La ministre Nicole Belloubet au Centre pénitentiaire de Casabianda.
- Vous venez de découvrir le centre pénitentiaire de Casabianda. Quelles impressions en retirez-vous ?
- C’est un établissement très atypique. Certains de nos établissements peuvent s’en rapprocher. L’établissement Mauzac en Dordogne est un peu construit sur le même modèle. Mais globalement, c’est un établissement très singulier qui accueille des détenus singuliers. C’est la raison pour laquelle il est intéressant d’avoir ce type d’établissements sur l’ensemble de notre dispositif pénitentiaire. Nous avons besoin de structures diversifiées.
- C’est-à-dire ?
- Nous avons besoin, notamment dans les grandes métropoles, d’établissements très sécuritaires, nous allons construire de nouvelles maisons d’arrêt dans le cadre du plan pénitentiaire de 15 000 places que j’ai annoncé. Nous avons également besoin de centres plus petits de préparation pour la sortie des détenus, que nous appellerons des SAS, des structures d’accompagnement vers la sortie. Ces SAS seront moins sécuritaires et destinés à l’année de préparation à la sortie pour les détenus qui seront dans cette phase. Nous allons construire 2000 places de cette nature-là. Nous avons aussi besoin de centres pénitentiaires qui accueilleront des détenus dans un régime de confiance, un peu comme ici où les détenus, par un contrat de confiance, ont une certaine liberté d’action et de mouvement, mais si ce contrat est rompu, reviennent évidemment à des conditions de détention classiques, plus sécuritaires. Au fond, je dirais presque : à chaque détenu, son établissement, ou, en tous cas, une situation de détention adaptée. C’est mon ambition.
- Vu l’état de dégradation de la prison d’Ajaccio, est-il prévu de la rénover ou d’en construire une nouvelle ?
- Le président de la République a annoncé la construction de 15 000 places de prison. 7 000 seront livrées d’ici à 2022 et 8 000 seront lancées d’ici à 2022. Cette projection est liée à l’évolution des peines telles que nous allons la proposer au Parlement dans la loi que je vais porter d’ici à quelques jours. Nous reconstruisons les peines et, donc, cela aura un impact sur la population pénale. Cela explique les 15 000 places dans le cadencement que j’indique. L’établissement pénitentiaire d’Ajaccio a besoin d’être rénové. Ma consoeur, Mme Gourault, a eu, à ce sujet, des contacts avec le maire d’Ajaccio. Nous commencerons la rénovation de cet établissement, mais nous ne construirons pas de nouvel établissement pénitentiaire.
- Casabianda est en sous-effectif. Envisagez-vous d’augmenter le nombre de détenus ?
- Oui ! Notre ambition, comme je vous le disais, est de pouvoir affecter les détenus dans l’établissement où ils seront pris en charge d’une manière adaptée. Il y a 117 détenus à Casabianda pour une possibilité d’accueil de plus de 180. Nous allons réfléchir à la possibilité d’affecter de nouveaux détenus, mais les conditions, dans lesquelles ils sont accueillis, font que nous ne pouvons pas mettre ici n’importe qui. A la fois en termes de dangerosité, nous n’allons pas mettre ici des détenus qui ont besoin d’un régime très sécurisé. En termes aussi de conditions de liens avec les familles que nous devons prendre en considération. Egalement, pour certains détenus, des liens avec les tribunaux où ils doivent encore être jugés. Tout cela entraine un certain nombre de paramètres que nous devons prendre en compte.
- Des détenus corses voudraient être rapprochés. Casabianda peut-il être une option ?
- Nous traitons la situation des détenus corses au cas par cas, comme nous le faisons pour l’ensemble des détenus. Lorsqu’il y a une demande de rapprochement, nous étudions cette situation spécifique et voyons si cela est possible. Depuis que je suis ministre, des rapprochements ont été effectués. Trois nouveaux rapprochements vont être effectués à la prison de Borgo, ou l’ont déjà été au moment où je vous parle. Ce sont trois jeunes détenus qui ont demandé à être rapprochés. Une fois cela dit - le traitement au cas par cas -, je redis ici que, pour certains détenus sur lesquels on pourrait avoir des craintes en termes d’ordre public et, également, pour lesquels nous devons le respect aux victimes, il n’y aura, dans ce cas-là, pas de rapprochement.
- Les syndicats STC, FO et UFAP ont été reçus par vos conseillers et ont pointé, pour Casabianda, l’ouverture vers l’extérieur. Qu’en pensez-vous ?
