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Guy Armanet : « La valorisation énergétique sera utilisée que pour une part résiduelle de nos déchets »


le Mercredi 24 Juillet 2024 à 20:27

La session de l’Assemblée de Corse de ce jeudi sera largement consacrée à l’étude du Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets (PTPGD). Si avec ce document l’Exécutif affirme toujours vouloir donner la priorité au tri à la source, il prévoit aussi le recours à la valorisation énergétique pour une partie des déchets produits en Corse. Avant son passage dans l’hémicycle, Guy Armanet, le président de l’Office de l’Environnement de la Corse, détaille les contours de ce plan pour CNI.



Guy Armanet : « La valorisation énergétique sera utilisée que pour une part résiduelle de nos déchets »
- Le Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets (PTPGD) est à l'ordre du jour de la session de l’Assemblée de Corse de ce jeudi. L'aboutissement d’un travail de longue haleine qui aspire à régler une crise lancinante depuis plusieurs décennies en Corse. Sur quels principes s’est appuyé la construction de ce document ?
- Nous nous sommes astreints à associer le plus grand nombre de personnes. Des dizaines de réunions ont eu lieu durant deux ans et demi, et ont été suivies par une enquête publique où le plan dans son intégralité a été mis à disposition, afin que tout le monde puisse apporter ses remarques et ses observations. Nous avons ensuite compilé ces remarques et observations et les enquêteurs ont d'ailleurs émis un avis favorable. C'était la dernière marche à franchir avant d'arriver à l'Assemblée de Corse. Donc il y a eu une très large concertation qui a pris beaucoup de temps et qui nous amène aujourd'hui à avoir un document construit. Le tri en collecte sélective reste l'épine dorsale de ce PTPGD, au même titre que la collecte des biodéchets qui sont des sujets importants que nous avons à traiter en cascade avec les intercommunalités. 
 
- Mais il est également prévu de mettre à l’étude les conditions de création d’une filière de valorisation énergétique…
- La valorisation énergétique nous est imposée par les normes européennes. Elle est obligatoire et elle arrive en bout de chaîne, c'est-à-dire qu’elle ne sera utilisée que pour une part résiduelle de nos déchets, qui ne sera plus valorisable. Et elle va permettre de produire de l'énergie renouvelable. La valorisation énergétique et actuellement à l'étude depuis huit mois et elle sera encadrée par un contrôle public relativement strict, puisque l'enquête publique nous a permis, en fonction des différentes questions qui étaient posées, d'apporter une variable non neutre à notre plan qui consiste à rentrer une notion de bénéfices raisonnables. 
 
- Certains craignent toutefois que cette filière de valorisation énergétique ne soit en fait qu’un recours déguisé à l’incinération des déchets. Quelle différence existe-t-il entre une filière de valorisation énergétique et la construction d’un incinérateur ?
- Dans un incinérateur, on met tous les déchets de manière brute et on doit l’alimenter en continu afin qu'il n'y ait pas de vide de four pour que l’on puisse maintenir une chaleur constante. La valorisation énergétique, telle que nous l’avons imaginé, serait le dernier maillon de la chaîne du tri. C'est-à-dire que c'est tout ce qui ne peut pas être valorisé qui sera utilisé. Elle pourrait être une unité biomasse qui serait alimentée soit par du bois soit par des Combustibles Solides de Récupération (CSR). Donc, si demain nous venions à avoir de très bons taux en termes de tri, la diminution de CSR permettrait d'augmenter la production de bois, puisque les unités biomasse pourront continuer de fonctionner et de produire de l'électricité uniquement avec du bois. Mais si nous avons encore quelques CSR à brûler, nous pourrons le faire dans ces unités de valorisation énergétique.
 
- Quid de l’impact environnemental des émissions que le brulage de ces CSR pourrait provoquer ?
- L’Office de l'Environnement de la Corse (OEC) a bien évidemment lancé une étude sur les émissions. Celle-ci porte sur toute la partie environnementale, aussi bien sanitaire que technique et juridique. Elle est en cours et s'achèvera bientôt. Donc, nous aurons tous les éléments en main pour pouvoir dire comment les choses vont pouvoir se construire en termes de valorisation énergétique.

