Une triangulaire dans la seconde circonscription de Haute-Corse entre le libéral François-Xavier Ceccoli, la RN Sylvie Jouart, et le député nationaliste sortant Jean-Félix Acquaviva.
C’était l’élection annoncée comme la plus difficile pour le député nationaliste sortant, Jean-Félix Acquaviva, que l’on pronostiquait déjà vaincu ou en grande difficulté. Comme donc attendu, le libéral François-Xavier Ceccoli prend la tête avec 34,05 % des suffrages exprimés, mais avec une avance plus grande que prévue, 2400 voix le sépare du député sortant. Ce duel droite-nationaliste, qui cristallisait l’attention, est balayé par le choc causé par l’énorme score du Rassemblement national (RN) qui se qualifie partout en Corse pour le 2nd tour. Dans la circonscription, Sylvie Jouart-Fernandez arrache avec 25,42% des suffrages exprimés, une troisième position et une triangulaire que personne n’a venu venir. La participation, qui était l’une des clés de ce 1er tour, a atteint 66,94% contre 48,19% en 2022, soit un bond de 18,75%. Ce n’est pas une surprise tant le choc de la dissolution, la montée du RN, le rejet du Président de la République, le changement politique qui se profile au niveau français ont fait sortir les électeurs de leur apathie électorale. La mobilisation a été très forte, dès le matin. De nouveaux électeurs sont apparus, principalement des nouveaux arrivants qui sont allés voter en masse dans les communes littorales où le taux des résidences secondaires a flambé. Cette forte hausse de la participation a surtout profité de manière globale au RN et explique son score inédit.
La droite en tête
Dans ce contexte global, le candidat de droite, François-Xavier Ceccoli, réussit son pari d’arriver en tête, engrangeant plus de 15 000 voix, soit plus de 7000 voix par rapport au 1er tour de 2022. Il perd néanmoins 1600 voix par rapport au 2nd tour où il avait raté la première marche du podium de 156 voix. S’il récolte toujours les fruits de la guerre intra-nationaliste PNC-Femu en bénéficiant du soutien affiché du PNC, notamment en Casinca où il réalise des scores bien au-delà de son audience politique, il subit, lui aussi, la montée du RN. Comme en 2022, il arrive en tête dans les trois principales villes de droite : 45,96% à Calvi, mais il cède des voix au RN qui décroche la deuxième place avec 30,44%. Il prend une courte tête à Corte, et une belle avance à Ghisonaccia. Dans les cantons de Casinca qui lui sont acquis grâce à l’appui affiché du maire de Portivechju et leader du PNC, Jean-Christophe Angelini, il culmine en tête à Venzolasca, mais se fait largement distancer par le RN à Penta-di-Casinca, Castellare di Casinca ou Sorbo-Occognano. « Après le score très fort du RN aux Européennes, je ne suis pas surpris de voir son score à un quart des votants. Cette progression est très forte et elle interpelle », réagit François-Xavier Ceccoli. Il se montre satisfait de son résultat et confiant pour le 2nd tour : « Je pense qu’il y a une dynamique en notre faveur. Jean-Félix Acquaviva est l’homme du passé. La gestion de la Collectivité de Corse est complètement claniste, elle n’est pas éthique. Il faut le dire aux Corses ». S’il est en ballotage favorable, il a néanmoins, dans cette triangulaire avec le RN, un faible réservoir de voix. La question est de savoir si François-Xavier Ceccoli, qui s’est présenté sous étiquette Divers Droite, mais qui est néanmoins le président de la Fédération LR de Haute-Corse, va ou non, dans le cadre de l’alliance LR-RN au niveau national, demander le désistement de Sylvie Jouart. Il assure que non. Il annonce que s’il est élu à l’Assemblée nationale, il siégera avec les LR : « J’ai une famille politique et je m’y tiens ». L’enjeu, pour lui, sans les reports des voix de l’Extrême-droite, est de convaincre les abstentionnistes.