- La directrice me disait que les conditions de gestion des détenus se passent, dans l’ensemble, plutôt bien. Un travail important est effectué dans le suivi des détenus au cours de leur détention en termes médical, en termes d’accompagnement professionnel, en termes de préparation à la sortie. Il n’y a pas d’incident majeur, même si, dans les mois précédents, on a pu faire face à un détenu qui n’est pas rentré d’une permission de sortie et un autre dont on ne sait pas s’il s’est suicidé ou s’il a eu un accident. Ce sont des évènements qu’il faut prendre en charge avec sérieux et qui ne traduisent pas un état de tension extrêmement fort dans cet établissement.
- La demande portait sur le manque de signalisation à l’extérieur pour la population, notamment au niveau de la plage…
- J’ai rencontré le maire d’Aleria. Il a un projet de mise en place d’un centre de loisirs ou de vacances sur les terrains de l’administration pénitentiaire. Il n’a pas fait état de cette difficulté.
- Les syndicats de la prison de Borgo vous accusent de n’avoir pas tenu les promesses du protocole d’accord signé en janvier. Qu’en est-il ?
- Je ne suis pas du genre à ne pas tenir mes promesses ! Il y a eu, au mois de janvier dernier, un mouvement pénitentiaire national qui était lié, pas seulement, mais aussi, aux crimes commis à Borgo à l’encontre de deux surveillants pénitentiaires. J’étais venue sur place à ce moment-là. Un protocole d’accord a été signé à la suite de ce mouvement national. Il comportait des mesures indemnitaires, toutes ont été mises en place : 32 millions d’euros. Mais certaines n’arriveront sur la fiche de paie des personnels pénitentiaires qu’en fin d’année parce que ce sont des primes qui sont versées en fin d’année.
- Et concernant les équipements de sécurité promis ?
- En termes d’équipement de sécurité des personnels, nous avons effectivement livré ce à quoi nous nous étions engagés, c’est-à-dire des basses menottes, des équipements par lames et d’autres éléments d’alertes. Si ce n’est pas livré, c’est en cours de livraison. C’est une question de jours ou tout au plus de semaines. Mais, j’ai tenu mes engagements. Ce qui est plus long, sans doute, à mettre en place, c’est une réflexion globale sur la carrière et sur le métier de surveillant pénitentiaire. Un travail est en cours à la Direction de l’administration pénitentiaire pour que les surveillants soient pleinement établis dans leur autorité, dans leur participation à la vie de l’établissement, dans le regard qu’ils portent sur les détenus. Ce sont eux qui sont en contact avec les détenus, ce sont eux qui doivent nous donner les informations les plus pertinentes sur ce que sont les détenus. C’est sur cela que nous travaillons.
- Les syndicats affirment que les personnels ne sont pas au courant de la radicalisation d’un détenu et veulent en être informés. N’est-ce pas normal ?
- C’est au Directeur de l’établissement de gérer cette question-là et de travailler avec ses équipes. Il m’est très difficile, en tant que ministre, d’intervenir. Il y a dans les établissements pénitentiaires la volonté que le dialogue soit clairement établi et que la prise en charge des détenus soit clairement partagée entre les équipes. Je pense que c’est cela qu’il faut faire.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- C’est un établissement très atypique. Certains de nos établissements peuvent s’en rapprocher. L’établissement Mauzac en Dordogne est un peu construit sur le même modèle. Mais globalement, c’est un établissement très singulier qui accueille des détenus singuliers. C’est la raison pour laquelle il est intéressant d’avoir ce type d’établissements sur l’ensemble de notre dispositif pénitentiaire. Nous avons besoin de structures diversifiées.
- C’est-à-dire ?
- Nous avons besoin, notamment dans les grandes métropoles, d’établissements très sécuritaires, nous allons construire de nouvelles maisons d’arrêt dans le cadre du plan pénitentiaire de 15 000 places que j’ai annoncé. Nous avons également besoin de centres plus petits de préparation pour la sortie des détenus, que nous appellerons des SAS, des structures d’accompagnement vers la sortie. Ces SAS seront moins sécuritaires et destinés à l’année de préparation à la sortie pour les détenus qui seront dans cette phase. Nous allons construire 2000 places de cette nature-là. Nous avons aussi besoin de centres pénitentiaires qui accueilleront des détenus dans un régime de confiance, un peu comme ici où les détenus, par un contrat de confiance, ont une certaine liberté d’action et de mouvement, mais si ce contrat est rompu, reviennent évidemment à des conditions de détention classiques, plus sécuritaires. Au fond, je dirais presque : à chaque détenu, son établissement, ou, en tous cas, une situation de détention adaptée. C’est mon ambition.
