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PNC : Le retour aux fondamentaux sur fond de polémique… en attendant Femu


Nicole Mari le Samedi 23 Juin 2018 à 23:55

C’était une assemblée générale pour décider de l'avenir d’U Partitu di a Nazione Corsa (PNC) et de la stratégie à adopter. Samedi après-midi, quelques 350 militants, réunis sous chapiteau à Corti, ont acté de poursuivre, tout à la fois, l’aventure du PNC, les discussions pour « créer Femu à Corsica » et la démarche d’autodétermination du peuple corse. Sur fond de tension avec leurs partenaires. La veille, le leader des nationalistes modérés, Gilles Simeoni, avait appelé, dans une longue lettre, au respect des engagements et du calendrier votés lors de l’assemblée générale constitutive de Femu, le 15 octobre 2017, qui devait entériner la dissolution des mouvements fondateurs. Décryptage.



PNC : Le retour aux fondamentaux sur fond de polémique… en attendant Femu
On croyait le PNC, Inseme, A Chjama engloutis à jamais dans le nouveau parti Femu à Corsica porté sur les fonds baptismaux le 17 octobre 2017. Il n'en est apparemment rien. Pas dissolu, seulement en demi-sommeil, le PNC a resurgi, samedi après-midi, lors d'une nouvelle assemblée générale qui s'est tenue à Corti, et avec lui, les tensions politiques qui continuent d'agiter, sous une unité de surface, la mouvance nationaliste modérée. La veille, le leader des Modérés, Gilles Simeoni, avait dans un courrier appelé les 1500 militants de Femu à respecter les engagements et le calendrier votés à l'unanimité lors de l'assemblée constitutive d'octobre. Mais samedi, à Corti, le PNC a agi comme si l'assemblée constitutive de Femu n'avait jamais existé. Il a présenté son bilan, ses comptes financiers, sa motion d’orientation générale… ses élus ont rendu compte de leurs actions, son secrétaire général, Jean-Christophe Angelini, a débattu, comme il l’a fait à chaque assemblée depuis dix ans, avec les quelques 350 militants présents. Dans cette réunion censée être la dernière, les militants ont voté, comme un seul homme, à mains levées, sans aucune objection, la proposition de leur leader : ne pas dissoudre le PNC, mais le réaffirmer comme un cadre nécessaire tant que les conditions ne seront pas réunies pour créer Femu a Corsica.
 
Un mariage de raison
Personne n'ignore en 2010 que le couple Inseme-PNC fait un mariage forcé sur fond d'urgence électorale et de pragmatisme politique, mais sans enthousiasme excessif. Un mariage qui, au fil des années et des échéances électorales, s'avère gagnant, sans que les victoires éclatantes jusqu'à l'accession aux responsabilités régionales ne lissent les frictions intérieures, les querelles de personnes et les guerres de chefs. Pendant cinq ans, de 2010 à 2015, le PNC martèle l’importance de la coalition Femu a Corsica, sa cohérence politique et la nécessité de transformer cette plateforme électorale en un parti unique de gouvernement. Cinq années où il se heurte à la réticence passive du conjoint Inseme, à son refus prudent de fusionner, à son scepticisme sur l’opportunité des noces et la lune de miel promise. Cinq années que les deux conjoints passent à exorciser le spectre de la désunion. Mais, comme on ne change pas une équipe qui gagne, le mariage forcé devient un mariage de raison. Toujours sans grand sentiment. La prise du pouvoir régional en décembre 2015 marque un tournant inattendu dans cette relation tumultueuse. La pression et la prudence changent de camp. Inseme et son leader se découvrent, soudain, une urgence nouvelle à convoler, le PNC et son leader, une urgence nouvelle à tergiverser.
 