Un avertissement pour les nationalistes
Il apparaissait comme l’homme à abattre de cette législative, cloué au pilori par ses anciens partenaires de Pè a Corsica. Avec seulement 28,63% des suffrages, le député sortant, Jean-Félix Acquaviva, est distancé de 5,8% par son challenger de droite. Il ne récolte que 12 698 voix. S’il fait mieux qu’au 1er tour de 2022 avec une hausse de 2000 voix, il perd 6000 voix par rapport au 2nd tour. La fracture des Nationalistes et les rancœurs, qui ne désarment pas depuis les dernières territoriales, le soutien ouvert du PNC à son concurrent de droite dans le but affiché de le faire tomber et d’ébranler le pouvoir simeoniste, la candidature de Core in Fronte, et aussi les critiques du bilan de la majorité territoriale, autant d’épines sur le chemin du député sortant. Si le contexte national rend cette élection atypique, il est certain qu’elle est un sérieux avertissement donné tant à la majorité territoriale qu’à l’ensemble du mouvement national qui ont tendance à se reposer sur leurs lauriers et continuent dans la voie mortifère de la désunion. « C’est un vote de colère qu’il faut prendre en compte avec un certain nombre de choses à analyser, notamment dans la ruralité. Il y a aussi un vote issu de la démographie continentale qui n’hésite plus aujourd’hui à voter à des scrutins locaux. Les résultats sont évidents dans les communes de Plaine Orientale et de Casinca. Cela crée une nouvelle donne sociologique et culturelle importante, qu’il faudra anticiper au-delà des élections. Je suis devancé par 2400 voix de forces politiques bien connues, bien ancrées dans certains bastions et qui ont fait le plein dans ces bastions-là. Même s’il y a une déferlante RN en Corse et à Paris, nous nous devons de résister. », reconnait Jean-Félix Acquaviva. Le député Femu a Corsica se montre plutôt confiant pour le 2nd tour : « Le 2nd tour est un deuxième match avec des enjeux politiques et historiques et trois projets différents : le RN avec une personne qui n’est pas dans la circonscription, on ne vote pas la personne elle-même, mais Jordan Bardella et un projet qui est à l’antithèse du nôtre. François-Xavier Ceccoli et sa coalition de forces ambigües. le projet national, qui va s’ouvrir aux forces de progrès, défend le peuple Corse qui veut vivre sur sa terre ». La mécanique électorale de la triangulaire peut lui permettre de tirer son épingle du jeu. Il devrait bénéficier du report des voix de Core In Fronte, qui a recueilli 5,13% des suffrages, soit 2277 voix et une partie des voix de gauche. Hélène Sanchez, pour le nouveau Front populaire, a engrangé 6,2% des voix, soit 2668 voix. Il lui faudra néanmoins ratisser plus large et ramener les enjeux sur un terrain local s’il veut remporter la victoire. Si la partie est loin d’être gagnée, elle reste néanmoins très ouverte.
La déferlante RN
Le score du RN était la grande question de ce 1er tour. Personne ne s’attendait à un tel raz de marée en Corse. Et s’il y avait bien quelques signes annonciateurs depuis les Européennes en Corse du Sud, personne n’avait prévu son ampleur en Haute-Corse. Pourtant à bien y regarder, le RN avait déjà créé la surprise dans la circonscription en 2022. Sans vraiment de moyens de faire campagne, son candidat d’alors, Jean Cardi, avait totalisé 11,47% des suffrages, soit 3658 voix. C’était déjà 7,5 % et 2276 voix de plus qu’en 2017. La candidate Sylvie Jouart, une parfaite inconnue, récemment débarquée dans l’île, totalise 11 275 voix, 1423 seulement la séparent du député sortant et 3825 du candidat de droite. Elle aussi n’a pas eu besoin de faire campagne, il lui a suffi de surfer sur la vague nationale RN pour afficher des résultats impressionnants dans de nombreuses communes, caracolant en tête comme en Plaine Orientale, à Aleria, Canale di Verdi, Linguizetta, Prunelli di Fiurmorbu, san Nicolao, dans des communes de Casinca comme Penta, Castellare ou Sorbo Occagnano, en Balagne à Lumio, elle est en seconde position à Calvi, Calenzana, Monticello, Ile Rousse, Ghisonaccia, Venzolasca, Vescovato… Son score de 25,42% lui offre une triangulaire inédite et en fait l’arbitre du 2nd tour. La déferlante du RN met du plomb dans l’aile de la fameuse spécificité corse sur les scrutins locaux. Pour la première fois dans l’île et de manière brutale, les enjeux locaux sont passés au deuxième plan, balayés par les enjeux nationaux. Le biais conjoncturel, qui apparait comme une anomalie politique dans l’île, pose néanmoins la question du renouvellement du corps électoral corse et pourrait créer à terme une nouvelle donne sur l’échiquier insulaire.
