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Haute-Corse – 1ère circonscription : Michel Castellani dans un 2nd tour inédit avec le RN


Nicole Mari le Lundi 1 Juillet 2024 à 08:21

C'est sans surprise que le député nationaliste sortant, Michel Castellani domine ce premier tour des élections législatives dans la première circonscription de Haute-Corse avec 31,74% des suffrages exprimés. Comme partout en Corse, le choc vient de son challenger, le candidat RN, Jean-Michel Marchal, un inconnu, qui avec 28,80%, se qualifie pour le 2nd tour. L’Extrême-droite cumulée totalise 35% des voix. Avec 14,42%, Julien Morganti fait à peine mieux qu’en 2022 et reste sur la touche. L’opposition bastiaise portée par Jean-François Paoli s’effondre à 5,43%, devancée par le Front populaire qui, recueille 8,89%. Core in Fronte ne récolte que 3,90%. La participation a dépassé 62%.



Duel inédit entre le député nationaliste sortant Michel Castellani et le candidat du Rassemblement national, Jean-Michel Marchal.
Duel inédit entre le député nationaliste sortant Michel Castellani et le candidat du Rassemblement national, Jean-Michel Marchal.
Si la pôle position du député nationaliste sortant, Michel Castellani, à l’issue du 1er tour dans la première circonscription de Haute-Corse, n’a rien de surprenant, sa gageure est d’être le seul député sortant à résister au raz de marée RN. Avec 31,74% des suffrages, il fait la course en tête, mais seulement 1107 voix le séparent du candidat du Rassemblement national (RN), Jean-Michel Marchal, qui, à la surprise générale, se qualifie pour le second tour. Là, comme ailleurs, la participation a flambé et dépassé 62 %, soit un bond de 21% par rapport au 1er tour de 2022 où elle avait peiné à atteindre 41% et où l’abstention avait, par contre, battu le record historique de 59%. Comme ailleurs cette forte mobilisation a profité à fond au Rassemblement national particulièrement dans le périurbain où l’abstention avait culminé en 2022. A Bastia, la participation est passée de 38% en 2022 à plus de 59%, à Biguglia de 43% à plus de 65%, à Borgo de 32,8% à 58%, à Furiani de 42,38% à 63,91%, à Lucciana de 32% à 56,54%. Comme dans les autres circonscriptions, c’est l’évolution démographique et le flux massif de nouveaux arrivants, venus de l’hexagone, - Michel Castellani, pendant sa campagne, avait parlé d’une « avalanche » - qui explique, en premier lieu, cette progression conjointe de la participation et de l’Extrême-droite. Les nouveaux arrivants, qui ne se déplaçaient pas pour aller voter, se sont rendus massivement aux urnes. C’est la première fois que l’on voit des files d’attente un peu partout à Bastia et dans les villes du périurbain. La participation a aussi progressé dans le rural.
 
La résistance nationaliste
Si le député sortant résiste à la déferlante RN et prend quelques points, il laisse aussi quelques plumes dans la bataille. Avec 31,74% des suffrages, il engrange 3646 voix supplémentaires, passant de 8316 voix à 11 962, mais perd 2% par rapport au 1er tour de 2022. Il fait aussi moins de 2000 voix par rapport au 2nd tour de 2022 où il avait été réélu avec 63,12%. Il perd également sa très confortable avance de 5000 voix sur son premier challenger, avec un écart beaucoup plus serré qui dépasse à peine 1000 voix. Il reste en tête à Bastia avec 28,31% des voix et gagne plus de 1100 voix par rapport au 1er tour de 2022, mais est talonné par le RN qui totalise 26,81% des suffrages et 3425 voix, soit un petit écart de 192 voix. S’il caracole en tête dans les bureaux de centre-ville avec des scores jusqu’à 37,38% dans le 4ème bureau, il se fait distancer dans les Quartiers Sud où le RN emporte 44% des voix à Montesoro ou encore 29,77% à Paese Novu. Le député sortant capitalise également dans les communes du Grand Bastia qui rassemblent plus de la moitié des électeurs de la circonscription, mais toujours sur le même mode. Il rafle la mise au Sud, à Furiani avec 45,43%, à Biguglia avec 38,21%, au Nord à San Martino-di-Lota avec 35,37%, près de 43% à Santa-Maria-di-Lota et tient bon à Ville-di-Pietrabugno. Il continue de dominer le Nebbiu, la Conca dOru et le Cap Corse, même si quelques communes lui échappent sous la percée du RN.
 
