Révélation artiste lyrique aux Victoires de la musique classique en 2019, Eléonore Pancrazi s'impose depuis des années dans le paysage lyrique international. Cette mezzo-soprano de 34 ans, ancienne élève de l’École normale de musique de Paris, a conquis le public grâce à ses nombreux rôles dans des opéras, comme Barbarina dans Les noces de Figaro, Berta dans Le Barbier de Séville ou encore Rosette dans Manon. Originaire de Corse, elle vient de sortir son premier album, A Voce Di A Terra, qui chante son amour pour son île et pour le lyrique. Un premier défi avant de s'attaquer au mois de janvier à un autre rôle : celui de Carmen à l'Opéra Royal de Versailles.
Vous êtes chanteuse lyrique depuis des années, et pourtant vous ne sortez votre premier album qu'il y a quelques jours. Pourquoi avoir attendu autant de temps
J'attendais la confiance d'une maison de disques. C'est vrai qu'on me demandait souvent : "Pourquoi tu ne sors pas d'album ?". Je ne voulais pas me lancer dans ce voyage seule. Alors, j'ai attendu d'être contactée par une maison de disques, et c'est arrivé il y a un an et demi. Je pense que ça a pris du temps, car c'était le temps pour les gens de prendre en compte ce que j'ai fait dans ma carrière. Je suis aussi plus mûre artistiquement parlant.
Quelles ont été vos inspirations pour composer cet album ?
Je savais dès le départ que je souhaitais enregistrer des musiques corses. En 2021, Damien Delgrossi, qui est en charge de la programmation culturelle au Musée de la Corse à Corte, m'a demandé de créer un programme de récitals. J'ai fait un récital sur les voix lyriques corses, arrangé à la guitare. Il m'a ensuite dit que le musée possédait une partition unique de mélodies corses arrangées par Maurice Ravel. Pour mon album, j'ai créé le reste du programme autour de ces mélodies, en y ajoutant des inspirations irlandaises, tziganes et auvergnates. Je voulais qu'on retrouve ces "voix de la terre", la fierté des racines.
En quoi était-ce important d'intégrer d'autres cultures à votre album ?
Elles font partie de mon répertoire, de la musique que j'aime. C'est grâce à mes parents que je chante, et c'est ma mère qui m'a fait découvrir les musiques d'Auvergne et d'ailleurs. Ces mélodies partent du même travail que les mélodies corses. C'était important pour moi de mettre mon point de vue, ce que j'aime dans cet album.
Vous avez enregistré cet album à Vindelle en Charente. Pourquoi avoir choisi ce lieu ?
Au départ, je devais enregistrer cet album en Corse, mais à cause de problèmes d'emploi du temps, on a dû trouver un autre endroit. Mon ingénieur du son connaissait un studio à Vindelle, une ancienne grange transformée. On a pu faire venir tous les instruments : piano, violon, violoncelle. On a enregistré pendant cinq jours dans ce cadre idyllique, c'était génial.
Allez-vous partir en tournée pour présenter cet album au public ?
Oui ! Je fais un premier concert de présentation de l'album le 15 décembre à Paris. Je serai ensuite en showcase dans les Fnac de Bastia et Ajaccio avant Noël. Je vais ensuite faire une petite tournée l'année prochaine en commençant par Beauvais. Je passerai par le musée Fesch d'Ajaccio à la fin du mois de juillet 2025. D'autres dates arriveront bientôt. Je suis très contente, les mélodies corses intriguent même sur le continent.
À quoi peut-on s'attendre de ces concerts ?
Le concert va s'articuler autour des musiques corses, car les musiques de Maurice Ravel aident à réaliser une présentation anthropologique. Il sera divisé en trois parties : la politique, l'amour et la mort. On a déjà testé un concert en Normandie il y a quelques mois, et il s'est très bien passé. Je suis confiante pour la suite.
Au mois de janvier, vous allez interpréter Carmen à l'Opéra Royal de Versailles. Était-ce un rêve de jouer un tel rôle ?
Ce n'était pas vraiment un rêve. En fait, je pense que je ne me suis jamais vraiment posé la question de jouer un tel rôle. Je me sens extrêmement chanceuse d'interpréter Carmen, mais en toute humilité, j'attends de voir si je suis à la hauteur. C'est le rôle de ma tessiture vocale le plus joué. Je suis ravie, mais c'est aussi beaucoup de pression.
Comment vous préparez-vous à un tel rôle ?
Je travaille ma voix avec mes professeurs de chant, pour améliorer ma technique. En plus du chant, je relis aussi beaucoup la nouvelle de Prosper Mérimée. Je regarde tous les jours des classes de flamenco sur YouTube. J'ai appris à jouer des castagnettes, même si je ne vais peut-être pas beaucoup en jouer sur scène. J'essaie de me préparer au mieux afin d'être prête le 15 janvier.
Avez-vous un rôle de rêve que vous aimeriez interpréter à l'avenir ?
Je n'ai pas de rôle de rêve. Je ne réfléchis pas comme ça. Venir de Corse et être devenue chanteuse lyrique, c'est déjà mon rêve d'enfant qui s'est réalisé. Aujourd'hui, je travaille ma voix au jour le jour pour chanter le plus longtemps possible. Si j'ai un rêve, ce serait sûrement celui-ci : pouvoir faire ce métier encore longtemps !