N.M.
La droite en tête
Dans ce contexte global, le candidat de droite, François-Xavier Ceccoli, réussit son pari d’arriver en tête, engrangeant plus de 15 000 voix, soit plus de 7000 voix par rapport au 1er tour de 2022. Il perd néanmoins 1600 voix par rapport au 2nd tour où il avait raté la première marche du podium de 156 voix. S’il récolte toujours les fruits de la guerre intra-nationaliste PNC-Femu en bénéficiant du soutien affiché du PNC, notamment en Casinca où il réalise des scores bien au-delà de son audience politique, il subit, lui aussi, la montée du RN. Comme en 2022, il arrive en tête dans les trois principales villes de droite : 45,96% à Calvi, mais il cède des voix au RN qui décroche la deuxième place avec 30,44%. Il prend une courte tête à Corte, et une belle avance à Ghisonaccia. Dans les cantons de Casinca qui lui sont acquis grâce à l’appui affiché du maire de Portivechju et leader du PNC, Jean-Christophe Angelini, il culmine en tête à Venzolasca, mais se fait largement distancer par le RN à Penta-di-Casinca, Castellare di Casinca ou Sorbo-Occognano. « Après le score très fort du RN aux Européennes, je ne suis pas surpris de voir son score à un quart des votants. Cette progression est très forte et elle interpelle », réagit François-Xavier Ceccoli. Il se montre satisfait de son résultat et confiant pour le 2nd tour : « Je pense qu’il y a une dynamique en notre faveur. Jean-Félix Acquaviva est l’homme du passé. La gestion de la Collectivité de Corse est complètement claniste, elle n’est pas éthique. Il faut le dire aux Corses ». S’il est en ballotage favorable, il a néanmoins, dans cette triangulaire avec le RN, un faible réservoir de voix. La question est de savoir si François-Xavier Ceccoli, qui s’est présenté sous étiquette Divers Droite, mais qui est néanmoins le président de la Fédération LR de Haute-Corse, va ou non, dans le cadre de l’alliance LR-RN au niveau national, demander le désistement de Sylvie Jouart. Il assure que non. Il annonce que s’il est élu à l’Assemblée nationale, il siégera avec les LR : « J’ai une famille politique et je m’y tiens ». L’enjeu, pour lui, sans les reports des voix de l’Extrême-droite, est de convaincre les abstentionnistes.