Guy Armanet assure que le tri "reste l'épine dorsale du plan" (Photo : Archives CNI)
Guy Armanet assure que le tri "reste l'épine dorsale du plan" (Photo : Archives CNI)
- Malgré tout, cette valorisation énergétique n’est-elle pas quelque part un peu antinomique avec les combats environnementaux historiques du courant nationaliste ?
- Pas du tout. Aujourd'hui, nous sommes dans une gestion de bout de chaîne où nous ne pouvons plus rien faire d'autre de ces déchets-là. Le tri reste l’épine dorsale du plan. Nous sommes obligés d'essayer de traiter ces déchets ultimes dont nous ne pouvons plus rien faire, et il n’est pas envisageable de les envoyer sur le continent. La chaîne de tri nous impose aussi in fine de traiter ces déchets résiduels. De plus, le recours à la valorisation énergétique émane de réglementations européennes et nous n'avons donc pas le choix.
 
En outre, les réglementations européenne et nationale imposent également que le recours à l’enfouissement des déchets soit drastiquement réduit. Le recours au tri combiné à la valorisation énergétique pourraient-ils permettre de tenir les objectifs ?
- Sous cinq ans on ne doit effectivement plus enfouir que 10% de ce que l'on enfouit aujourd'hui. En Corse, on enfouit environ 140 ou 150 000 tonnes de déchets par an, cela veut dire que dans cinq ans, on ne pourra plus enfouir que 15 000 tonnes. Il faut donc vraiment trouver des solutions pour arriver à ces objectifs-là, d’autant que les deux centres de stockage et d'enfouissement de l’île arrivent aussi à saturation. Il faut vraiment qu'on arrive à changer de modèle, même s’il y aura toujours une infime partie des déchets qui devront être stockés et non plus enfouis. 
 
- Avant même son adoption, ce PTPGD fait déjà l’objet de vives critiques, émanant notamment des associations. Le collectif Corsica Pulita affirme notamment que les conclusions de l'enquête publique n’ont pas été prises en compte et envisage d'attaquer le plan en justice s'il est adopté. De quoi faire peser une incertitude quant à l'avenir de ce plan ?
- Chacun prendra ses responsabilités. Je crois qu'aujourd'hui le principe de réalité nous impose aux uns et aux autres de converger et de travailler ensemble pour aller de l'avant sur ces sujets-là. Non seulement nous avons répondu point par point à l’enquête publique, mais l'avis qui a été rendu par les enquêteurs est favorable, avec deux recommandations et trois préconisations que nous avons d'ores et déjà levées. La première recommandation nous demandait un suivi de la volumétrie et un observatoire des déchets, ce que nous avons mis en route au sein même de l’OEC et que nous serons à même de produire tous les ans. Pour la partie où on nous demandait d'être un peu plus fins sur les études CSR et la valorisation énergétique, l’OEC a anticipé les choses puisqu'il a attribué à Antea Group une mission assez complète qui va balayer de manière très large toute cette partie. Moi je demande aux associations de venir travailler avec nous et non pas d'essayer de s'opposer sur ce genre de sujets. À mon avis, le combat que l'on a à gagner, c'est le coût que nos administrés auront à payer demain, ce n'est pas tant la manière dont les choses vont se construire. On est en route pour un système qui a été choisi dans toutes les différentes instances, et non pas seulement à l'enquête publique. Je rappelle quand même que ce n'est pas moins d'une trentaine de réunions qui se sont tenues et qui ont toutes donné un avis favorable au plan. On est désormais dans la phase finale d’acceptation. Je crois que maintenant il faut se retrousser les manches pour aller sur des sujets bien plus importants que sont le coût du traitement des déchets en Corse et la manière de le faire réduire pour le bien-être de tout le monde.