Un candidat parachuté
« C’est un vote de protestation. Il faut en tenir compte. Il y a des conditions sociales qui sont désastreuses. En Corse, il ne faut pas se tromper : les électeurs vont avoir le choix au second tour entre deux conceptions de la vie en société, deux conceptions des droits de l’homme et de l’humanisme et aussi de défense des intérêts de la Corse et de ce que nous sommes. Il ne faut pas que les gens se laissent prendre par des messages. Des baguettes magiques, il n’y en a pas ! », réagit à chaud Michel Castellani. Avant de tacler son challenger RN : « La Corse n’a pas besoin de candidat parachuté. Je suis né à Bastia, j’y vis et j’y serai enterré. Je défends ma ville et ma circonscription. Je me bats tous les jours au quotidien pour mon île, pour la démocratie et pour le vivre ensemble. En face de moi, je vais avoir qui ? Un monsieur que je n’ai jamais vu, qu’on n’a jamais vu, il faut bien avoir conscience de cela ». Et de lancer un appel aux progressistes : « Je demande à tout le monde de se réunir autour de ma candidature parce que le vote de dimanche prochain est d’une extrême importance à la fois pour la Corse et pour la France ». Le député sortant reste en ballotage favorable. Il devrait normalement pouvoir compter sur les voix de Core in Fronte qui a réalisé 1471 voix, soit 3,9% des suffrages exprimés, même si le parti indépendantiste ne s’est pas encore prononcé.
 
Le raz de marée RN
S’il y a un candidat que l’on n’attendait pas au 2nd tour, c’est bien Jean-Michel Marchal. Le candidat RN, parachuté dans la circonscription, est un parfait inconnu qui n’était même pas sur place pour le scrutin. Les électeurs ignoraient jusqu’à son nom avant qu’il ne décroche son ticket pour le 2nd tour. C’est dire si le candidat en lui-même a peu compté dans leur choix. Il n’a même pas eu besoin de faire campagne, il lui a suffi, comme à sa consœur de la 2ème circonscription de Haute-Corse de se laisser porter par la vague RN. On peut même parler de tsunami. Avec 28,80% des suffrages, le parti de Jordan Bardella récolte 10 855 voix, soit 8000 voix de plus qu’en 2022 où il avait déjà déclenché la surprise en s’arrogeant la troisième place avec 12,17% des suffrages. A Bastia, le RN passe de 932 à 3415 voix. A Borgo ou Lucciana, il dame le pion à ses concurrents avec des scores respectivement de 39% et près de 43%. Il prend la 2ème place à Biguglia avec 140 voix de moins que le député sortant, mais également à Furiani. Il se retrouve souvent dans le trio de tête dans le rural, arrache des communes comme Barbaggio, Brando, Centuri, Olcani, Olmeto di Tuda, Pietracorbara ou Rapale. C’est la première fois qu’un candidat d’Extrême-droite atteint un tel niveau dans une législative en Corse. « Je ne peux pas dire que je suis surpris du résultat, parce que j’avais confiance et que je m’attendais à faire un bon score, mais pas à ce que les résultats soient aussi serrés avec M. Castellani », réagit Jean-Michel Marchal. Pour lui, « les citoyens ont voté en fonction de la situation du pays ».
 
