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Le STC dénonce la création d’une pépinière fruitière en altitude et défend la pépinière de Castellucciu


Nicole Mari le Dimanche 19 Janvier 2025 à 09:03

Lors de sa dernière session, l’Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité un projet de création d’une pépinière fruitière en zone de montagne. Un projet porté par l’ODARC et que dénonce le STC di a Cullettività di Corsica. Le syndicat nationaliste estime que ce projet est un non-sens. Il demande son abandon et plaide pour un développement concerté de la pépinière de Castellucciu.



De jeunes plants de châtaigniers (Photo: Facebook Pépinière Forestière Régionale de Castellucciu)
De jeunes plants de châtaigniers (Photo: Facebook Pépinière Forestière Régionale de Castellucciu)
« La décision doit être prise de mettre un terme à ce projet aventureux et sans lendemain pour travailler à un développement concerté de la pépinière de Castellucciu ». C’est en ces termes que le STC (Sindicatu di i travagliori corsi) réagit au projet de création d’une pépinière fruitière en zone de montagne, porté par l’ODARC. Pour lui, le rapport de l’Exécutif territorial, adopté à l’unanimité par l’Assemblée de Corse en décembre dernier, « ne comprend aucune analyse sérieuse en amont », et mettrait en péril la pépinière forestière de Castellucciu. « Nous le disons clairement, ce projet qui ne repose sur aucune donnée dans les domaines budgétaires, logistiques, et encore moins techniques voire scientifiques, constituerait de fait un démantèlement inacceptable de la pépinière forestière régionale de Castellucciu ». Pour le démontrer, le STC rappelle le rôle de cette pépinière forestière, transférée, depuis près d’une décennie, par l’Etat à la Collectivité de Corse (CdC) qui détient ainsi la compétence en matière de multiplication des plants forestiers et autres végétaux. « Depuis sa création en 1969, cette unité de production a joué un rôle majeur dans l’approvisionnement des massifs forestiers, que ce soit lors d’opérations sylvicoles ou bien pour de vastes chantiers de reconstitution. Notamment après l’incendie ravageur de 2003 de Tartaghjine, où plus de 100 000 plants de laricci et de feuillus ont été fournis. Tout cela dans le cadre de différentes programmations établies par l’ONF pour les forêts publiques ».
 
Plus de 3000 arbres fruitiers
Le STC revient également sur l’activité agroforesterie développée par la pépinière de Castellucciu depuis 2000 « avec la reproduction de vergers endémiques, à partir d’une récolte de graines des espèces présentes au sein de nos pieve, tels que les pommiers du Prunelli, la figue de Peri, ainsi que les différentes variétés de châtaigniers. Tout cela en relation avec l’association Tempi fà, les acteurs des filières, ainsi que les organisateurs des différents foires dédiées à ces produits : festa di a Mela di Todda, festa di u Ficu di Peri, et bien entendu a fiera di a Castagna di Bucugnà. Ainsi au cours de cette période, ce sont plus de 30000 arbres fruitiers, dont 1/3 de châtaigniers, qui ont été vendus sur l’ensemble de la Corse à des professionnels ou des particuliers ». Ainsi que sur son implantation à Bocognano : « Depuis 2019, afin d’améliorer sa production et en intégrant la problématique du dérèglement climatique, la pépinière a développé un site de plantations au sein de la commune de Bucugnà. Cette action s’inscrit dans une collaboration avec le foyer rural et la municipalité. Plus globalement, la pépinière de Castellucciu a noué plusieurs partenariats, entre autres avec les Communauté d’agglomération du Pays Ajaccien ou l’Università di Corsica pour divers programmes ».
 
Des besoins à combler
Ce dynamisme a besoin d’être soutenu, ajoute le STC qui pose la problématique des moyens et des besoins de la pépinière : « Ce dynamisme a engendré des besoins structurels et humains, en partie pris en compte, après plusieurs sollicitations et démarches internes du responsable de la pépinière de Castellucciu. Cela a donné lieu à des investissements en cours de la CdC, au niveau des équipements et bâtiments modulaires sur le site d’Aiacciu. Néanmoins, de nombreuses carences continuent de perdurer, sans visibilité sur le court ou moyen terme ». Ces besoins ont été listée dans une note du 3 mai 2024 adressée à la Direction forêt. Ce document fait un état des lieux des problèmes à régler, notamment fonciers – les terrains et bâtiments sont toujours propriétés de l’Etat, Haras -, et définit les perspectives de développement du site. « A savoir la poursuite des démarches de modernisation de l’outil de production (clôtures, bâche photovoltaïque, matériel), le renforcement en moyens humains, en matériel et les formations à initier. Par ailleurs, la route d’accès, propriété de la CdC, nécessite une réfection et une sécurisation », précise le STC. La question de l’eau apparaît comme une difficulté centrale. « Actuellement raccordée au réseau de la ville d’Aiacciu, cela génère un coût financier important, alors qu’une possibilité existe d’une alimentation en eau brute à partir du barrage de Lisa situé à proximité, en lien avec l’Office d’équipement hydraulique (OEHC) ».
 