Un avertissement pour les nationalistes
Il apparaissait comme l’homme à abattre de cette législative, cloué au pilori par ses anciens partenaires de Pè a Corsica. Avec seulement 28,63% des suffrages, le député sortant, Jean-Félix Acquaviva, est distancé de 5,8% par son challenger de droite. Il ne récolte que 12 698 voix. S’il fait mieux qu’au 1er tour de 2022 avec une hausse de 2000 voix, il perd 6000 voix par rapport au 2nd tour. La fracture des Nationalistes et les rancœurs, qui ne désarment pas depuis les dernières territoriales, le soutien ouvert du PNC à son concurrent de droite dans le but affiché de le faire tomber et d’ébranler le pouvoir simeoniste, la candidature de Core in Fronte, et aussi les critiques du bilan de la majorité territoriale, autant d’épines sur le chemin du député sortant. Si le contexte national rend cette élection atypique, il est certain qu’elle est un sérieux avertissement donné tant à la majorité territoriale qu’à l’ensemble du mouvement national qui ont tendance à se reposer sur leurs lauriers et continuent dans la voie mortifère de la désunion. « C’est un vote de colère qu’il faut prendre en compte avec un certain nombre de choses à analyser, notamment dans la ruralité. Il y a aussi un vote issu de la démographie continentale qui n’hésite plus aujourd’hui à voter à des scrutins locaux. Les résultats sont évidents dans les communes de Plaine Orientale et de Casinca. Cela crée une nouvelle donne sociologique et culturelle importante, qu’il faudra anticiper au-delà des élections. Je suis devancé par 2400 voix de forces politiques bien connues, bien ancrées dans certains bastions et qui ont fait le plein dans ces bastions-là. Même s’il y a une déferlante RN en Corse et à Paris, nous nous devons de résister. », reconnait Jean-Félix Acquaviva. Le député Femu a Corsica se montre plutôt confiant pour le 2nd tour : « Le 2nd tour est un deuxième match avec des enjeux politiques et historiques et trois projets différents : le RN avec une personne qui n’est pas dans la circonscription, on ne vote pas la personne elle-même, mais Jordan Bardella et un projet qui est à l’antithèse du nôtre. François-Xavier Ceccoli et sa coalition de forces ambigües. le projet national, qui va s’ouvrir aux forces de progrès, défend le peuple Corse qui veut vivre sur sa terre ». La mécanique électorale de la triangulaire peut lui permettre de tirer son épingle du jeu. Il devrait bénéficier du report des voix de Core In Fronte, qui a recueilli 5,13% des suffrages, soit 2277 voix et une partie des voix de gauche. Hélène Sanchez, pour le nouveau Front populaire, a engrangé 6,2% des voix, soit 2668 voix. Il lui faudra néanmoins ratisser plus large et ramener les enjeux sur un terrain local s’il veut remporter la victoire. Si la partie est loin d’être gagnée, elle reste néanmoins très ouverte.
La déferlante RN
Le score du RN était la grande question de ce 1er tour. Personne ne s’attendait à un tel raz de marée en Corse. Et s’il y avait bien quelques signes annonciateurs depuis les Européennes en Corse du Sud, personne n’avait prévu son ampleur en Haute-Corse. Pourtant à bien y regarder, le RN avait déjà créé la surprise dans la circonscription en 2022. Sans vraiment de moyens de faire campagne, son candidat d’alors, Jean Cardi, avait totalisé 11,47% des suffrages, soit 3658 voix. C’était déjà 7,5 % et 2276 voix de plus qu’en 2017. La candidate Sylvie Jouart, une parfaite inconnue, récemment débarquée dans l’île, totalise 11 275 voix, 1423 seulement la séparent du député sortant et 3825 du candidat de droite. Elle aussi n’a pas eu besoin de faire campagne, il lui a suffi de surfer sur la vague nationale RN pour afficher des résultats impressionnants dans de nombreuses communes, caracolant en tête comme en Plaine Orientale, à Aleria, Canale di Verdi, Linguizetta, Prunelli di Fiurmorbu, san Nicolao, dans des communes de Casinca comme Penta, Castellare ou Sorbo Occagnano, en Balagne à Lumio, elle est en seconde position à Calvi, Calenzana, Monticello, Ile Rousse, Ghisonaccia, Venzolasca, Vescovato… Son score de 25,42% lui offre une triangulaire inédite et en fait l’arbitre du 2nd tour. La déferlante du RN met du plomb dans l’aile de la fameuse spécificité corse sur les scrutins locaux. Pour la première fois dans l’île et de manière brutale, les enjeux locaux sont passés au deuxième plan, balayés par les enjeux nationaux. Le biais conjoncturel, qui apparait comme une anomalie politique dans l’île, pose néanmoins la question du renouvellement du corps électoral corse et pourrait créer à terme une nouvelle donne sur l’échiquier insulaire.
N.M.