Un score cumulé
Si l’on rajoute les voix des trois autres candidats souverainistes, l’Extrême-droite cumulée totalise 35% des voix dans la circonscription à ce 1er tour contre 17% en 2022. Là aussi, du jamais vu en Corse sur une législative ! Pour sa première participation à une élection en tant que candidat, Nicolas Battini, proche d’Eric Zemmour, obtient 1603 voix, soit 4,25%. L’ex-militant nationaliste, qui a viré casaque pour fonder son propre mouvement A Mossa Palatina, avait basé sa campagne sur le rejet de l’immigration et le tir à boulets rouges sur ses anciens compagnons de lutte. Il n’a pas convaincu. Pas plus que le candidat de Reconquête !, Jean-Michel Lamberti qui chute à 370 voix et à moins de 1%, bien loin des 1179 voix et des 4,79% obtenus en 2022. Le souverainiste Alex Fernandez, ex-RN qui se présentait sous sa propre bannière, dépasse à peine les 1%. Le RN ne leur a guère laissé de place.
 
Un scénario à la Kanaky
Le raz de marée RN, qui touche la Corse, fait réagir Jean-Baptiste Arena, maire de Patrimoniu et conseiller territorial Core in Fronte. L’élu indépendantiste, qui avait en vain appelé à l’union du mouvement national, tire un constat simple et limpide : « On voit bien que quand la famille nationaliste n’est pas réunie dans son intégralité et vu ce qui se profile devant nous à savoir un parti français dans les années qui viennent, nous allons droit un scénario à la Kanaky et à la catastrophe. Il est temps que le mouvement patriotique dans son ensemble fasse son aggiornamento ». Il appelle « à un sursaut collectif des forces patriotiques et à une réunion d’urgence de toutes les tendances, qu’elles soient ou non représentées à l’Assemblée de Corse. Même si au second tour, nous limiterons la casse par les reports de voix, ce ne sera que l’arbre qui cache la forêt. Ce 1er tour prouve bien que c’est une erreur de partir divisés. La division est source d’échec, et notre peuple, nous le fait payer. Dans le Nebbiu, nous avons montré depuis 2011 et nous continuons aujourd’hui de montrer que l’union, par contre, est source de victoire ». L’analyse de ce vote RN et ce changement démographique imposent effectivement aux Nationalistes, qu’ils le veuillent ou non, un nécessaire aggiormento, sous peine de se voir déborder dans d’autres scrutins locaux. Même si la mécanique électorale peut permettre aux députés sortants de tirer leur épingle du jeu, cette législative est une élection en creux, et il serait dommageable de ne pas en tirer de leçons.
 
La gauche en berne
La déception est grande pour Julien Morganti, qui à l’inverse de 2022, n’a pas réussi à se qualifier pour le 2nd tour. Avec 14,42% des voix, soit 5436 suffrages exprimés, l’opposant bastiais décroche une lointaine troisième place. Il gagne néanmoins près de 2000 voix et 2 points par rapport au 1er tour de 2022, sans pour autant retrouver ses 8000 voix du 2nd tour. Il a déjà annoncé qu’il ne donnerait pas de consignes de vote : « Je ne suis pas candidat pour faire des barrages. Je souhaite laisser les électeurs voter en leur âme et conscience ». L’autre grand perdant de cette élection est incontestablement l’autre opposant bastiais, Jean-François Paoli qui se trouve relégué à la cinquième place avec 5,43% des suffrages, soit 2045 voix. Il régresse de 900 voix par rapport à 2022 où il affichait 11,96% des suffrages, soit 2944 voix. Soutenu par la coalition d’opposition municipale, Unione per Bastia, formée avec Jean-Martin Mondoloni et Jean Zuccarelli, le vice-président de la Fédération corse du Parti radical, qui s’est affranchi de l’étiquette macroniste, ne récolte que 741 voix à Bastia, soit 5,81% contre 949 voix et 11,54 % en 2022. Le nouveau Front populaire, qui rassemble les principaux partis de gauche - le Parti communiste (PCF), la France Insoumise (LFI), les Ecologistes (EELV) et le Parti socialiste (PS)- se hisse à la quatrième place avec 3352 voix et 8,89% des suffrages. C’est à peine mieux que le score cumulé de ses composantes qui avaient concentré 12% des suffrages et un peu moins de 3000 voix en 2022. On ne sait pour l’heure si le Front populaire appellera à faire barrage au RN comme il le demande au niveau national.
 
N.M.