Une situation financière fragilisée par des choix coûteux
Depuis sa création en 2017, la CCNCO, regroupant 15 communes du nord de la Corse pour environ 7 774 habitants, a accumulé une dette importante selon les magistrats dr la Cour des Comptes qui pèse lourdement sur ses finances. Le rapport met en évidence une gestion marquée par "une progression constante des charges, en particulier celles de personnel, qui ont fortement augmenté depuis 2022." Cette croissance est due en grande partie aux coûts liés à la collecte des déchets, compétence essentielle de la communauté, mais aussi à une organisation des services qui manque d’optimisation.
L'institution indique que malgré une hausse des recettes de la fiscalité locale et des subventions, la comcom n’est pas parvenue "à dégager de marge suffisante pour financer de nouveaux investissements." En fin d’exercice 2023, la situation financière de la CCNCO restait tendue, les dépenses de fonctionnement dépassant légèrement les recettes. "Il devient impératif de maîtriser ces dépenses pour permettre de nouveaux investissements, notamment pour moderniser la collecte des déchets, un service onéreux et financé de manière insuffisante", observe la Chambre.
Une gouvernance déficiente et des conseils communautaires désertés
La gestion de la CCNCO souffre également de dysfonctionnements au sein de sa gouvernance. Le rapport met en évidence la faible participation des élus aux réunions du conseil communautaire, souvent en-deçà du quorum requis, ce qui paralyse les décisions importantes. Par ailleurs, le président de la communauté de communes concentre les pouvoirs, selon le document, limitant ainsi le rôle des vice-présidents et réduisant la collégialité de la gouvernance.
L’institution note que les délégations accordées aux vice-présidents n’ont été exercées que de façon marginale, sans concertation, ce qui a restreint l’impact de leurs actions. De plus, le bureau communautaire, pourtant essentiel pour le dialogue entre les élus, n’a tenu sa première réunion qu’en juin 2024, bien que sa création remonte à 2021. Les commissions thématiques, elles, restent quasiment inactives, seule celle dédiée à la gestion des déchets ayant fonctionné.
Absence de passation de marchés publics : vers une enquête pénale
Au-delà des dysfonctionnements administratifs, le rapport révèle des irrégularités graves en matière de commande publique. Deux dossiers en particulier font l’objet d’une enquête pénale en raison de l’absence de mise en concurrence, une obligation légale pour garantir la transparence et l’équité des marchés.
Le premier dossier concerne l’entretien et la réparation des véhicules utilisés pour la collecte des déchets. Entre 2018 et 2019, les dépenses pour ces services se partageaient entre deux prestataires sans qu’aucun appel d’offres ne soit lancé. Entre 2020 et 2023, ces services ont été concentrés auprès d’un seul opérateur, avec des montants encore plus élevés, sans aucun processus de mise en concurrence. Ce manquement aux règles de passation des marchés soulève des interrogations sur la gestion des fonds publics et le respect des principes de transparence.
Le second dossier concerne la délégation de la gestion de l’accueil de loisirs sans hébergement (ALSH). Selon la Chambre régionale des comptes, ce service a été confié à deux associations sans procédure de mise en concurrence, en contradiction avec les règles juridiques de la commande publique.
Des anomalies comptables et un patrimoine sous-évalué
Le rapport met également en lumière une gestion comptable problématique, notamment en ce qui concerne le patrimoine de la communauté de communes. Une grande partie des immobilisations n’a pas été inventoriée, et les écarts constatés entre l’état des comptes et l’inventaire des actifs sont significatifs. En fin d’année 2022, le bilan affichait un actif immobilisé de 9,32 millions d’euros, alors que l’inventaire n’en répertoriait que 2,43 millions, laissant supposer une surévaluation du bilan de la CCNCO. "La mise en concordance des données comptables et l’inventaire est une priorité pour garantir la fiabilité des comptes", recommande la Chambre.
La communauté de communes souffre également d’un taux de créances non recouvrées inquiétant, certaines datant de plus de dix ans. Au total, ces créances s’élèvent à 145 485 euros, dont une partie pourrait être irrécouvrable. La Chambre appelle à provisionner les créances douteuses et à admettre en non-valeur celles qui ne peuvent plus être recouvrées, en lien avec le comptable public.
Un projet de territoire ambitieux et structuré
Dans ses recommandations, la Chambre régionale des comptes insiste sur la nécessité pour la CCNCO de se doter d’un projet de territoire ambitieux et structuré, qui permettrait d’orienter les actions et d’optimiser les ressources. La mutualisation des moyens avec les communes membres, actuellement inexistante, pourrait permettre de réduire les coûts de gestion et d’améliorer l’efficacité des services. Elle appelle également à la mise en place d’un pacte de gouvernance pour structurer le dialogue entre les élus communautaires, afin de prévenir l’absentéisme et d’améliorer la prise de décision.
La Chambre recommande également une réforme des procédures de passation des marchés publics afin de garantir la conformité avec la législation en vigueur. Ce point est d’autant plus crucial que les manquements relevés ont déjà conduit à l’ouverture d’une enquête pénale, une situation rare et lourde de conséquences pour une communauté de communes.
Le président de la Communauté de Communes répond
Dans une réponse adressée à la Chambre régionale des comptes, Claudy Olmeta, président de la communauté de communes Nebbiu-Conca d’Oro, dresse un tableau sombre des défis rencontrés depuis la fusion des intercommunalités du Nebbiu et de la Conca d’Oro. Il qualifie cette fusion de "cauchemar administratif" et souligne que, dès les premières étapes, il a dû solder un passif financier conséquent et contracter des emprunts. Selon lui, le manque de consensus politique a compliqué la mobilisation des élus autour d'objectifs communs, la majorité ne tenant souvent qu’à un siège. Le maire de saint-Florent déplore également la difficulté de maintenir le quorum lors des conseils communautaires, face à une opposition pratiquant la "politique de la chaise vide" et une situation générale marquée par des tensions et un désintéressement pour la gouvernance intercommunale.
Claudy Olmeta rappelle les contraintes héritées de cette fusion, évoquant un passif de 2,7 millions d’euros laissé par l’ancienne communauté de communes du Nebbiu, avec des emprunts pour rembourser les prêts relais. Il pointe aussi l'état critique du parc automobile, hérité avec des contrôles techniques dépassés, obligeant à renouveler rapidement le parc de camions pour garantir le service de collecte des déchets. À cela s’ajoute une "aberration administrative et juridique" liée à l’impossibilité de récupérer les archives du Nebbiu, compliquant la gestion des inventaires et la tenue d’une comptabilité complète et précise.
Pour rassurer la Chambre régionale des comptes, Olmeta précise que plusieurs mesures vont être prises dès 2024 pour redresser la situation, notamment la réduction des compétences de la communauté et un effort pour limiter le recours aux agents contractuels. Conscient des critiques de la Chambre, il insiste néanmoins sur le manque de volonté politique collective comme frein majeur aux réformes. La fusion n'ayant pas été préparée par des réunions de travail en amont, la CCNCO peine encore, selon lui, à articuler un programme commun, un défi aggravé par les tensions internes et l'absentéisme régulier qui empêchent souvent la communauté de fonctionner pleinement.