- Que se passe-t-il de nouveau pour Yvan Colonna ?
- Je serais tenté de dire : hélas, il ne se passe rien ! En revanche, j'ai écrit, à la demande d'Yvan Colonna, au ministre de la justice, Mme Taubira, afin qu'il fasse l'objet d'un transfèrement. Actuellement, il est incarcéré à la maison d'arrêt de Toulon La Farlède, comme un prévenu qui n'est pas condamné. Or, le régime est complètement diffèrent pour un condamné définitif et pour quelqu'un qui ne l'est pas encore. Dans ces conditions, j'ai demandé qu'Yvan Colonna soit, comme la loi le permet, rapproché et transféré à Borgo dans la mesure où toute sa famille est en Corse, son épouse, son enfant en bas-âge, son autre enfant plus âgé... Son épouse vit à Ajaccio. Le déplacement Ajaccio-Toulon n'est pas facile et est très coûteux.
- Ces problèmes sont récurrents pour l'ensemble des détenus corses. Qu'y a-t-il de particulier pour Yvan Colonna ?
- La particularité est que, condamné définitif au regard du droit français, il est toujours en maison d'arrêt. C'est particulièrement inacceptable !
- Est-ce votre première demande de rapprochement à Borgo ?
- Nous avons fait deux demandes. La première, à l'issue du rejet du pourvoi en cassation d'Yvan Colonna devant la Chambre criminelle. Nous n'avons eu aucune réponse. Nous avons refait une demande il y a 3 semaines et nous n'avons toujours pas de réponse. C'est un peu étonnant ! Il m'est déjà arrivé de demander des rapprochements pour des détenus corses et j'ai toujours eu une réponse, qu'elle soit positive, négative ou d'attente. Là, nous n'avons rien. Nous sommes un peu inquiets.
- Pourquoi n'avez-vous pas de réponse, selon vous ?
- J'ai l'impression qu'on ne veut pas nous donner de réponse parce qu'on n'a pas de réponse ! Le cas Colonna pose toujours difficulté. Je ne sais pas de quel ordre. Après avoir connu les instances judiciaires telles que nous les avons connues dans le cadre d'une vendetta d'Etat, je me demande si, en plus, on ne fait pas payer à Yvan Colonna cette vendetta d'Etat sur un plan carcéral. Nous sommes très vigilants. Si cela continue, nous engagerons, en France, les procédures nécessaires pour faire reconnaître les droits de détenu d'Yvan Colonna. Cela ne préjuge en rien de son innocence et du recours que nous allons déposer prochainement devant la Cour européenne des droits de l'Homme.
- Quelles procédures pensez-vous engager ?
- Nous pouvons saisir le Tribunal pour exposer qu'Yvan Colonna subit une voie de fait, engager une procédure où le juge va constater que le droit n'est pas appliqué. C'est donc un abus de droit de l'Etat et de l'administration, qui peut être sanctionné.
- Vous avez, il y a quelques temps, dénoncé les conditions d'incarcération d'Yvan Colonna. Se sont-elles améliorées ?
- Les conditions de détention d'Yvan Colonna, que nous dénonçons, sont complètement inadéquates par rapport à son statut. Yvan Colonna est en maison d'arrêt, pratiquement au quartier des arrivants, c'est-à-dire avec des prévenus qui rentrent et sortent dans le cadre de condamnations de comparutions immédiates, de flagrant délit. Ce sont des détenus très bruyants. Yvan Colonna a demandé, à plusieurs reprises, à être transféré dans une aile plus calme, occupée par des détenus moins jeunes et un peu plus habitués à la prison. Cela lui a été refusé. Donc, ses conditions d'incarcération restent difficiles. Encore une fois, le régime de la maison d'arrêt est totalement différent du régime du centre de détention ou de la centrale.
- Ne sera-t-il pas, vue sa condamnation définitive, automatiquement transféré en centrale ?
- Il devrait être transféré, mais il ne l'est pas ! Au delà du rapprochement à Borgo, il pourrait être transféré dans une centrale ailleurs en France. Je l'ai demandé.
- L'administration pénitentiaire n'a-t-elle pas prétexté des problèmes de sécurité que soulèverait le rapprochement d'Yvan Colonna ?