Des noces de principe
Sur le principe, tout le monde est d’accord : Femu a Corsica, acteur central de la victoire de décembre 2015 et premier groupe politique de la majorité territoriale, doit, désormais, devenir une force de gouvernement et le moteur du changement. Sur les modalités : rien ne va plus ! Durant l’été 2016, Inseme propose un calendrier resserré et la création d’une assemblée constituante au plus tard à l’automne 2016. Le PNC répond par une motion à l’unanimité « Femu a Corsica subitu ! » qui décline une proposition de contrat sous dix conditions, notamment la parité entre les deux mouvements, la mutualisation des moyens, la création de comités régionaux, l’élargissement à d’autres formations nationalistes … et des procédures de désignation démocratique des candidats aux scrutins électoraux. Le contrat fait polémique, les divergences se creusent et les mois passent. Malgré quelques ritournelles et des pressions militantes, l’heure est à d’autres urgences politiques. Les Nationalistes au pouvoir ont deux ans pour convaincre, une obligation de résultats et d’autres chats à fouetter. La population n’entend pas grand chose à cette question qui revient sur le tapis à l’approche des territoriales de décembre 2017. C’est finalement le calendrier électoral qui précipite les noces. Le 15 octobre à Corti, une assemblée générale constitutive porte solennellement, sur les fonds baptismaux, le nouveau parti Femu a Corsica. Les nouveaux mariés désignent une coordination et annoncent une assemblée générale début 2018, finalement reportée sine die. Les différends ne sont pas réglés, juste rangés sous le boisseau, la crise, non résolue, couve.
 
Une crise conjugale
Le PNC avait, par précaution, prévu une dernière assemblée générale avant toute cessation d’activité, histoire d’entériner ou pas la dissolution programmée. Mais ce qui aurait du être la der des der signe une marche arrière et un retour dans l’arène politique en tant qu’entité propre. Les noces ont fait long feu, le mariage est-il rompu, le divorce consommé ? « Non ! », affirme Jean-Christophe Angelini (cf interview par ailleurs), « Femu est un parti en devenir. Il n'y a aucun conflit, ni rapport de forces. Il n'est pas question de créer un groupe PNC à l'assemblée de Corse. On crie au loup, on dramatise, on fait une forme de surenchère, mais ce n'est pas du côté du PNC qu'il faut venir chercher les briseurs d'union ou de rêves. On ne renie aucun accord politique ». Où est le problème alors ? Une simple crise conjugale ? « Faire Femu, ce n’est pas respecter la volonté d’une composante uniquement, c’est accepter un débat démocratique entre tous ceux qui l’ont construit. La conduire aux conditions voulues, pour ne pas dire dictées par tel ou tel en particulier n’est plus possible, il faut accepter les conditions générales ! ». Un tacle à peine sibyllin sans plus de précisions, et le refus immédiat de céder à la polémique : « Les militants du PNC affirment depuis des mois que le moment de leur dissolution immédiate et brutale n’est pas venue ! Ils souhaitent conserver, pour l’instant, un certain nombre de repères. Ce n’est pas la fin de Femu ! Ce n’est pas la fin de la majorité ! Ce n’est pas, non plus, la fin du PNC ! ». Déviant habilement sur des contingences plus politiques, il remet le sujet du jour à la hauteur des enjeux historiques. « Femu n’est qu’un outil. L’essentiel, c’est la réussite de la collectivité unie et du projet politique que nous devons mettre en œuvre ». Et sonne le retour aux fondamentaux du PNC : « la marche vers l’autodétermination ».
 
Un abcès à crever
Les militants présents font bloc derrière leur secrétaire général, mais le cœur n’y est pas. Le malaise est latent, les non-dits plus pesants que les mots bien pesés qu’on avoue. Le nom qu’on ne prononce pas plane sur l’assistance, son ferme rappel à l’ordre dans le courrier de la veille a laissé un goût d’amertume. Les chaises vides des absents, qui ont préféré être ailleurs ou sont entrés en dissidence, inquiètent. Tout comme l’affrontement meurtrier sur les réseaux sociaux. Personne n’a envie de mettre le feu aux poudres, ni de s’abîmer dans une guerre intestine suicidaire. Mais seul, le député, Paul-André Colombani, le dit franchement et appelle à la raison, à ne pas se tromper d’adversaire : « Femu est un outil qu’il faut mettre en route. Notre adversaire, ce n’est pas Gilles Simeoni, ni Hyacinthe Vanni. Il faut arrêter de les attaquer sur les réseaux sociaux. Notre adversaire, c’est la droite ajaccienne ». Un militant perplexe résume le sentiment quasi-général : « On ne comprend pas très bien où tout ça va nous mener… Mais pourquoi ne s’enferment-ils pas dans un bureau pour s’expliquer une bonne fois pour toutes ? Il serait temps de crever l’abcès ! ». Bonne question ! Mais tout n’est pas si simple...
 
N.M.
 

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