- Vu l’état de dégradation de la prison d’Ajaccio, est-il prévu de la rénover ou d’en construire une nouvelle ?
- Le président de la République a annoncé la construction de 15 000 places de prison. 7 000 seront livrées d’ici à 2022 et 8 000 seront lancées d’ici à 2022. Cette projection est liée à l’évolution des peines telles que nous allons la proposer au Parlement dans la loi que je vais porter d’ici à quelques jours. Nous reconstruisons les peines et, donc, cela aura un impact sur la population pénale. Cela explique les 15 000 places dans le cadencement que j’indique. L’établissement pénitentiaire d’Ajaccio a besoin d’être rénové. Ma consoeur, Mme Gourault, a eu, à ce sujet, des contacts avec le maire d’Ajaccio. Nous commencerons la rénovation de cet établissement, mais nous ne construirons pas de nouvel établissement pénitentiaire.
- Casabianda est en sous-effectif. Envisagez-vous d’augmenter le nombre de détenus ?
- Oui ! Notre ambition, comme je vous le disais, est de pouvoir affecter les détenus dans l’établissement où ils seront pris en charge d’une manière adaptée. Il y a 117 détenus à Casabianda pour une possibilité d’accueil de plus de 180. Nous allons réfléchir à la possibilité d’affecter de nouveaux détenus, mais les conditions, dans lesquelles ils sont accueillis, font que nous ne pouvons pas mettre ici n’importe qui. A la fois en termes de dangerosité, nous n’allons pas mettre ici des détenus qui ont besoin d’un régime très sécurisé. En termes aussi de conditions de liens avec les familles que nous devons prendre en considération. Egalement, pour certains détenus, des liens avec les tribunaux où ils doivent encore être jugés. Tout cela entraine un certain nombre de paramètres que nous devons prendre en compte.
- Des détenus corses voudraient être rapprochés. Casabianda peut-il être une option ?
- Nous traitons la situation des détenus corses au cas par cas, comme nous le faisons pour l’ensemble des détenus. Lorsqu’il y a une demande de rapprochement, nous étudions cette situation spécifique et voyons si cela est possible. Depuis que je suis ministre, des rapprochements ont été effectués. Trois nouveaux rapprochements vont être effectués à la prison de Borgo, ou l’ont déjà été au moment où je vous parle. Ce sont trois jeunes détenus qui ont demandé à être rapprochés. Une fois cela dit - le traitement au cas par cas -, je redis ici que, pour certains détenus sur lesquels on pourrait avoir des craintes en termes d’ordre public et, également, pour lesquels nous devons le respect aux victimes, il n’y aura, dans ce cas-là, pas de rapprochement.
- Les syndicats STC, FO et UFAP ont été reçus par vos conseillers et ont pointé, pour Casabianda, l’ouverture vers l’extérieur. Qu’en pensez-vous ?
- La directrice me disait que les conditions de gestion des détenus se passent, dans l’ensemble, plutôt bien. Un travail important est effectué dans le suivi des détenus au cours de leur détention en termes médical, en termes d’accompagnement professionnel, en termes de préparation à la sortie. Il n’y a pas d’incident majeur, même si, dans les mois précédents, on a pu faire face à un détenu qui n’est pas rentré d’une permission de sortie et un autre dont on ne sait pas s’il s’est suicidé ou s’il a eu un accident. Ce sont des évènements qu’il faut prendre en charge avec sérieux et qui ne traduisent pas un état de tension extrêmement fort dans cet établissement.
- La demande portait sur le manque de signalisation à l’extérieur pour la population, notamment au niveau de la plage…
- J’ai rencontré le maire d’Aleria. Il a un projet de mise en place d’un centre de loisirs ou de vacances sur les terrains de l’administration pénitentiaire. Il n’a pas fait état de cette difficulté.
- Les syndicats de la prison de Borgo vous accusent de n’avoir pas tenu les promesses du protocole d’accord signé en janvier. Qu’en est-il ?
- Je ne suis pas du genre à ne pas tenir mes promesses ! Il y a eu, au mois de janvier dernier, un mouvement pénitentiaire national qui était lié, pas seulement, mais aussi, aux crimes commis à Borgo à l’encontre de deux surveillants pénitentiaires. J’étais venue sur place à ce moment-là. Un protocole d’accord a été signé à la suite de ce mouvement national. Il comportait des mesures indemnitaires, toutes ont été mises en place : 32 millions d’euros. Mais certaines n’arriveront sur la fiche de paie des personnels pénitentiaires qu’en fin d’année parce que ce sont des primes qui sont versées en fin d’année.