- C'est un autre cadre. Celui du régime complètement aberrant appliqué à Yvan Colonna qui est resté 9 ans en détention provisoire ! Il a été incarcéré 5 ou 6 ans à la maison d'arrêt de Fresnes où il n'a jamais eu le moindre incident, le moindre rapport, le moindre prétoire. Rien ! Ça s'est toujours excellemment bien passé tant avec la Direction qu'avec le personnel et les autres détenus à tel point qu'on ne lui appliquait plus le statut de DPS, détenu particulièrement signalé. Pour des raisons que nous ignorons, Yvan Colonna s'est vu notifié, contre toute attente, à la maison d'arrêt de Toulon, l'application, à nouveau, d'un statut de DPS. Nous l'avons évidemment dénoncé, nous avons fait un recours devant le Tribunal administratif pour excès de pouvoir car il est inadmissible que ce statut persiste.
- Qu'est ce qui a motivé le retour de ce statut de DPS ?
- Ce serait un homme dangereux, capable de s'évader et appartenant au milieu terroriste. Ce sont des aberrations injustifiables ! Vous pensez bien que s'il se passait quoi que ce soit avec Yvan Colonna, il y aurait au moins une procédure judiciaire qui serait ouverte ou une enquête préliminaire ou une enquête de flagrance ! Il n'y a rien de tout cela. On est, encore une fois, dans une fantasmagorie déplorable. J'attendais plutôt un geste d'apaisement et une volonté significative de la Chancellerie pour qu'Yvan Colonna puisse jouir d'une certaine tranquillité dans le cadre de son incarcération.
- Pensez-vous que la Chancellerie fera ce geste ?
- Je ne sais pas. Je l'espère en tous cas.
- L'eurodeputé François Alfonsi remonte au créneau pour Yvan Colonna. Alertez-vous également les politiques ?
- Il est certain que nous alertons les politiques, notamment par l'intermédiaire de mon confrère Me Gilles Simeoni, pour soulever le cas Colonna s'il demeurait ainsi. De toute façon, toutes les pistes et les options, qui permettront à Yvan Colonna de sortir de cette impasse judiciaire et de ce sort extrêmement préjudiciable et tout à fait insolite, seront soulevées.
Propos recueillis par Nicole MARI
François Alfonsi : " Yvan Colonna doit être rapproché à Borgu "
De François Alfonsi, député européen :
" En septembre 2010, une délégation corse avait rencontré celui qui était alors Garde des Sceaux, Michel Mercier, nommé en remplacement de Michèle Alliot-Marie devenue Ministre de l'Intérieur jusqu'aux événements de Tunisie. Il y avait des députés, moi-même, Camille de Rocca Serra, Sauveur Gandolfi-Scheit, Simon Renucci, ainsi que Paul Giacobbi accompagné par Dominique Bucchini et tous les Présidents de groupes de l'Assemblée de Corse. Cette réunion était consacrée à la situation des prisonniers politiques corses, et le Ministre avait alors pris des engagements formels sur le rapprochement des détenus corses.
La discussion était rentrée dans le détail de cas délicats, et notamment les condamnés de l'affaire Erignac. La délégation unanime avait demandé que toute idée d'une « vengeance d'Etat » soit abandonnée vis à vis d'eux, notamment par le biais d'un traitement administratif délibérément exceptionnel de leurs conditions de détention.
Michel Mercier en avait pris l'engagement clair, et, de fait, dès le dernier procès achevé à Paris au printemps 2011, plusieurs membres du commando Erignac qui en avaient formulé la demande ont été rapprochés à Borgu. Le cas d'Yvan Colonna a été alors disjoint, officiellement en raison de son recours devant la Cour de Cassation. Pourtant, sa présence à Paris pour un tel procès n'était nullement requise et il a d'ailleurs été transféré à Toulon avant que l'arrêt de la Cour ne soit intervenu. Et, depuis, ses demandes d'être rapproché à Borgu sont systématiquement rejetées.
Je m'élève contre cette attitude de l'Etat qui ne respecte pas les engagements qui avaient été pris, et commencés d'être tenus, par Michel Mercier. Ce revirement, particulièrement à l'égard d'Yvan Colonna, date d'avant l'arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité. Mais il appartient à la nouvelle Garde des Sceaux, que je saisis par courrier, de rétablir l'Etat dans les engagements pris par son prédécesseur devant la représentation élue de la Corse."