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Les marrons glacés de Dominique Vitti, un savoir-faire artisanal de trente ans


le Dimanche 19 Novembre 2023 à 16:51

L'automne est la saison des marrons glacés... pour ceux qui les fabriquent. Depuis quelques semaines, le Bastiais Dominique Vitti et son équipe s'emploient à mettre sur le marché de Noël des marrons de fabrication artisanale, destinés pour l'essentiel aux réseaux d'épicerie fine insulaires. On est entré dans l'atelier de Castagna Corsa, cette entreprise familiale qui régale depuis 1991.



Dominique Vitti, 61 ans, fabrique des marrons glacés à Bastia depuis 1995.
Dominique Vitti, 61 ans, fabrique des marrons glacés à Bastia depuis 1995.
Question-piège, pour commencer : le marron glacé, c'est le fruit du marronnier (*) ou du châtaignier (*) ? Si on vous dit qu'il n'y a pas de fumée sans feu, et que Dominique Vitti a grandi en Castagniccia... Eccu. "Je suis de Casabianca, le plus beau village de Corse, sourit l'artisan, du sourire que chaque Corse arbore quand il parle de son village. Je me souviens que ma grand-mère a toujours travaillé la châtaigne. Elle la cultivait et la cuisinait." 

C'est donc dans l'ordre naturel des choses que Dominique Vitti place la châtaigne corse au cœur de son métier. Sur les 47 variétés de châtaignes que l'on peut trouver dans l'île, seules quelques-unes, dont le goût du fruit est le plus prononcé, sont compatibles avec la fabrication de marrons confits, puis glacés. "On les achetait, car on n'avait pas le temps de les récolter." S'il parle au passé, c'est parce que le cynips est passé par là. Il y a quelques années, cet insecte a ravagé les châtaigneraies corses, obligeant le fabricant à trouver une solution de substitution : des châtaignes venues d'Italie. "On n'avait rien d'autre, on était obligé, confie-t-il. Et finalement, il y a de bons produits de partout." Entre-temps, une microguêpe a débarqué en Corse par la volonté de l'homme : la torymus, prédatrice du cynips. Une introduction qui a porté ses fruits. Et aujourd'hui, Dominique Vitti dit avoir rétabli l'équilibre entre marrons glacés issus de châtaigniers corses ou italiens : "C'est du 50-50..." 

Durant l'automne, une équipe de six personnes traite l'équivalent d'une tonne de châtaignes, qu'elle transforme en marrons glacés.
Durant l'automne, une équipe de six personnes traite l'équivalent d'une tonne de châtaignes, qu'elle transforme en marrons glacés.
Ni trop humide, ni trop sec

Qu'importe le flacon, pourvu que le marron soit bon. Et il l'est. Dans son atelier de 240m2 à Bastia situé sous son domicile, Dominique Vitti porte une attention particulière à la température ambiante : "Il doit faire environ 20 degrés et ne pas dépasser 60 % de taux d'humidité. Si c'est trop humide, le glaçage va coller. Et s'il fait trop sec, le marron va sécher." C'est pour cela qu'il déconseille de mettre des marrons glacés au frigo, ce qui aurait pour effet de figer le sirop qui donne toute son onctuosité au marron.

Depuis la mi-octobre, l'artisan, son épouse Marie-Hélène et leurs quatre employés se consacrent exclusivement à la fabrication des marrons glacés. Le reste de l'année, ce sont plutôt les confitures qui les occupent et qui leur ont valu l'obtention d'un prix en 2016. "Il faut compter deux mois et demi environ entre la fabrication des marrons et leur consommation. On ne met dedans ni conservateur, ni colorant." Compte tenu du dimensionnement relativement réduit de l'atelier et de l'important travail manuel qui y est réalisé, il faut "une semaine" pour franchir toutes les étapes du processus de fabrication. Il y a d'abord l'épluchage des marrons : "On les groupes par cinq, on les enveloppe dans un papier sulfurisé pour éviter qu'il n'éclate à la cuisson.

Puis vient le confisage, automatisé. Les marrons sont ensuite testés un à un : "Un bon marron glacé, il faut qu'il soit tendre. Le simple fait de l'avoir à la main permet de savoir s'il est dur ou souple." Les marrons trop durs, Castagna Corsa en fera des confitures. Les autres seront glacés à l'aide d'une machine, puis emballés individuellement dans des papiers. Pour faire une saison, le fabriquant dispose "d'à peu près une tonne brute de marrons. Ceux qui finiront glacés, c'est environ la moitié."

Les marrons sont ensuite commercialisés sous la marque Dolci Corsi.
Les marrons sont ensuite commercialisés sous la marque Dolci Corsi.
Trois fabricants de marrons glacés en Corse

Ils finiront, juste avant les fêtes, à la Fiera di a castagna de Bocognano, qui a lieu tous les ans en décembre et dans les étals des épiceries fines de Corse, mais très peu en dehors de l'île. Les marrons glacés de Dominique Vitti sont vendus sous la marque Dolci Corsi, qui rassemble aussi la production des deux seules autres productrices de marrons glacés de l'île : Marina Ceccaldi, basée à Evisa, et Véronique Leoni, castanéicultrice de Zevaco. "Le cahier des charges est identique, on suit la même recette", souligne Dominique Vitti, 61 ans, qui s'était lancé dans la fabrication des marrons glacés en 1995, après avoir été à bonne école auprès du grand confiseur Lucien Breton. Aujourd'hui, il se donne encore "4 ou 5 ans" avant la retraite et reste évasif quand on lui demande d'envisager la suite : "Aujourd'hui, on n'a pas de site internet, mais pour le futur repreneur, on est en train d'en faire un..."

(*) Le fruit du marronnier, c'est le marron d'Inde, qui n'est pas consommé et dont les vertus sont essentiellement thérapeutiques, entrant notamment dans des traitements contre les cernes sous les yeux ou les hémorroïdes.