- Et concernant les équipements de sécurité promis ?
- En termes d’équipement de sécurité des personnels, nous avons effectivement livré ce à quoi nous nous étions engagés, c’est-à-dire des basses menottes, des équipements par lames et d’autres éléments d’alertes. Si ce n’est pas livré, c’est en cours de livraison. C’est une question de jours ou tout au plus de semaines. Mais, j’ai tenu mes engagements. Ce qui est plus long, sans doute, à mettre en place, c’est une réflexion globale sur la carrière et sur le métier de surveillant pénitentiaire. Un travail est en cours à la Direction de l’administration pénitentiaire pour que les surveillants soient pleinement établis dans leur autorité, dans leur participation à la vie de l’établissement, dans le regard qu’ils portent sur les détenus. Ce sont eux qui sont en contact avec les détenus, ce sont eux qui doivent nous donner les informations les plus pertinentes sur ce que sont les détenus. C’est sur cela que nous travaillons.
- Les syndicats affirment que les personnels ne sont pas au courant de la radicalisation d’un détenu et veulent en être informés. N’est-ce pas normal ?
- C’est au Directeur de l’établissement de gérer cette question-là et de travailler avec ses équipes. Il m’est très difficile, en tant que ministre, d’intervenir. Il y a dans les établissements pénitentiaires la volonté que le dialogue soit clairement établi et que la prise en charge des détenus soit clairement partagée entre les équipes. Je pense que c’est cela qu’il faut faire.
Propos recueillis par Nicole MARI.
Casabianda, un centre pénitentiaire hors normes
Hors normes par son organisation et les modalités de prise en charge des détenus, Casabianda est un établissement pénitentiaire sans mur d’enceinte, sans porte d’entrée, sans grillage, sans barreaux aux fenêtres, sans quartier disciplinaire, sans œilleton aux cellules, sans cellule sécurisée… Le centre ne dispose d’aucun élément de sécurité classique, mais repose sur un contrat de confiance passé avec le détenu. Ce contrat et une coordination interdisciplinaire entre les services permettent, selon la Directrice des services pénitentiaires, Laura Abrani, « d’avoir une connaissance parfaite du détenu et de pouvoir déceler, à tout moment, d’éventuels incidents ou des choses qui pourraient venir perturber l’organisation de la détention. Le rôle des personnels est très différent de celui des personnels en établissements traditionnels. Il est primordial parce que les personnels ont vraiment un rôle d’observateur de la population de détenus ».
Casabianda est un centre qui prépare la sortie des détenus. « Parmi les dispositifs existants pour préparer la sortie, il y a le travail : du travail de service général au sein de l’établissement – cuisine, entretien -, mais ce qui fait notre identité est l’exploitation agricole qui emploie, aujourd’hui, 48 personnes dans les ateliers d’élevage ovin, qui compte pas moins de 1300 brebis, l’élevage porcin et les cultures céréalières et fourragères. Nous produisons du lait que nous vendons à un fromager local. Les céréales et le fourrage servent à l’alimentation des troupeaux du domaine. C’est un système d’économie circulaire », déclare Laura Abrani. Casabianca offre 194 places, mais compte seulement 117 détenus au profil sélectionné et venant de toutes les régions de France, les deux tiers sont des délinquants sexuels. La durée moyenne d’incarcération a diminué et est, aujourd’hui, de deux ans et 4 mois. De nouveaux détenus sont attendus dans les jours qui viennent.
Casabianda est un centre qui prépare la sortie des détenus. « Parmi les dispositifs existants pour préparer la sortie, il y a le travail : du travail de service général au sein de l’établissement – cuisine, entretien -, mais ce qui fait notre identité est l’exploitation agricole qui emploie, aujourd’hui, 48 personnes dans les ateliers d’élevage ovin, qui compte pas moins de 1300 brebis, l’élevage porcin et les cultures céréalières et fourragères. Nous produisons du lait que nous vendons à un fromager local. Les céréales et le fourrage servent à l’alimentation des troupeaux du domaine. C’est un système d’économie circulaire », déclare Laura Abrani. Casabianca offre 194 places, mais compte seulement 117 détenus au profil sélectionné et venant de toutes les régions de France, les deux tiers sont des délinquants sexuels. La durée moyenne d’incarcération a diminué et est, aujourd’hui, de deux ans et 4 mois. De nouveaux détenus sont attendus dans les jours qui viennent.