Un projet surprenant
Défendant cette « activité croissante » de la pépinière de Castellucciu, le syndicat nationaliste rejette le projet, qu’il qualifie de « surprenant » de création d’une pépinière en montagne. « De manière surprenante, une structure présentée comme complémentaire du site de la pépinière de Castellucciu est envisagée. Parmi les arguments avancés, la nécessité de faire face au déclin de la châtaigneraie insulaire à la suite des différents affaiblissements sanitaires et climatiques en renouvelant et créant de nouveaux vergers. Pour les autres fruitiers, cette nouvelle unité serait censée permettre d’approvisionner les professionnels en plants dans une optique de revitalisation de l’intérieur ». Il estime que ce projet provoquerait le « démantèlement inacceptable » de la pépinière de Castellucciu. Il souligne que « près de 500 jeunes plants de châtaigniers sont produits chaque année sur l’espace communal de Bucugnà dans des conditions favorables. Par ailleurs, le nombre de fruitiers endémiques écoulé depuis des années vient témoigner, plus que de longs discours, sur la qualité de la production. Des éléments totalement occultés dans le rapport présenté à l’assemblée de Corse, comme si la CdC, propriétaire du site de Castellucciu, ignorait l’activité de l’un de ses services au sein de la Direction Forêt ».
 
Un non-sens
Pour le STC, le choix d’un site en altitude relèverait « d’un non-sens ». Il explique que les plants produits seront amenés à être majoritairement répartis en moyenne montagne. « Les enjeux autour du réchauffement climatique impliqueraient d’initier en lien avec des chercheurs, une expérimentation dans la production de plants plus résistants, de manière à anticiper des conditions nettement plus difficiles que sur un site en altitude. Cela apporterait une plus-value véritablement intéressante dans le développement futur de la filière castanéicole ». L'enjeu, poursuit-il, ne réside pas dans la capacité à produire, mais « dans la pérennité et la résilience des plants lorsqu’ils sont ensuite vendus, avec des périodes de sécheresse de plus en plus longue ». Il s’étonne que la problématique du foncier « semble être oubliée par les décideurs publics. Occultant qu’elle constitue un frein pour la rénovation des vergers existants, mais aussi pour envisager des plantations d’envergure. Sauf à multiplier les postes budgétaires dans un contexte contraint ainsi que les compétences techniques humaines, il semble difficile et inimaginable d’aller vers une croissance exponentielle, voire industrielle en termes de production par rapport à la situation actuelle. Alors que la pépinière de Castellucciu connaît des carences en personnels, ainsi que des difficultés structurelles jamais réglées, ce projet de pépinière en montagne relève de l’ineptie ».
 
Une pépinière épicentre
Le STC pointe de nouveau le problème de l’irrigation dans la production de plants qui « nécessiterait une alimentation en eau brute par l’OEHC. Cela semble difficile à Aiacciu à proximité d’un réseau. A moins d’ignorer ce que représente la gestion et l’activité d’une pépinière, il est impensable de voir une commune de l’intérieur supporter sur son réseau d’eau potable une unité de production dite de montagne. Tout cela, en plus des besoins vitaux de ses habitants ». Indiquant que le volume en eau consommé annuellement par le site de Castellucciu est en moyenne de 3500 m3, il demande à la CdC de revoir sa vision. « A la lumière de l’ensemble de ces éléments factuels, nous défendons l’idée depuis toujours d’une pépinière de Castellucciu performante et épicentre, à partir duquel des sites ponctuels de plantations seraient déployés sur différents territoires de montagne. Notamment en développant l’implantation de « micros annexes saisonnières », comme cela est déjà le cas sur Bucugnà concernant le châtaignier, et demain ailleurs sur d’autres communes en Cismonte et en Pumonte pour d’autres essences ». Il conclut en accusant la Direction Forêt de la CdC « qui a pourtant connaissance de l’ensemble des besoins de la pépinière, de les ignorer et d’avoir un cruel déficit d’écoute ».