tant au niveau des institutions politiques que des syndicats. Est-ce qu’on a franchi le cap de la fatalité ? Est-ce que l’on se dit que finalement cela ne sert plus à rien de se battre ? Est-ce qu’il y a une volonté délibérée de laisser crever les filières d’élevage en Corse ? », s’interroge-t-il en lançant un cri d’alarme, voire de détresse, sur l’urgence à agir. « Dans cinq ans, ce ne sera plus la peine ».